On y était : Bob Dylan en grande forme à la Seine Musicale
Le prix Nobel de littérature, plus énergique que jamais, était de retour à Paris deux ans après une trilogie de concerts au Grand Rex, livrant un concert exceptionnel à la Seine Musicale de Boulogne-Billancourt, ce jeudi 24 octobre. deuxième tour ce vendredi.
Bob Dylan va bientôt pouvoir retrouver les hauteurs de Point Dume, son Tournée mondiale de Rough and Rowdy Ways touche bientôt à sa fin. Débuté à Milwaukee (Wisconsin) le 2 novembre 2021, il s’achèvera au Royal Albert Hall de Londres le 14 novembre, au terme d’une trilogie de concerts dans la capitale britannique. Tout un symbole. Cet été, au lieu de partir en quête d’immortalité à Key West, il a également entrecoupé une tournée de 26 dates aux Etats-Unis, dans le cadre du festival itinérant de son ami Willie Nelson, l’Outlaw Music Festival. Tournée, avec une setlist sans cesse chamboulée pour l’occasion.
Quand on retrouve Bob, ce jeudi 24 octobre, à la Seine Musicale (Boulogne-Billancourt), il compte donc 243 dates à son actif (dont trois à Paris, au Grand Rex, en 2022) et trois années d’une vie passée en route, dédié à défendre sur scène son 39ème album studio, Manières rudes et tapageuses (2020). Pas mal pour un bonhomme de 83 ans qui aura vécu plus longtemps que toutes les figures de la culture populaire qu’il invoque sans cesse dans ses chansons et qu’il considère comme des mentors, de Kerouac à Buddy Holly, en passant par Jimmy Reed. Ce soir, on le soupçonne même d’être le plus âgé de la salle, même si les cheveux sur la pierre se font rares dans le public. Il n’est donc pas abusif de dire que l’homme de Hibbing, dans le Minnesota, est le dernier représentant d’un monde qui n’existe plus, ou seulement de manière très symbolique – si tant est que le XXe siècle n’ait été qu’un mirage.
Bob Dylan debout
Comme au Grand Rex, la scénographie, toutes lumières tamisées dans un décor de bar clandestinc’est classe. La mise en place nécessite une certaine tenue, ce que les concerts punk n’exigent pas. On se tient droit sur notre strapontin, dans l’immense et glaciale Seine Musicale – Bob et le non-conformistes des saloons qui lui servent de groupe, Tony Garnier (basse), Bob Britt (guitare), Doug Lancio (guitare) et Jim Keltner (batterie) se chargeront d’apporter toute la chaleur du monde tout au long des deux heures que durera le spectacle, débuté à 20 heures précises (horaires EHPAD). Si, comme en 2022, la setlist cite Manières rudes et tapageuses dans son intégralité (à l’exception des 17 minutes de son requiem pour le XXe siècle, Meurtre le plus ignoble), certaines pièces comme Tout au long de la Tour de Garde (pour s’habituer à l’ouverture du concert) ou Rangée de désolation et son rythme soutenu, refait surface lors d’un rendez-vous parisien dans des versions réarrangées pour s’adapter à l’ambiance très « standards américains » de la tournée.
Une ambiance cacophonique
Un détail qui n’est pas anodin : Bob Dylan est agité. Du très beau Je contient des multitudesil va se lever de derrière son piano et s’en éloigner pour faire face directement au public – tout en s’attachant néanmoins à ce dernier, Zim étant un peu fébrile sur les jambes. Il ne s’assoira que très rarement, mais passera beaucoup de temps les coudes posés sur son instrument, comme au comptoir d’un bar devant un Old Fashioned. Par endroits, on a l’impression qu’il n’est pas venu nous chanter ses chansons, mais plutôt nous en parler (le chef-d’œuvre Quand je peins mon chef-d’œuvrele poignant Ma propre version de toi).
Pour d’autres, on ressent Bob comme transporté ailleurs, dans différents types de lâcher prise : émotionnel, langoureux et intense. J’ai décidé de me donner à toirock’n’roll, criant dans son harmonica ou tourmentant son piano comme Jerry Lee Lewis sur C’est fini maintenant, bébé bleu Ou Franchir le Rubicondans un geste d’humour cacophonique. Comme toujours, il terminera la représentation avec Chaque grain de sableaprès quoi le public, visiblement habitué, se lèvera pour une standing ovation bien méritée.
À bientôt, Monsieur Bob.