Droit dans ses bottes, le président de la République se veut inflexible. Il a bien retenu la leçon néolibérale de Margaret Thatcher, appliquée sans hésitation contre les syndicats britanniques : ne pas céder, les écraser au maximum. Il s’était déjà montré bon élève en sapant le droit des salariés à être représentés et défendus, en réduisant drastiquement les mandats syndicaux. Il visait la satisfaction des marchés financiers à travers une réforme des retraites qu’il s’imaginait faire passer presque sans résistance, tant le sentiment de fatalité est fort, notamment sur ce sujet.
Mais voilà que le mouvement social actuel déjoue ses prédictions. Depuis le début, ceux qui y participent, comme l’opinion publique qui les soutient, ont dit qu’ils ne croyaient pas que le gouvernement allait baisser les bras. Pourtant, loin de se résigner, ils en tirent une grande détermination. Les formes d’action s’adaptent, elles s’inscrivent dans la durée, elles rassemblent largement et permettent à chacun d’y participer au moment le plus opportun pour lui et pour lui. Ils déjouent la stratégie de décadence sur laquelle le gouvernement avait misé son succès. Ils finissent par créer une crise politique, même s’ils n’ont jamais dévié d’un enjeu proprement syndical fixé dès le départ et qui n’a pas changé : le retrait de la réforme.
« Ce mouvement nous oblige », a déclaré le secrétaire général de Force ouvrière au soir de la mobilisation exceptionnelle du 1er mai. On ne saurait mieux exprimer le lien dialectique entre la capacité de formation de l’intersyndicale et la demande que lui adressent les manifestants de rester unis et de poursuivre les mobilisations. Nul ne peut dire exactement combien de personnes participent d’une manière ou d’une autre aux actions, plusieurs millions sans doute. Les chiffres avancés au soir de chaque journée de mobilisation constituent une photographie à l’instant T. Ils ne tiennent pas compte de la dynamique. Les manifestants ne sont pas les mêmes d’un jour à l’autre.
Afficher le nombre de démonstrations que l’on a dans les jambes est même devenu un jeu, presque une compétition. Et puis, à chaque fois, certains viennent pour la première fois, y compris le 1er mai dernier. On devrait pouvoir additionner tout ça, additionner aussi les multiples initiatives dans les localités et les entreprises, y compris les grèves et les débrayages. Dans ces actions grandit le sentiment d’une condition commune à défendre, face aux mêmes intérêts puissants. Une nouvelle conscience de classe est en train de se former, ce qui se reflète également dans la nécessité de s’organiser. Les nombreuses nouvelles adhésions faites par les syndicats en témoignent.
Autant de points d’appui pour construire les luttes futures et avancer sur de multiples revendications. Quelle que soit l’issue immédiate de ce mouvement, la société française n’en a pas fini avec l’onde de choc qu’il produit.
Grb2
