on vous raconte la rocambolesque affaire dans laquelle le maire, une « voyante » et deux cadres d’Eiffage sont mis en examen
L’élu Gilles d’Ettore, en détention provisoire, raconte avoir été piégé puis corrompu par un « médium », également en prison. Deux cadres du groupe des travaux publics sont également poursuivis.
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« Nous sommes la risée de la France. » Thierry Nadal, médecin et conseiller municipal d’opposition à la mairie d’Agde, qui s’exprime sur France 3 Occitanie, n’en revient toujours pas. Le 21 mars, le maire de cette commune de l’Hérault, Gilles d’Ettore, a été mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » et « corruption », et placé en détention provisoire. L’élu local a été piégé puis corrompu par un prétendu médium. La demande de mise en liberté de l’édile doit être examinée par la chambre de l’instruction mardi 2 avril. Franceinfo revient sur cette affaire.
Une femme admet avoir prétendu être « un être surnaturel » pour obtenir des avantages
L’enquête a débuté en octobre 2023, avant l’ouverture d’une information judiciaire contre X le 5 janvier par le parquet de Béziers, notamment pour « escroqueries en bande organisée ». Une quarantaine de personnes ont été entendues. Au centre des investigations, un Femme de 44 ans, indépendante à Agde, qui se présente comme voyante, médium et guérisseuse. Comme l’a expliqué le procureur dans un communiqué, son activité « nous a permis de développer une clientèle importante et d’acquérir une certaine notoriété ». Placée en garde à vue le 19 mars, elle a reconnu avoir utilisé « un stratagème consistant à changer de voix devant de nombreuses personnes, y compris des membres de la famille et des amis proches »y compris le maire Gilles d’Ettore en faisait partie depuis leur rencontre en mai 2020.
« Cette voix d’apparence masculine, calme et rauque » a fait croire à l’élu qu’il était « en conversation avec un être surnaturel de l’au-delà » et l’a encouragé à « se soucier » de « le bien-être de cette femme, y compris matériellement »a précisé le magistrat Raphaël Balland. Lors de son audition, la travailleuse indépendante a ainsi confirmé avoir bénéficié de « de nombreuses prestations du maire d’Agde »dont le recrutement au sein de la commune ou de l’agglomération de cinq proches, à commencer par son mari, comme directeur des services techniques à la mairie. Ces faits lui ont valu d’être poursuivie pour « escroquerie », « recel de détournement de fonds par personne dépositaire de l’autorité publique », « recel de corruption » et « travail dissimulé ». Le mari de la « voyante » a également été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire. Son partenaire a dit « regretter son comportement »expliquant qu’elle était entrée « dans une spirale dont elle ne pouvait plus sortir ».
Parmi les avantages obtenus, France 3 Occitanie évoque également une somptueuse cérémonie de mariage dans un château de l’Hérault et la mise à disposition d’un chauffeur municipal pour récupérer vos enfants à l’école. La travailleuse indépendante est également critiquée pour n’avoir déclaré qu’une partie de ses revenus.
Le maire dit avoir été ensorcelé par une voix et nie avoir commis un quelconque délit
Gilles d’Ettore, 55 ans, est une personnalité locale. M.zone Les Républicains d’Agde depuis 2001, il est également président de l’agglomération Hérault Méditerranée et a été député UMP de la 7e circonscription du département de 2007 à 2012. Il a été placé en garde à vue le même jour qu’il estime « comme sa fille ». Devant les enquêteurs, l’élu a reconnu avoir été convaincu de l’existence de « la voix » et que cette femme « était doté de pouvoirs surnaturels ».
Toujours selon les éléments rapportés par le procureur, il ne s’est rendu compte qu’il avait été victime d’une arnaque que lorsque les enquêteurs lui ont montré une vidéo de la femme modifiant sa voix. Poursuivi pour « détournement de fonds par personne dépositaire de l’autorité publique », « prise illégale d’intérêts » et « corruption », Gilles d’Ettore nie avoir commis un quelconque crime.
Deux dirigeants d’Eiffage mis en examen pour financement dissimulé de travaux au domicile de la « voyante »
L’affaire ne s’arrête pas là. En début de semaine, un chef d’entreprise de l’Aude et « deux dirigeants importants » de la société Eiffage ont été placés en garde à vue, a indiqué le parquet de Béziers. Si le premier a été relaxé sans poursuites à ce stade, les deux autres ont été mis en examen pour « abus de confiance » et « faux et usage de faux ». Le supérieur a également été mis en examen pour « corruption active » et placé en détention provisoire. Son subordonné est, quant à lui, soupçonné de « complicité de corruption » et a été libéré sous contrôle judiciaire.
Ils sont tous deux soupçonnés d’avoir participé au financement secret de travaux réalisés au domicile de la « voyante ». Lors de son interrogatoire, le « médium » a reconnu, selon une source proche de l’enquête à France 3 Occitanie, avoir demandé un financement à la maire d’Agde pour la construction d’une véranda.
Un collectif de citoyens réclame la démission du maire, remplacé par son premier adjoint
Cette affaire bouleverse la gestion politique de cette commune du sud de l’Hérault, qui compte environ 30 000 habitants permanents et jusqu’à 200 000 habitants l’été grâce au Cap d’Agde. Comme le prévoit le Code général des collectivités territoriales, la continuité du service public est assurée par le premier Député maire. LLa mairie d’Agde a assuré que « Lprojets déjà réalisés ou prévus (serait) réalisé selon les délais prévus. Du côté de l’agglomération Hérault Méditerranée, c’est Armand Rivière, le premier vice-président, qui devrait assurer l’intérim.
La situation de Gilles d’Ettore, présumé innocent, ne manque pas de provoquer une réaction de la part de ses électeurs. « Cela semble incroyable, il est maire depuis quatre mandats. Et là, tomber sous l’emprise de cette femme, si c’est vrai… C’est une affaire étrange, ça a surpris tout le monde. On ne s’y attendait pas du tout, il y aura des répercussions. »commente un habitant à France 3 Occitanie.
Comme le relayent nos confrères, le prochain conseil municipal, prévu jeudi, risque d’être mouvementé. Un groupe de citoyens a lancé une pétition en ligne exigeant la démission du maire. Elle avait récolté lundi 130 signatures. France Bleu Hérault rappelle que ces dernières semaines, l’opposition municipale avait mis en cause une autre affaire de détournement de fonds dans une épicerie solidaire de la ville. Le trésorier de cette épicerie est un ancien conseiller municipal de la majorité Gilles d’Ettore. Pour Thierry Nadal, chef de l’opposition, « Les habitants de la ville sont un peu groggy face à tous ces événements ».