Personnage clé qui a contribué à la victoire présidentielle de Bassirou Diomaye Faye au Sénégal, Ousmane Sonko a été nommé mardi Premier ministre. Visage de l’opposition à Macky Sall, engagé contre la corruption, il a été visé par plusieurs poursuites judiciaires ces dernières années avant de sortir de prison trois semaines avant l’élection. Portrait.
Portrait publié le 2 juin 2023 et mis à jour le 3 avril 2024.
Il a été l’un des principaux visages de l’opposition au président Macky Sall avant de devenir un acteur clé de l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence du Sénégal. A bientôt 50 ans, Ousmane Sonko a été nommé Premier ministre, mardi 2 avril, symbole du « changement systémique », de la souveraineté et de l’apaisement promis par le nouveau chef de l’Etat. Car longtemps, il est apparu aux uns comme le héraut de la lutte pour le peuple et contre les élites corrompues, aux autres comme un agitateur incendiaire.
Après trois ans de procès qualifiés de « complot » politique par Ousmane Sonko et une candidature à la fonction suprême rejetée en début d’année par le Conseil constitutionnel, l’opposant est sorti de prison le 14 mars, soit 10 jours avant la présidentielle. . Il est temps de prendre une part active à la campagne de son numéro 2, Bassirou Diomaye Faye. Il aura ainsi arpenté sa région d’origine, la Casamance, pour appeler aux voix son allié et lui permettre de profiter de sa popularité.
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De fonctionnaire des impôts à personnalité de premier plan
Pourtant, il y a quelques années, le nouveau Premier ministre était encore inconnu sur la scène politique sénégalaise. Ousmane Sonko est né le 15 juillet 1974 à Thiès, à 70 kilomètres à l’est de Dakar. Fils de parents fonctionnaires, il grandit en Casamance et part étudier à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, où il obtient sa maîtrise de droit public en 1999. Deux ans plus tard, il obtient son diplôme major de sa promotion. à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) du Sénégal et débute sa carrière comme inspecteur des impôts.
Après trois ans dans l’administration, il crée l’Union Autonome des Agents Fiscaux et Domaines (SAID). En 2014, il entre en politique avec la création de son propre parti, Pastef (Patriots du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité).
En 2016, il avait été propulsé sur le devant de la scène lorsqu’il avait accusé l’État de fraude fiscale et de corruption en s’appuyant sur son expérience d’inspecteur. Le responsable dénonce notamment des détournements de fonds publics ou encore des avantages fiscaux indûment perçus par des personnalités au pouvoir. Il publie « Pétrole et gaz au Sénégal – Chronique d’une spoliation » (éd. Fauves) dans lequel il dénonce la gestion des ressources naturelles du pays par le président et son entourage.
Il a ensuite été démis de ses fonctions de la fonction publique pour « manquement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire » par décret présidentiel. « C’est véritablement à cette époque qu’il devient une figure de proue », relate Babacar Ndiaye, directeur des recherches et des publications du think tank Wathi, basé à Dakar.
Figure d’une jeunesse en quête de changement
Elu député en 2017, il apparaît à l’aise sur les plateaux de télévision et sourit lors des rencontres avec des militants. Ousmane Sonko sait user des phrases chocs et s’oppose au récit officiel du Sénégal « sur le chemin de l’émergence », promesse du président Macky Sall.
En 2019, il se lance dans la course à l’élection présidentielle. Son discours séduit les jeunes. « Il s’adresse aux jeunes avec des propos en faveur de la souveraineté économique, du patriotisme, tout en critiquant la gouvernance de l’Etat », poursuit Babacar Ndiaye. « Il est arrivé avec un message de changement et cela a rencontré une forme de soutien de la part des jeunes. » Et surtout, ce n’est pas un « homme politique ». Mais ses détracteurs lui reprochent son manque d’expérience et ses discours fracassants.
Le 24 février 2019, il termine à la troisième place de l’élection présidentielle avec 15,67 % des suffrages, derrière le président sortant Macky Sall et l’ancien Premier ministre Idrissa Seck.
Les affaires judiciaires, une « épée de Damoclès »
Mais en 2021, Ousmane Sonko se retrouve au cœur d’une bataille judiciaire qui bouscule ses ambitions politiques. En février, l’opposant avait été accusé de viols et de menaces de mort par Adji Sarr, employé d’un salon de beauté. Il nie les faits puis dénonce une manœuvre politique. Son arrestation a provoqué de violents affrontements entre ses partisans et la police. La vague de contestation est d’une ampleur sans précédent pour ce pays d’Afrique de l’Ouest connu pour sa stabilité. Relâché sous contrôle judiciaire en mars 2021, Ousmane Sonko se dit victime d’« un complot d’État » initié par des proches du président Macky Sall.
Pour l’heure, cela n’empêche pas Ousmane Sonko de poursuivre son ascension politique. En 2022, il est élu maire de Ziguinchor, en Casamance, après avoir formé la coalition Yewwi Askan Wi – YAW, Libérons le peuple en wolof – avec plusieurs membres de l’opposition, dont l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall.
As des réseaux sociaux, il s’exprime très régulièrement en direct sur sa page Facebook pour toucher une large partie de la population sénégalaise, rendant obsolète le reste de la classe politique et ses modes de communication.
Mehdi Ba, qui l’a interviewé à deux reprises pour Jeune Afrique ces dernières années, le décrit comme un « souverainiste de gauche ». Le journaliste explique : « Le ton de son discours politique est plutôt de gauche – même si la subdivision droite-gauche n’existe pas au Sénégal – et en même temps souverainiste, puisqu’il met en avant les intérêts du Sénégal sur le plan international et ceux du les gens au niveau national.
Dans l’ombre de Bassirou Diomaye Faye
En août 2022, il est candidat à la prochaine élection présidentielle de février 2024. Une élection qu’il serait en mesure de remporter, estime Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France à Dakar. Mais son ascension politique s’est totalement arrêtée le 1er juin 2023. Ousmane Sonko a été condamné à deux ans de prison pour « corruption de jeunesse » – une peine qui, selon le Code électoral, entraîne son inéligibilité.
Une nouvelle vague de protestations déferle sur le pays, faisant neuf morts le 1er juin. Pendant plusieurs semaines, les partisans de l’opposant sont descendus dans la rue et des troubles ont éclaté à Dakar et dans plusieurs villes. La figure de l’opposition est alors arrêtée et poursuivie, entre autres, pour « appel à l’insurrection » et « complot contre l’autorité de l’État ». Une réaction à ses discours et participations à des manifestations depuis 2021.
En juillet 2023, son parti est dissous et sa candidature à l’élection présidentielle officiellement invalidée début 2024. Le visage de l’opposition est définitivement exclu de la course à la fonction suprême. Mais c’est avec son soutien que Bassirou Diomaye Faye a été désigné candidat à sa place, avec un slogan : « Ousmane mooy Diomaye » (« Ousmane, c’est Diomaye »). Il faut dire que les deux hommes ont des points communs : ils sont passés par l’ENA et l’inspection des impôts, puis l’action syndicale et la direction de Pastef. Et si Bassirou Diomaye Faye est également en prison, la candidature du détenu est validée par le Conseil constitutionnel.
Le 14 mars, après des semaines de crise liées au report de l’élection présidentielle, initialement prévue le 25 février, et à une loi d’amnistie, les deux hommes ont finalement été libérés, à temps pour une campagne électorale précipitée. Le 2 avril, Bassirou Diomaye Faye est officiellement devenu le plus jeune président de ce pays d’Afrique de l’Ouest, moins de trois semaines après sa sortie de prison.
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Dans un bref discours, il s’est dit « conscient » que sa large victoire au premier tour de l’élection présidentielle du 24 mars exprimait « un désir profond de changement systémique ». « Sous ma direction, le Sénégal sera un pays d’espoir, un pays pacifique avec une justice indépendante et une démocratie renforcée », a-t-il déclaré. Ousmane Sonko était au premier rang.