Où en est l’enquête sur la fausse rétractation de Ziad Takieddine ?
En 2020, l’intermédiaire avait retiré son témoignage accusant Nicolas Sarkozy d’avoir financé sa campagne présidentielle de 2007 avec des fonds libyens. La justice enquête sur ce retournement de situation, fait pour de l’argent selon Ziad Takieddine.
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Après Nicolas Sarkozy en octobre, Carla Bruni-Sarkozy a été mise en examen à son tour, mardi 9 juillet, dans l’enquête sur la rétractation de l’intermédiaire Ziad Takieddine, a appris franceinfo de source judiciaire. En 2020, l’homme d’affaires franco-libanais, qui accusait Nicolas Sarkozy d’avoir financé sa campagne présidentielle de 2007 avec des fonds de l’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi, est revenu sur son témoignage, dans une interview à BFMTV et Paris Matchpuis dans une déposition transmise aux magistrats français.
Un revirement en échange duquel on lui avait proposé « des millions d’euros »« C’est une déclaration de Ziad Takieddine, qui est finalement revenu sur son témoignage initial, dans l’émission « Complément d’enquête » sur France 2 en avril dernier. Interrogé sur la possibilité que Nicolas Sarkozy ou son entourage soient impliqués dans cette affaire, il a répondu : « Oui bien sûr ».
Entre-temps, une information judiciaire a été ouverte en mai 2021 sur les conditions de préparation de l’interview au cours de laquelle l’intermédiaire a procédé à cette fausse volte-face, avec en tête des soupçons de subornation de témoin. Franceinfo fait le point sur l’avancée de cette enquête, qui a valu à la chanteuse et épouse de l’ancien président une mise en examen.
Carla Bruni-Sarkozy mise en examen
Carla Bruni-Sarkozy a déjà été interrogée à deux reprises par les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, comme témoin en juin 2023, puis comme suspecte début mai. Selon les informations de l’AFP et de Mediapart, elle est soupçonnée d’avoir emprunté une ligne téléphonique cachée que le couple Sarkozy aurait utilisée pour recevoir des messages de la patronne de l’agence de paparazzi Bestimage, Michèle Marchand, dite « Mimi », sur l’organisation de l’interview de Ziad Takieddine. La papesse de la presse people était dans les coulisses pour obtenir le « scoop » de cette rétractation, comme le rapporte la Cellule investigation de Radio France.
A l’issue d’un interrogatoire devant deux juges d’instruction financiers, Carla Bruni-Sarkozy a été mise en examen mardi pour « recel de subornation de témoin » et « participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre le délit d’escroquerie en justice en bande organisée ». La chanteuse a toutefois été placée sous le statut plus favorable de témoin assisté au regard des soupçons d’association de malfaiteurs en vue de corrompre des personnels judiciaires étrangers au Liban, autre volet de l’enquête sur le financement libyen de la campagne de 2007.
Cette décision, « prononcée dans les mêmes termes que celle concernant son mari (…), n’est que la conséquence logique de la procédure et n’est pas davantage fondée, ni en droit ni en fait »ont réagi Paul Mallet et Benoît Martinez, les avocats de Carla Bruni-Sarkozy, qui selon eux est « déterminé à faire valoir ses droits et à contester cette décision infondée. »
Une demande actuelle de Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy a été mis en examen en octobre pour les mêmes faits que son épouse. L’ancien chef de l’Etat est soupçonné d’avoir approuvé les manœuvres visant à obtenir la rétractation de Ziad Takieddine. Interrogé par deux juges d’instruction en octobre, il s’est présenté comme mis en cause à tort dans cette affaire en raison d’un « petit gang » de « pieds nickelés » avide d’argent, rapporte « Complément d’enquête ».
Lorsque leur client a été inculpé, ses avocats ont fait valoir dans un communiqué que « La justice ne peut pas se contenter de donner du crédit aux déclarations de Ziad Takieddine lorsqu’elles accusent Nicolas Sarkozy, et inversement, les considérer comme manipulées lorsqu’elles le disculpent ». Et d’ajouter : « Nicolas Sarkozy est fermement déterminé à faire valoir ses droits, à établir la vérité et à défendre son honneur. » En avril, les avocats de l’ancien chef de l’État avaient déposé une demande d’annulation de cette procédure, puis une demande de transfert de l’enquête.
L’affaire des soupçons de financement illégal de sa campagne présidentielle de 2007 avec des fonds libyens doit être jugée en 2025. Nicolas Sarkozy est poursuivi pour « corruption passive », « association de malfaiteurs », « financement illégal de campagne électorale » et « recel de détournement de fonds publics libyens ».
D’autres personnes sont poursuivies, dont Mimi Marchand
Une dizaine d’autres personnes sont visées par des enquêtes dans cette affaire. Parmi ces suspects figure Mimi Marchand, la patronne de l’agence de paparazzi Bestimage et amie de Carla Bruni-Sarkozy, mise en examen en juin 2021 et placée sous contrôle judiciaire, notamment pour « substitution de témoin ».
D’autres mises en examen ont suivi, dont celle de l’intermédiaire Noël Dubus, déjà condamné pour escroquerie, du chef d’entreprise David Layani, du publicitaire Arnaud de la Villesbrunne, ancien directeur de l’agence Publicis, et de l’homme d’affaires Pierre Reynaud (décédé en mai 2023). Toutes ces personnes sont soupçonnées, à des degrés divers d’implication, d’avoir œuvré pour que Ziad Takieddine retire ses propos mettant en cause l’ancien chef de l’Etat, en échange d’une contrepartie.