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Où en est l’enquête, quarante ans après la mort du petit garçon ?

Au printemps, la justice a ordonné « des vérifications techniques et des expertises scientifiques complémentaires » pour tenter de résoudre cette énigme juridique qui captive la France depuis quatre décennies.

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Photo non datée du petit Grégory Villemin, retrouvé noyé à Vologne (Vosges) alors qu'il avait 4 ans, le 16 octobre 1984. (AFP)

Le 16 octobre 1984, le corps de Grégory Villemin, âgé de quatre ans, est retrouvé pieds et poings liés, dans la Vologne, rivière des Vosges. Quarante ans plus tard, ce meurtre jamais résolu fascine toujours la France. En refaisant surface dans les médias, la photo du petit garçon – avec son visage de bébé, ses boucles brunes et son sweat-shirt gris et orange – est devenue familière. Depuis la mort de Grégory, ses parents, Christine et Jean-Marie Villemin, se battent sans relâche pour que leur fils ne tombe pas dans l’oubli. Et surtout, ils espèrent, un jour, connaître la vérité sur les circonstances du drame.

« Jean-Marie Villemin n’abandonnera jamais. Jamais un centimètre, jamais un pouce. Sa vie est un combat »s’est confié sur France Inter Pat Perna, scénariste du roman graphique Grégorypublié le 3 octobre. Ses auteurs ont recueilli un témoignage inédit du père de l’enfant. « A 66 ans, je ne suis pas endurci, écrit Jean-Marie Villemin dans la préface de la bande dessinée. Au contraire, l’émotion est à fleur de peau et j’ai souvent pleuré en découvrant ces pages, et Christine aussi, tant elles retracent avec justesse la période la plus sombre de notre vie. »

Condamné pour le meurtre en 1985 de Bernard Laroche, premier suspect dans cette affaire après les révélations de sa belle-sœur Murielle Bolle, Jean-Marie Villemin déclare, dans ce texte, regretter son acte, mais reste convaincu que son le cousin est l’assassin de son fils. Le père de Grégory rend également hommage à sa femme, autrefois soupçonnée d’avoir tué son petit garçon, avant d’être totalement disculpée en 1993.

Aujourd’hui, Christine et Jean-Marie Villemin « J’aimerais beaucoup qu’on puisse retracer tout le scénario de l’assassinat de Grégory, savoir quels ont été les derniers instants de leur petit garçon »a expliqué l’avocat du couple le 3 octobre, auprès de franceinfo. Pour Marie-Christine Chastant-Morand, « L’ADN, dans cette affaire, n’a pas dit son dernier mot ». Au fil des années, les parents de Grégory ont demandé à la justice de procéder à de nouvelles analyses, au vu des progrès scientifiques et afin de maintenir le dossier ouvert.

Les dernières expertises ont été ordonnées au printemps. Justice rendue « des vérifications techniques et des expertises scientifiques complémentaires aux actes déjà ordonnés », Thierry Pocquet du Haut-Jussé, procureur général près la cour d’appel de Dijon, a alors confirmé. Contacté début octobre au sujet de ces expertises, son successeur, Philippe Astruc, a répondu à franceinfo qu’il « n’envisage pas de communiquer à ce stade sur le détail des actions en cours ni sur les résultats des différentes expertises ».

Selon François Saint-Pierre, autre avocat des parents de Grégory, ces expertises visent notamment à comparer l’ADN retrouvé sur les cordons qui entouraient le corps de l’enfant, sur son anorak et sur son menton, avec ceux de Michel Villemin, un oncle de Grégory. décédé en 2010, ainsi que plusieurs membres de la famille élargie. Ces analyses sont réalisées « sur des échantillons d’ADN qui soit n’avaient pas été répertoriés, soit n’avaient pas été attribués à une identité particulière, soit n’avaient pas été recoupés avec d’autres éléments de la procédure », », a déclaré l’avocat à l’AFP en mars.

Quarante ans après la mort de Grégory, les enquêtes se concentrent toujours sur les « corbeaux » qui hantent ce dossier depuis des années. Dès 1981, trois ans avant le meurtre, les parents et grands-parents du petit garçon ont reçu plus d’un millier d’appels téléphoniques anonymes, tantôt silencieux, tantôt accompagnés de musique, la plupart du temps très menaçants. En 2017, l’enquête avait établi que ces appels provenaient d’une femme et d’un homme aux voix rauques et essoufflées. Deux personnes qui n’ont toujours pas été formellement identifiées.

Dès lors, une partie des nouvelles expertises demandées par Christine et Jean-Marie Villemin concerne « audiométrie de la parole »explique leur avocat. La question se pose de savoir si « à partir des enregistrements du corbeau, on peut (…) retrouver la voix pour pouvoir faire des comparaisons » avec d’autres enregistrements de la même période, expliquait Marie-Christine Chastant-Morand à l’AFP en mars. L’aide de l’intelligence artificielle pourrait s’avérer utile, espère l’avocat.

Outre les appels téléphoniques, de nombreuses lettres de menaces sont parvenues aux membres de la famille Villemin, tant avant le décès du petit Grégory que dans les mois qui ont suivi. Une lettre revendiquant le meurtre fut même adressée à ses parents le 16 octobre 1984. Les enquêteurs estiment donc que la ou les personnes à l’origine de cette missive anonyme ont joué un rôle dans la mort de l’enfant. Mais quarante ans plus tard, ils ne savent toujours pas qui est l’auteur de cette lettre.

Les progrès scientifiques ont néanmoins permis à l’enquête de rebondir. D’abord en juin 2017, lorsque de nouvelles expertises en graphologie attribuent une lettre de 1983 à une grand-tante du petit garçon, Jacqueline Jacob. Elle et son mari Marcel sont mis en examen pour « enlèvement et séquestration suivis de mort ». Le couple clame son innocence. Finalement, l’acte a été annulé près d’un an plus tard, pour vices de procédure.

En avril 2021, une expertise en Stylométrie, cette technique d’analyse de l’écriture manuscrite qui a permis de relancer l’enquête, a été versée au dossier d’enquête, mais ses conclusions n’ont pas été dévoilées. Puis, en octobre 2023, de nouvelles recherches ADN ont permis d’identifier l’un des « corbeaux » qui avait écrit une lettre anonyme aux grands-parents de l’enfant neuf mois après son décès. Une fausse piste : c’est une femme « inactif et sans rapport avec l’affaire », selon l’avocat François Saint-Pierre.

« Depuis 2000, il y a eu des dizaines d’expertises. Attention : ce n’est pas parce qu’on fait des expertises qu’on va retrouver l’assassin », avait déclaré à l’AFP Stéphane Giuranna, l’un des avocats du couple Jacob, en mars. De son côté, François Saint-Pierre tente de rester optimiste : « Nous avons pu percer les secrets des tombeaux des pharaons, et sûrement un jour celui du meurtre du petit Grégoire. »

Cammile Bussière

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