« Oubliés » de la campagne, les pêcheurs réunis pour leurs rendez-vous à Lorient
« Où est la pêche » dans les programmes des élections législatives ? Les pêcheurs français, réunis jeudi et vendredi pour leurs réunions annuelles à Lorient (Morbihan), s’inquiètent de l’avenir de leur secteur perturbé par le Brexit, les restrictions d’activité et « des injonctions contradictoires » sur la décarbonisation.
«On ne sait plus vraiment où on va»déplore Olivier Le Nézet, président du Comité national des pêches (CNPMEM), décrivant à l’AFP un « situation bloquée » avec un gouvernement silencieux en cette période de réserve électorale, où de nombreux dossiers sont en suspens.
A Lorient, dont les enchères ont été rétrogradées en 2023 à la troisième place en France, la liste du président du Rassemblement national Jordan Bardella est arrivée en tête aux élections européennes, mais avec un score inférieur (23%) à celui au niveau national.
Le CNPMEM, qui se veut « apolitique »constate chez les pêcheurs un rejet de plus en plus virulent de la politique européenne et leur sentiment d’être abandonnés par l’État.
Les rencontres sont organisées par les médias Ouest-France et Le Marin.
« Nouveau déménagement »
Le secteur est « toujours aussi fragile » et nous ne voyons pas « pas d’amélioration » pour la troisième flotte européenne, vieillissante, qui peine à se renouveler.
Les conséquences du Brexit – et de la démolition de 90 navires français en 2023, notamment faute de pouvoir pêcher dans les eaux britanniques – ne sont pas encore digérées.
Les ports bretons paient le plus lourd tribut, perdant 40 bateaux. Ils subissent également les conséquences de la crise à l’échelle européenne, avec « la sortie de 75 navires irlandais qui débarquaient leur poisson dans nos ports »souligne Olivier Le Nézet.
Cet hiver, la fermeture du Golfe de Gascogne pendant un mois pour protéger les dauphins a « porté un nouveau coup dur à l’ensemble du secteur »des producteurs restés à quai aux criées, privés de centaines de tonnes de bars, lottes, soles ou turbos pêchés pendant cette période.
Le gouvernement s’est engagé à indemniser les pêcheurs à hauteur d’au moins 80 % de leur chiffre d’affaires. En début de semaine, sur 290 dossiers déposés, la majorité des pêcheurs avaient été indemnisés, mais 69 dossiers étaient toujours en attente. » en paiement « et 12 « sous enquête »selon le CNPMEM, qui travaille sur un recours au fond contre cette interdiction qui devrait être renouvelée en 2025 et 2026.
» Faire demi-tour «
Au printemps, nouvel éclat de colère, cette fois de la part des marins de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), premier port de pêche de France, après la décision britannique d’interdire le chalutage de fond dans 13 zones marines protégées.
Paris évoqué possible « mesures de représailles » ciblant les importations britanniques et ordonne à l’UE, ainsi qu’à sept autres États membres, de vérifier la » conformité « de la décision de Londres.
Entre restrictions de pêche, parcs éoliens offshore et fermetures anglaises, « on va se retrouver dans un petit cercle à tourner en rond »» a tempêté le patron d’un chalutier, Donovan Leprêtre, en mai, estimant la perte de chiffre d’affaires à plus de 35 %.
Dans ce contexte morose, le CNPMEM demandera de prolonger jusqu’au 30 juin l’aide de 20 centimes par litre de carburant dont bénéficient les pêcheurs – en plus de la ristourne de 13 centimes via les fournisseurs de carburant.
« Le cadre européen de l’aide liée à la guerre en Ukraine permet de l’étendre jusqu’au 31 décembre 2024. Cela ne résoudra pas tout, mais cela peut aider »estime Olivier Le Nézet, même si le prix du carburant a baissé (78 centimes le litre en moyenne en mai contre 91 en octobre).
L’aide européenne liée à la guerre est plafonnée à 335 000 euros par entreprise, ce qui constitue un problème majeur selon le Comité.
« 70 % des volumes sont approvisionnés par 20 % de la flotte : les grandes compagnies maritimes, les plus impactées aujourd’hui, sont celles qui constituent l’épine dorsale du secteur », explique-t-il.
Pour attirer les jeunes, il faudrait acquérir de nouveaux navires, plus sûrs et moins polluants, mais « Les règles européennes nous empêchent de modifier » le tonnage d’un bateau en cours de remplacement, de peur que l’augmentation de la puissance n’augmente les captures.
» C’est absurde « , juge Olivier Le Nézet, précisant que la pêche respecte les quotas et les saisons. Ces « des injonctions contradictoires nous empêchent d’avancer ».