Ouverture à Paris du procès du rappeur Moha La Squale pour violences et séquestration
Arrêté en 2021 au plus fort de sa gloire, le rappeur Moha La Squale est jugé à partir de mardi 2 juillet à Paris pour avoir agressé et menacé six de ses anciennes partenaires.
Un sourire charmeur. Une balade en décapotable au coucher du soleil. Ou une balade en scooter dans les petites ruelles. Un câlin sur la plage. Et une soirée télé sous les draps… Dans ses clips, Moha La Squale apparaît comme le amoureux ultime avec tous ceux qu’il « certifie comme (Monica) Bellucci » pour reprendre les mots de son titre Lune.
Le rappeur, aujourd’hui âgé de 29 ans, est un excellent comédien. Il a également suivi le Cours Florent pendant trois ans après une licence en gestion et administration. Mais la justice se demande s’il ne présente pas un visage beaucoup plus sombre une fois la caméra éteinte et le couler est retombé. Quand, finalement, il ne reste plus que des panaches de fumée de cannabis dans l’air.
A partir de mardi 2 juillet, Mohamed Bellhamed, de son vrai nom, devra se défendre de violences contre six de ses anciennes partenaires, et même d’avoir séquestré certaines d’entre elles lors d’attaques paranoïaques.
Pour preuve de l’ampleur des accusations qui pèsent contre lui, la justice a prévu quatre jours d’audience pour son procès devant la 14e chambre du tribunal judiciaire de Paris. Quatre jours pour tenter de comprendre si le jeune homme, originaire de la Cité de la Banane dans le 20e arrondissement de Paris, n’a pas perdu contact avec la réalité, précisément au moment où il a commencé à connaître le succès.
Le 6 septembre 2020, Moha La Squale ne pense qu’à ça en se levant. Ses premiers freestyles publiés sur YouTube. Son album Benderocertifié disque de platine en six mois. Ses prestations sur la scène de l’Olympia ou du festival We Love Green. Sa nomination aux Victoires de la musique. Sa collaboration avec la marque Lacoste, dont il est devenu l’une des égéries… Mais lorsqu’il s’empare de son téléphone, il découvre qu’il est accusé de violences conjugales sur les réseaux sociaux. Les messages s’accumulent sous le hashtag #BalanceTonRappeur. Et dès le lendemain les accusations passent d’Instagram aux commissariats où trois jeunes femmes déposent d’abord plainte contre lui. Rapidement suivies par trois autres.
« Je vais te faire tomber à la renverse si tu te lèves. »
Devant les enquêteurs, elles ont toutes décrit le même mécanisme : une relation amoureuse et bienveillante qui a soudainement basculé. D’abord par des insultes, comme le raconte Maeva* : « Salope de guerre… Il faut que tu te fasses soulever, salope, sale pute… » Puis par des menaces, comme le décrit Alexandra* : « Je vais te faire tuer, je vais te tuer, je vais te fumer… » Avant les coups : « Il m’a tiré les cheveux si fort que j’avais des bleus sur le cuir chevelu », poursuit Maeva. « Il a posé un oreiller sur ma tête et a appuyé très fort. Je ne pouvais plus respirer », explique Alexandra.
Menaces, violences et, pour certaines jeunes femmes, épisodes de séquestration. Lisa* a raconté à la police une nuit de juin 2019 où elle s’est retrouvée avec lui dans une chambre d’hôtel, retenue deux heures dans la salle de bain. « Cela m’a semblé une éternité (…) Il me menaçait. Il me disait : “Je vais te balayer si tu te lèves de la salle de bain”, “tu peux prier Dieu, il est le seul à pouvoir t’aider”, “j’ai déjà fait de la prison pour séquestration, ce que je te fais ne me dérange pas…”
Du cannabis caché même dans les soutiens-gorge
C’est exact. L’une des sept mentions inscrites au casier judiciaire de Mohamed Belhammed concerne en effet un épisode d’extorsion et d’enlèvement pour lequel il a été condamné, en 2014, à trois ans de prison, dont 18 mois fermes. Ses autres condamnations mettent en lumière un passé marqué par la violence sous l’emprise de stupéfiants.
Chargée de mener cette enquête depuis 2021, la juge d’instruction ne mâche pas ses mots dans son ordonnance de renvoi. Moha La Squale y est décrit comme « cyclothymique, impulsif, immature, capricieux et colérique ». Des traits de caractère « probablement fortement accentués par une consommation excessive de cannabis ». Il est vrai que chaque page du dossier judiciaire semble sentir le haschisch puisque le rappeur en fumait lorsqu’il était en couple avec les jeunes femmes. A tel point qu’il n’hésitait pas à leur demander d’en cacher dans leur soutien-gorge, voire ailleurs, lorsqu’il devait franchir une frontière.
Une addiction qui aurait accru sa paranoïa et sa jalousie, selon les experts. Mohamed Belhammed reconnaît en effet « avoir pu se montrer menaçant dans le cadre de relations (…) en raison de l’influence exercée par sa notoriété, notent-ils. Mais il nie tout acte violent ou agression sexuelle ». Sur ce point, la justice lui a donné raison en écartant toutes les accusations de viol et d’agression qui pesaient sur sa tête pendant la procédure.
Mais elle a estimé qu’il devait répondre de faits de violence. Reste à savoir si elle estimera, au terme des quatre jours d’audience, qu’il est allé trop loin. Les magistrats pourront toujours réécouter ses coups pour se faire une idée. « Vous dites que vous l’aimez et vous lui faites du mal », scande-t-il dans un discours. Mon beau En parlant de lui-même, il a déclaré : « Ne m’appelez pas ‘Mi Amor’ ». Les plaignants n’ont plus l’intention de le faire. Actuellement en détention provisoire, Moha La Squale risque une peine de cinq ans de prison.
*Les noms ont été modifiés.