Et si l’Alliance Atlantique devenait aussi l’Alliance du Pacifique ? Depuis le début de son mandat, l’administration Biden a renforcé ses alliances dans la région Indo-Pacifique, au format de ce qui existe déjà en Europe avec l’OTAN, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui comprend 32 pays membres.
Dès les premiers mois du mandat de Joe Biden, le dialogue quadrilatéral entre les Etats-Unis, le Japon, l’Australie et l’Inde, surnommé « Quad », donne lieu à des sommets réguliers. En septembre 2021, l’accord Australie-Royaume-Uni-États-Unis (Aukus) a vu le jour, dans le but de sécuriser des sous-marins à propulsion nucléaire pour l’Australie et de collaborer sur des technologies avancées telles que les armes hypersoniques et l’informatique quantique.
En juin 2022, l’OTAN a qualifié la Chine de « menace stratégique », invitant les dirigeants de l’Australie, du Japon, de la Nouvelle-Zélande et de la Corée du Sud à ses sommets annuels. Le mois dernier, le président américain Joe Biden a reçu le Premier ministre japonais Fumio Kishida et le président sud-coréen Yoon Suk-yeol à Camp David pour renforcer les relations, notamment militaires, avec le Japon et la Corée du Sud.
Les États-Unis comptent déjà 50 000 GI déployés au Japon, principalement sur l’île d’Okinawa, et près de 30 000 soldats en Corée du Sud. D’autres bases américaines sont présentes en Thaïlande, à Singapour, aux Philippines et au Pakistan. Un arc militaire qui entoure la Chine et constitue une première ligne de défense pour contenir les troupes chinoises et nord-coréennes en cas de conflit ouvert. Pour renforcer encore ce système, les États-Unis pourraient s’appuyer sur l’OTAN en créant une sorte de coalition internationale contre la Chine, la Corée du Nord et la Russie. Ces deux derniers pays se sont encore rapprochés cette semaine en signant un accord de défense mutuelle.
A deux semaines du sommet de l’Alliance atlantique à Washington, qui marquera le 75e anniversaire de l’organisation, le dossier sera en tout cas sur la table pour envisager dans un premier temps l’ouverture d’un bureau permanent de l’Otan à Tokyo et réaffirmer l’opposition de l’alliance à toute aide militaire. de la Corée du Nord et de la Chine à la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, ne manque jamais une occasion de critiquer Pékin, comme cette semaine, lorsqu’il a déclaré : « La Chine ne peut pas gagner sur deux tableaux. Elle ne peut pas continuer à entretenir des relations commerciales normales avec les pays européens et en même temps alimenter la plus grande guerre que nous ayons connue en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. »
Ce changement dialectique et stratégique au sein de l’OTAN est nouveau. Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont établi un réseau d’alliances bilatérales dans le Pacifique, signant des traités de défense avec le Japon, les Philippines, la Thaïlande, la Corée du Sud et Taiwan. Ce système consistait à créer des relais militaires dans la région, mais ne prévoyait pas d’alliance régionale formelle.
Dans le Pacifique, la Chine dispose déjà de 370 navires, contre 291 pour l’US Navy
À l’époque, des dirigeants tels que Chiang Kai-shek de Taiwan et Rhee Syngman de Corée du Sud étaient considérés comme des fauteurs de troubles susceptibles de déclencher des guerres régionales et d’entraîner le monde dans un nouveau conflit mondial. La puissance militaire américaine et le déploiement en Asie de la 7e Flotte suffisent alors à calmer les ardeurs de Pékin.
Mais aujourd’hui, le rapport de force change. La marine chinoise est désormais à égalité avec celle des États-Unis dans le Pacifique. La flotte chinoise compte déjà 370 navires, contre 291 pour la marine américaine, sans compter la présence des troupes nord-coréennes et russes dans la zone. La Nouvelle-Zélande et l’Australie, autrefois lignes de front lointaines, sont désormais en première ligne contre Pékin.
Chaque jour, des escarmouches ont lieu en mer de Chine entre la marine chinoise et les garde-côtes philippins, sans oublier la question de Taïwan, l’île sous protection américaine mais revendiquée par la Chine communiste. Le Japon a révisé sa Constitution pacifiste pour se préparer à une guerre au-delà de ses frontières et coopérer avec les États-Unis. Une première depuis 1945. C’est Tokyo qui pousse le plus fort à la création d’une alliance militaire de type OTAN dans la région.
Mais les obstacles à la formalisation de cette alliance asiatique restent importants, notamment parce qu’aucun accord formel ne prévoit actuellement l’intervention des pays de l’Otan en cas d’agression de l’un de leurs partenaires en Asie. De nombreux pays s’y opposent, à commencer par la France et l’Allemagne qui s’inquiètent des conséquences potentielles d’un tel accord sur leurs relations économiques avec la Chine, deuxième puissance mondiale.
« La création d’une Alliance de sécurité du Pacifique pourrait être une réponse nécessaire aux ambitions territoriales de la Chine et aux tensions croissantes dans la région, mais c’est aussi un pari risqué », souligne Ariel Cohen, chercheur au centre Eurasia de Washington. 40 % des échanges commerciaux vers l’Europe transitent par la mer de Chine, et un conflit porterait un coup sévère à l’économie mondiale, qui irait bien au-delà de ce qui se passe actuellement avec la Russie.