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«Où est tombée la balle, je n’ai rien vu» – Libération

Déception pour le public du Golf National de Guyancourt, où la Française Céline Boutier a échoué dans sa quête de médaille. Choses vues et entendues sous un soleil de plomb.

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Malgré le prix prohibitif des nuggets de poulet (trois moignons d’ailes panés) et des frites (18 euros, mais après tout est-ce plus scandaleux que 9 euros pour un biscuit jambon-emmenthal sur d’autres sites ?), le golf de Guyancourt est le meilleur spot olympique pour se restaurer. Dans les nombreuses « brasseries » olympiques (les cartes autres que Visa, le sponsor majeur des JO, sont refusées), on trouve même du couscous végétarien et des sandwichs camembert-cranberry. Faut-il y voir une particularité attribuée au public golfique, et laquelle ?

Soyons clairs, il y a près de 30 000 personnes à nourrir et qu’il est imprudent de s’élancer sur les 18 trous du parcours le ventre vide et sans bouteille d’eau. Ce samedi 10 août, le public est venu voir Céline Boutier, révélation golfique française de l’année (avec Matthieu Pavon, chez les hommes) et possible médaillée. Après un départ canon mercredi, en terminant en tête du peloton, une journée cauchemar jeudi et une remise à niveau vendredi, elle est partie en embuscade, à trois coups du podium. Sachant que sur un parcours de golf, rien ne ressemble moins à un jour qu’à l’autre, toutes les (dé)paires lui étaient permises. On va spoiler, elle n’aura pas de médaille. Pour les photographes, c’est le barbouillage de crème solaire qui est obligatoire.

A 12h17, quelques milliers de personnes entourent le trou numéro 1 pour le départ de la Française ; dans son jeu, il y a aussi une Chinoise et une Américaine. On n’ira pas jusqu’à comparer l’ambiance à celle des sports collectifs, mais il y a un peu d’ambiance. « Cé-line » (clap-clap-clap) éclate lorsqu’elle apparaît sur la passerelle qui la mène au départ de ce qui est peut-être le parcours le plus important de sa carrière. Des téléphones sortent des bermudas pastel pour immortaliser l’instant. Marseillaise Un cri jaillit de la gorge des spectateurs massés derrière les golfeurs, un autre de ceux assis sur l’herbe jaunie, à leur droite, mais les deux ne seront jamais à l’unisson. Mauvais présage pour la journée de Boutier ? Les plus prévoyants se sont équipés d’une chaise à trépied et d’une paire de jumelles.

UN « Allez blues-po popo popopo » tenter sa chance. « Oh non, pas ça. » se lamente un homme. Mais déjà l’heure du silence est venue, réclamée par le panneau « silence » brandi par une bénévole. Céline Boutier tape son premier conduirela boule file à près de 200 km/h. Personnellement, on n’a pas vu où. Heureusement, un écran géant matérialise la trajectoire du bolide par une traînée jaune. Qui atterrit dans le rugueux (les hautes herbes qui bordent le parcours) : ce n’est pas terrible car il faut remettre la balle sur le bon chemin. De plus, Boutier fait un bogey sur ce trou numéro 1 (un coup au dessus du par, le score théorique qu’il faut atteindre pour mettre la balle dans le trou).

Ruptures de groupes d’amis

Les puristes peuvent crier en lisant ces lignes, mais il est difficile de déceler une stratégie dans ce sport qui consiste à frapper le moins de coups possible pour conclure. En revanche, il en exige une de la part du public. Il faut imaginer qu’après que Céline Boutier a frappé un coup, des centaines de personnes se lancent dans une transhumance qui doit les conduire là où sa balle a atterri. Encore faut-il avoir vu où. Pour le néophyte, le golf évoque la boxe de l’ombre, Dans cet exercice, les boxeurs frappent l’air.

Pour savoir où se placer, il suffit de suivre la foule où se mêlent connaisseurs et néophytes. Pour comprendre ce qui se passe, mieux vaut s’aligner sur les premiers. Bien sûr, sur le parcours, les golfeurs et leurs caddies se déplacent bien plus vite qu’une foule de tous âges. D’où le problème de stratégie : faut-il couper droit au green pour le dénouement ou s’aligner sur la progression des joueurs ? Les plus extrêmes décident même de sauter un trou pour aller directement au tee, voir l’arrivée du suivant. L’exercice entraîne son lot de ruptures de groupes d’amis, ou de familles, censés être réunis par un coup de fil plus ou moins colérique. « Où es-tu ? Ah, je te vois. Retrouve-moi au début du 5. » Sous le soleil de plomb du golf national, le plus sage serait peut-être de s’installer sous l’un des rares arbres qui bordent le parcours.

« Elle n’a pas de putter chaud »

« Où est-elle tombée (la balle) ? Je n’ai rien vu. Là, je l’ai vue. On saura d’après les réactions des autres si elle a fait un bon coup », on entend. Mais quand même : « Où est la fin du cours ? » ; « On va brûler des calories. Heureusement qu’on portait des baskets » ; « Papa, j’ai mal aux jambes. » Certaines personnes ont téléchargé la carte routière sur leurs téléphones portables. #Smart.

Sur le gazon, Céline Boutier ne fait pas la fête. « Elle n’obtiendra certainement pas de médaille », se lamente une spectatrice. Et on n’en est qu’au tiers du parcours de 18 trous que les trois femmes vont boucler en quatre heures (6 662 mètres). On se rend compte du calvaire que peut représenter une journée sans dans ce sport où l’on affronte trois adversaires : soi-même, le parcours et les concurrents. Et on comprend que la violence du swing au premier coup de chaque trou peut laisser les épaules en désordre.

Bien sûr, le moment le plus chaud, le plus accessible, se déroule sur le green, lorsque la force et la coordination du swing s’effacent devant la concentration et la précision du putting (mettre la balle dans le trou). De ce point de vue, ce n’est pas trop drôle pour Céline Boutier. « Elle a du mal à mettre la balle », analyse un connaisseur. « Elle n’a pas de putter chaud », image autre. Pour la Française – finalement arrivée 18e du tournoi olympique – le diable est dans les brins de cette herbe dont elle tente de décrypter la pente sous tous les angles en s’accroupissant. A cet instant, le public n’encourage plus la golfeuse mais la balle. « oooh » d’espoir alors qu’elle s’approche du but, « aaah » de désolation quand elle flirte avec le trou sans se matérialiser. Pour les couilles de Boutier, c’était surtout « aaah ».

Cammile Bussière

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