En visite en Belgique, le pape François a été applaudi le 28 septembre à l’Université de Louvain, qui fêtait son 600e anniversaire. Et pourtant, cette rencontre laisse un goût amer. Interrogé par un collectif d’étudiants et d’enseignants sur « l’invisibilisation des femmes » dans l’encyclique Laudato si’sur « L’écoféminisme chrétien » et sur la place des femmes dans l’Église, poussées comme rarement à sa gauche, François a tenté de prendre de la hauteur, avec toute la chaleur, la simplicité et la bonhomie dont on lui sait capable. Mais à peine avait-il quitté la scène que le président de l’université diffusait un communiqué pour proclamer « son incompréhension et sa désapprobation à l’égard de la position exprimée concernant la place de la femme dans l’Église et dans la société ».
Qu’a dit le Pape de si horrible ? Honnêtement, rien. Pour François, « La femme est fille, sœur, mère. Comme moi, je suis un fils, un frère, un père ». C’est ratisser suffisamment large pour que chacun puisse y trouver sa place. Il rappelle que « ce sont les relations qui expriment notre être à l’image de Dieu, homme et femme ensemble et non séparément ». C’est une paraphrase de la Genèse. Il prétend que « Les femmes et les hommes sont des personnes et non des individus » et qu’ils sont « appelé à aimer et à être aimé ». C’est prêcher par banalité.
Cependant, le Pape n’apprécie peut-être pas à quel point notre culture considère chaque personne comme sa propre origine, sa propre fin et sa propre norme. Contrairement à ce qu’il professe et espère, l’individu a terrassé la personne. Les tenants de l’intersectionnalité des luttes peuvent affirmer comme lui que « tout est lié » – racisme, sexisme, exploitation des pauvres, crise écologique – ils ne peuvent soutenir la définition des femmes et des hommes par leurs liens mutuels.
Face à un tel écart, que faire ? Il existe deux voies, en fait deux impasses. La surenchère de la complaisance précipite cette sécularisation que nous voulons éviter. Le catholicisme doux est un catholicisme silencieux. On lui reprochera toujours quelque chose jusqu’à ce qu’il ne soit plus rien, et même après. L’autre voie, celle du repli identitaire, conduit à une autre forme de marginalisation. L’Église devient une petite société pieuse, une secte aussi impénétrable qu’ésotérique, marmonnant des vérités qui n’ont de sens que pour elle.
Dans l’histoire du christianisme, une chose n’a jamais changé depuis deux mille ans : pas de mission sans attestation, mais pas d’évangélisation sans inculturation. Si nous ne devons jamais brader notre foi, nous devons toujours prendre au sérieux le langage de notre époque. Un pape ne peut donc plus se contenter d’affirmer, comme le faisait nonchalamment François, que « la femme est plus importante que l’homme, mais c’est moche quand la femme veut être l’homme« , que « la femme est féconde, accueil, soin, dévouement vital »que « l’Église est femme » ou même ça « la femme est au cœur de l’événement salvateur »citant Marie. Ces clichés ne sont pas de nature à répondre aux questions fondamentales des nouvelles générations. Dans une société où les questions de genre deviennent prépondérantes et où la domination des hommes sur les femmes est partout remise en question, l’incident de Louvain doit servir d’avertissement. Je pense à la femme comme au temps de Jean-Paul II ce n’est plus possible, il faut désormais penser avec les femmes. Le magistère doit écouter et la théologie doit humblement se remettre au travail.