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On vous explique pourquoi la 4ème place de Samir Aït-Saïd n’est pas scandaleuse

Déçu, le gymnaste français s’est dit « surpris » par sa note dimanche. Le système de notation a été transformé en 2005 pour tendre vers toujours plus d’objectivité dans un sport noté par l’oeil humain.

France Télévisions – Éditorial Sport

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Samir Aït-Saïd en finale des anneaux des Jeux Olympiques, le 4 août 2024. (CURUTCHET VINCENT / AFP)

« J’ai été très surpris du score. Après, il faudra que je fasse attention à ce que je dis… Beaucoup de mes concurrents sont venus me voir et m’ont dit ‘franchement, je suis désolé, je ne comprends pas’. » Après la finale des anneaux, où il a terminé à une frustrante quatrième place, le Français Samir Aït-Saïd a ouvertement remis en cause la note attribuée à son geste par les juges.

« Samir est classé 15 avec une note de départ de 6,1. Il n’a reçu qu’un 1,1 aucune faute d’exécution. C’est une très belle réussite. Il n’a aucune raison d’avoir honte de sa place. Le Grec est peut-être un peu moins vif, mais il est reparti avec deux dixièmes de plus dans la note de départ », « Nous n’en parlons pas », affirme Hamilton Sabot, médaillé de bronze aux barres parallèles en 2012, qui estime qu’il n’y a pas de place pour le débat.

« La gymnastique devient de plus en plus objective. Mais tant que les juges ne seront pas des robots, elle restera un sport de jugement, donc sujet à litiges. »

Hamilton Sabot, consultant pour France Télévisions

à franceinfo : sport

Dans un sport évalué par des humains, la critique n’a rien de nouveau. « Il y a toujours des étiquettes, comme ce juge qui est strict », note Nicolas Tordi, juge international de gymnastique artistique masculine, qui ne voit pas « pas de controverse » dans la partition de Samir Aït-Saïd. Il rappelle que les athlètes ne savent pas qui donne quelle note, alors qu’auparavant un drapeau était affiché au dessus de chaque note. « Cela a été supprimé pour éviter la pression sur les juges. Mais avec les rapports qui existent, et si vous prenez des photos, vous pouvez déduire qui note quoi », le spécialiste glisse.

Auparavant jugée sur 10, la gymnastique a vu son système de notation complètement transformé en 2005. Le sport est désormais standardisé par un code de pointage complet, révisé tous les quatre ans, qui comprend les valeurs de difficulté de chaque figure, mais aussi les déductions en fonction des erreurs commises.

Sur chaque engin, les gymnastes sont notés par deux jurys différents. L’un se concentre sur la difficulté, l’autre sur l’exécution. « Le jury de difficulté dira s’il reconnaît ou non l’élément inscrit dans le code. Le jury d’exécution indiquera s’il y a des pénalités à déduire du chiffre, popularise Stéphane Miquel, juge international de gymnastique artistique féminine. Sur le score d’exécution, on part de 10 et on enlève des points. Sur le score de difficulté, on part de zéro et on ajoute des points en fonction de la valeur des éléments. » Dans un concours international, sept juges composent le jury d’exécution, deux pour le jury de difficulté.

Juges lors de la finale olympique masculine de gymnastique au sol, le 29 juillet 2024, à Paris. (GABRIEL BOUYS / AFP)

Outre la prestation de serment, les autorités ont multiplié les garanties pour garantir une impartialité maximale. « Nous sommes évalués à chaque grande compétition. Ces évaluations servent à classer les juges sur l’ensemble du cycle olympique », explique Stéphane Miquel. Des sanctions peuvent être prises en cas de partialité constatée. Et les juges repassent un examen tous les quatre ans.

Sur la base du classement établi, la Fédération Internationale de Gymnastique convoque ses meilleurs juges pour les Jeux Olympiques, avec un maximum d’un représentant par nation. « Pour les finales par engins, nous ne pouvons pas juger si une gymnaste de notre pays concourt, même en tant que réserve. En revanche, lors de la finale par équipes, c’est possible », ajoute Nicolas Tordi. Le jour J, un tirage au sort est effectué pour déterminer quel juge d’exécution siégera parmi ceux disponibles.

De plus, sur les sept notes d’exécution, les deux plus hautes et les deux plus basses ne sont pas comptabilisées. Sans se consulter, « les juges d’exécution ont vingt secondes pour donner la note. On leur demande d’être automatiques, il n’y a pas de réflexion », explique Nicolas Tordi. De leur côté, les deux juges de difficulté peuvent échanger. Leur note doit ensuite être validée par le superviseur, qui garde également un œil sur les notes d’exécution.

« S’il n’est pas d’accord, le superviseur peut faire appel au jury supérieur pour demander la vidéo », Nicolas Tordi explique. D’où l’attente parfois longue pour voir la note sortir. L’athlète a aussi un droit de révision, mais uniquement sur la note de difficulté. Il peut déposer une demande qui sera étudiée par le jury supérieur et le responsable de l’engin.

Depuis plusieurs années, lors de décisions et requêtes contentieuses, les juges peuvent utiliser un système d’aide au jugement développé par Fujitsu, basé sur des caméras et de l’intelligence artificielle. Celui-ci permet de vérifier les angles de figures ou la durée pendant laquelle l’élément a été tenu.

Les juges devraient-ils utiliser ces outils pour établir des notes initiales ? « Si nous confions la notation de la gymnastique à un outil électronique comme en athlétisme, nous ne serons plus dans une dimension artistique. Qui dit artistique, dit émotions et sensations humaines », Nicolas Tordi explique. Le juge souligne notamment l’importance pour les gymnastes d’utiliser désormais ces outils dans leur entraînement pour gagner en précision.

Jeoffro René

I photograph general events and conferences and publish and report on these events at the European level.
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