on vous raconte l’histoire d’Harold Terens, un vétéran américain de 100 ans, qui va épouser sa fiancée de 96 ans en Normandie
Il se mariera à l’âge de 100 ans à Carentan. Le vétéran américain Harold Terens envisage d’épouser sa fiancée de 96 ans, Jeanne Swerlin, le 8 juin à 11 heures dans la salle des mariages de la petite ville normande, située dans la Manche. Dans le cadre des commémorations du 80ème anniversaire du Débarquement, « la cérémonie va être spectaculaire »promet le vétéran sur un ton jovial, joint au téléphone par franceinfo.
Le maire de Carentan-les-Marais, Jean-Pierre Lhonor, révise déjà son anglais en vue de la célébration. « Nous sommes habitués aux « discours », notamment à l’occasion des commémorations du Débarquement, mais cette fois ce sera « en anglais évidemment » (en anglais évidemment)« , confie l’édile. Le mariage sera « fictif et symbolique », précise l’élu, puisque les deux Américains, qui résident à Boca Raton, en Floride, n’ont pas légalement le droit de contracter mariage en France. Les deux tourtereaux devront donc enregistrer leur union un peu plus tard sur le sol américain.
Harold et Jeanne, tous deux veufs, se sont rencontrés il y a trois ans grâce à un ami commun. « Je suis très amoureux de cette femme. Avez-vous déjà entendu parler d’une femme de 96 ans aussi belle ? »s’enthousiasme le jeune centenaire. « Cet homme est fantastique à tous points de vueajoute Jeanne Swerlin. Sa mémoire, son sens de l’humour, sa façon de répondre aux interviews. Et il sait tout sur tout. »
Comment deux amoureux américains âgés de 96 et 100 ans en viennent-ils à envisager un mariage normand ? L’idée est née lors d’entretiens au consulat général de France à Miami. « Je suis très amical avec le consul général (Raphaël Trapp) et avec un membre de son équipe », dit Harold Terens. « Lors d’une rencontre l’année dernière, Harold nous avait dit qu’il aimerait se marier en Normandie, sa fiancée était hilarante »précise le Consulat général de France. « Ils ont tout arrangé », confirme le vétéran. La représentation française, qui avait déjà permis la remise de la Légion d’honneur française à Harold Terens lors du 75e anniversaire du Débarquement en 2019, prend les choses en main. « Nous avons pris contact avec le consulat des États-Unis à Rennes, qui couvre la Normandie, mais aussi avec certaines villes françaises. Bref, on jette le filet”détaille le consulat général.
« Nous avons eu de la chance avec la mairie de Carentan, ils ont tout de suite compris l’importance de l’événement.
Le Consulat Général de France à Miamisur franceinfo
La mairie, d’abord un peu surprise par une telle demande, a rapidement intégré l’idée de ce mariage aux cérémonies prévues le 8 juin dans la commune. « A midi, nous organiserons le repas de mariage dans les salles principales de la mairie. Puis, dans l’après-midi, il y aura un défilé d’une soixantaine de vétérans en uniforme sur la place de la République. » pour reproduire l’arrivée des GI à Carentan, détaille le maire, Jean-Pierre Lhonor. Les vétérans seront transportés d’Atlanta, aux Etats-Unis, à Deauville (Calvados) grâce à des vols mis en place par la compagnie américaine Delta Air Lines. Ils seront ensuite conduits en bus jusqu’à Caen pour séjourner à l’hôtel.
De son côté, Harold Terens a vu les choses en grand. Il réserve un beau château à une heure de route de Carentan pour les festivités et pour accueillir les 40 à 50 invités du mariage, principalement des membres de sa famille et celle de sa future épouse. Les deux amoureux peaufinent désormais les détails. « Jeanne a acheté une toute nouvelle robe de mariée. Elle marchera dans l’allée avec son fils. Pendant qu’ils marchent, ma petite-fille Caroline, 25 ans, chantera la chanson de Whitney Houston, Je vous aimerai toujours. C’est une chanson très difficile et elle répète depuis trois mois. »confie Harold Terens, avant de chanter lui-même les refrains.
« Avant que Jeanne ne monte l’allée, mon arrière-petite-fille de 2 ans dispersera des pétales de fleurs sur le sol. »
Harold Terens, vétéran américainsur franceinfo
Après le mariage, Harold et Jeanne ont prévu une lune de miel de cinq jours à Paris. « Nous logerons dans une suite à l’Hôtel InterContinental », tamponne le vétéran. Au programme : dîner au restaurant du 2ème étage de la Tour Eiffel, aux Bateaux Mouches, visite du Louvre ou encore une soirée au Moulin Rouge. « Jeanne va faire le French cancan, c’est déjà arrangé »rit Harold. « Je vais probablement tomber sur la facerépond son compagnon en riant. Je ne suis qu’une petite fille de Brooklyn et je ne suis jamais allée à Paris. Tout cela va être très excitant.
Avec ce mariage, Harold Terens va tenter de conjurer ses mauvais souvenirs de Normandie. Le vétéran avait 18 ans au moment de l’attaque de Pearl Harbor et de l’entrée en guerre des États-Unis en décembre 1941. Comme beaucoup d’autres jeunes de l’époque, il s’engage alors dans l’armée. « J’ai rejoint l’US Air Force parce que je voulais devenir pilote. Mais je n’ai pas pu parce que je suis daltonien. Ils m’ont rejeté deux fois.il dit. J’ai fini par fréquenter une école d’opérateur radio dans le Dakota du Sud pendant cinq mois. » Là, malgré le froid, il apprend le code Morse, l’alphabet codé utilisé par les militaires pour transmettre des informations à distance.
« Le jour de mes 20 ans, je suis monté à bord d’un bateau et dix jours plus tard nous nous sommes retrouvés à Liverpool, en Angleterre », il continue. Le jeune opérateur radio est ensuite affecté dans une base du Yorkshire. Il est responsable des communications entre le ciel et la terre pour un escadron composé des célèbres avions de combat américains P-47 Thunderbolt. Vient ensuite l’opération Overlord. « Le jour J, la moitié des pilotes de ma compagnie ont été abattus. »
« C’était une journée très, très, très triste pour moi. Ces chauffeurs étaient mes amis. »
Harold Terenssur franceinfo
Au lendemain du « Jour le plus long », il s’est porté volontaire pour rassembler et ramener les prisonniers de guerre allemands libérés et les soldats alliés au Royaume-Uni. Fin juin, il part pour une nouvelle mission, avec une enveloppe et la consigne de ne pas l’ouvrir avant d’y arriver. Il embarque alors dans un avion vers une destination inconnue et entame un long voyage, d’abord à Casablanca (Maroc), puis en Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Irak, avant d’atterrir en Ukraine, dans une ville appelée Poltava. Il apprend alors qu’il participe à une mission secrète de l’US Air Force : « Les avions B-17 devaient bombarder les champs de pétrole nazis en Roumanie, mais n’avaient pas assez de carburant pour retourner en Angleterre, ils ont donc continué leur route vers la Russie. »il explique.
Harold Terens se charge alors de réapprovisionner les avions américains en bombes, carburant et vivres. La base ukrainienne est bombardée, mais le jeune soldat parvient à s’enfuir. Il contracte alors la dysenterie et doit être évacué par avion vers l’Italie, territoire repris par les Alliés. «Je suis allé me faire guérir et me reposer dans un couvent du port de Naples.» A la fin de la guerre, il se porte à nouveau volontaire pour aller chercher et ramener les prisonniers qui se trouvent en Allemagne. « Certains ont été emprisonnés pendant trois ou quatre ans… Et c’était un cauchemar pour ces enfants. »
Après la fin des combats, Harold Terens épousa Thelma, sa première femme. Ils sont restés mariés pendant soixante-dix ans, jusqu’à sa mort en 2018. « J’ai pleuré ma femme pendant trois ans après sa mort, avant de rencontrer Jeanneil chuchote. Nous sommes tombés amoureux presque immédiatement et je ne veux pas perdre ça. »