« On va avoir besoin de beaucoup d’amour », écrivent des habitants d’Annecy venus se recueillir sur les lieux du drame

Jeudi en fin d’après-midi, la police a rouvert l’immense pelouse du Pâquier et le jardin de l’Europe, où un réfugié syrien a agressé de jeunes enfants au couteau dans une cour de récréation. De nombreux habitants d’Annecy sont venus spontanément s’y rassembler.
A l’entrée du Jardin de l’Europe le jeudi 8 juin en fin de journée, roses blanches, bougies et bougies chauffe-plat sont déposées par des Anneciens très émus. C’est là que l’incroyable s’est produit quelques heures plus tôt : un réfugié syrien a attaqué au couteau des jeunes enfants qui jouaient sur l’aire de jeux et les adultes autour. Six personnes ont été blessées, quatre enfants âgés de 22 à 36 mois étaient toujours en état d’urgence absolue vendredi matin. On peut lire ce message laissé par les habitants : « Nous allons avoir besoin de beaucoup d’amour. »
>> Annecy : ce que l’on sait de l’attaque au couteau qui a fait six blessés, dont quatre jeunes enfants
Mouss est venu avec son jeune fils, pressé par le besoin de montrer sa solidarité. « Nous sommes de tout cœur avec tout le monde, qu’ils sachent que les gens pensent à eux, à leurs enfants, à leur famille », il a dit. Nous venons ici tous les soirs. C’est tombé sur d’autres, mais ça aurait très bien pu être sur mon fils. Malheureusement, c’est comme ça. Nous reviendrons tous les jours. Cela ne change rien. » assure Mouss.
« J’ai apporté une petite fleur tout à l’heure, en catimini. Une fleur de mon jardin. »
Quelques mètres plus loin, nous rencontrons Hugo, un instituteur. Il apprit la nouvelle dans son établissement, « À 11 heures » et est également venu exprimer son soutien. « J’ai été choqué par ce qui s’est passé. Mes pensées vont à toutes les personnes, aux parents, aux secouristes et à la police, à toutes les personnes qui sont intervenues ».
« Les enfants, ça ne devient pas plus innocent !
Anne-Laure voulait venir avec sa famille. « Je suis venu avec mon conjoint, ma fille d’un an et ma petite-fille de 12 ans pour déposer un petit dessin. Nous habitons à 500 mètres d’ici. Nous sommes évidemment concernés. C’est une place dans laquelle nous venons régulièrement et alors on se projette ».
« Ma grande était à l’université et la petite était sur la place. Mais elle est rentrée à la maison 30 minutes avant l’attaque. Nous avons eu beaucoup de chance. »
Anne-Laure, une maman venue en famillechez franceinfo
Le jardin public n’a pas la foule des autres soirs, mais certains s’y amusent quand même, comme Aïmen, quatorze ans, qui avoue malgré tout « être choqué » mais je veux « montre que tu n’as pas peur ». Jeudi matin, Jules n’avait plus cours. Du lycée voisin, il se rendit au Pâquier et vit tout de loin. « Au début, on se demande ce qui se passe. On est un peu surpris. Ce n’est pas quelque chose d’habituel que les gens se mettent à crier ‘au secours’ sur le Pâquier. On se dit peut-être qu’un petit s’est fait mal dans le parc. Mais une fois qu’on voit tout le monde courir, on se rend compte que ce n’est pas qu’un accident. On m’a dit qu’il me fallait au moins deux semaines pour récupérer. J’ai pu discuter avec des psychologues professionnels. Pour moi, les enfants, il n’y a rien de plus innocent ! »
À la tombée de la nuit, un jeune couple entre avec un bébé de cinq mois. La maman, Kathleen, très émue, reste en retrait. « Je vis ma tristesse de mon côté, mais là, je voulais juste mettre une bougie », elle laissa échapper un souffle. Le père, Clément, serre son fils contre lui. Quelque chose a changé. « On vient toujours ici pour pique-niquer, faire du jogging. C’est un endroit tellement paisible qu’on est comblé », confie-t-il, la voix étranglée.
« Nous n’y retournerons pas »
A une dizaine de mètres de là, un groupe de jeunes observe de loin, perché sur le pont de l’amour, où les couples accrochent habituellement des cadenas. Le Pâquier, ce domaine de sept hectares au bord du lac d’Annecy, a perdu son âme pour Thalia et Juliette, 17 et 18 ans : « On n’a plus l’image de ce parc joyeux où l’on rigole »note Thalia. « Je pense que cet été il n’y aura que des touristes dans ce parc, avance Juliette. Les Annecy ne viendront plus ici. Quand on verra les vidéos et les images… On n’y retournera pas ». Juliette ne veut plus emmener son petit frère dans ce parc où les quatre enfants ont été poignardés. « Ils devraient même le fermer », lance Juliette. Elle aimerait qu’une plaque commémorative soit installée pour ne jamais oublier. La vie reprend son cours à Annecy, mais tout le monde le dit : quelque chose s’est cassé.
francetvinfo .Fr