« On se demande où sont les Français dans ce gâchis politique »
Double choc : une extrême droite aux portes du pouvoir, suivie d’une dissolution de l’Assemblée nationale à laquelle personne ne s’attendait. Et cela pratiquement personne n’imaginait ni ne voulait, y compris dans les rangs macronistes qui se demandent comment ils vont pouvoir sauver leurs sièges. Nous nous perdons en conjectures sur les intentions cachées du chef de l’Etat. Il y a cependant une première raison, très simple, à ce coup d’État politique.
Celle qui consiste à rester l’hyper-président, le maître du jeu politique, au « centre » pour ainsi dire, malgré les conséquences probablement désastreuses pour une démocratie qui demande plus d’apaisement et de temps long que de précipitation et de désordre. . Dans un monde qui ne tourne plus rond, le chef de l’État ressemble plus à un apprenti sorcier qu’à un maître des horloges.
L’ego démesuré d’Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a toujours cultivé l’art du happening permanent sur fond d’omniprésence médiatique, pour conjurer son déclin politique et maintenant sa déroute aux dernières élections européennes. L’ego paraît excessif lorsqu’il s’agit avant tout de se mettre en avant et de monopoliser l’attention. On l’a vu convoquer des intellectuels pour leur faire la leçon, décider d’un nouveau Conseil National pour la Refondation (CNR), dont il serait le grand organisateur, ou encore surprendre par la nomination d’un tout jeune premier ministre à son image. La mise en scène permanente ne fait pas dériver une politique qui a commencé au centre gauche vers une droite de plus en plus radicale, dont elle avait pourtant fait la mère de tous les combats.
Non seulement il s’agit d’un échec cruel face à une extrême droite au sommet, mais la dissolution va aussi nuire gravement à son propre camp, qui cherche déjà à se démarquer du pouvoir tutélaire de son créateur. Le macronisme sans Macron ? Son résultat désastreux aux dernières élections européennes n’augure rien de bon, si ce n’est la poursuite d’un désaveu selon les premières intentions de vote aux prochaines législatives, selon une enquête Toluna Harris Interactive pour Challenges, M6 et RTL du 10 juin, qui fournit pour une majorité présidentielle de 19%.
Avec peu d’adjuvants prévisibles à droite par défaut de LR, ni à gauche qui veut afficher un front unique dès le premier tour. A si peu de distance du dernier scrutin, on s’attend à peu de bouleversements, sauf mobilisation massive des abstentionnistes, et plutôt à un effet de renforcement des tendances qui propulserait le RN à 34%, la Reconquête à 4% et le LR éventuellement rallié au pôle extrémiste. à 9h%.
Proche d’une majorité absolue d’extrême droite à la Chambre, au gré du jeu des triangulaires locaux, et pratiquement assuré d’une majorité relative pour proposer le nom du nouveau premier ministre. Sans compter que l’opinion publique n’aime généralement pas se voir forcer la main en imposant une nouvelle consultation comme pour invalider la précédente.
Les discordances de la gauche
Face à de tels bouleversements, personne ne peut bien entendu prédire l’avenir. On ne peut pas non plus exclure que la gauche unie joue à parts égales malgré une réconciliation aussi rapide qu’artificielle et un programme qui aura du mal à cacher les désaccords fondamentaux des partenaires sur les retraites, les déficits publics, la fiscalité ou encore l’Ukraine. Le renversement de la dynamique politique sous-jacente de Chirac à Sarkozy et de Hollande à Macron n’est pas impossible mais peu probable dans un laps de temps aussi court.
L’hypothèse la plus crédible est celle d’une relative majorité d’extrême droite face à un bloc qui s’opposera systématiquement aux projets de loi rendant la Chambre encore plus « introuvable » qu’auparavant. Après le KO de la dissolution, le chaos des oppositions se profile. Un résultat magnifique qui permettra au président non seulement de continuer à présider mais de se placer dans la position d’arbitre entre des forces irréconciliables, au centre une fois de plus, ce qu’il a toujours recherché. Redissoudre l’Assemblée dans un an face à un nouvel échec ?
La place française
On se demande où en sont les Français dans ce gâchis politique ? Sont-ils seulement l’objet d’injonctions et d’instruments politiques qui tombent d’en haut, de politiques de l’offre peu attentives à leurs revendications ? Pourtant, ces manœuvres politiques n’amélioreront pas leur opinion du microcosme politique. Nous aimerions renforcer leur distance par rapport à la politique ou les rendre encore plus radicaux que nous ne le ferions autrement.
La radicalisation de l’opinion, la montée des extrêmes, comme la brutalisation des institutions politiques prouvent qu’il ne s’agit plus seulement de changer de politique mais de changer de politique. On se souvient que dans cet esprit, le mouvement des Gilets jaunes a rassemblé des sympathisants de droite et de gauche, y compris aux extrêmes, autour d’un agenda populaire.
Il s’agissait de redéfinir une citoyenneté plus participative qui vienne du « bas » et non « du haut », de pouvoir parler au référendum d’initiative citoyenne (RIC) sans attendre qu’on vous le donne, de réduire les inégalités objectives. dans une société où les individus se considèrent désormais égaux, pour lutter contre la désintégration des services publics au nom du bien commun qui a façonné le modèle français et lui a donné son unité. Le moment serait plutôt d’unir la société civile plutôt que de dissoudre la représentation politique.
(1) Apprenti sorcier : personne qui déclenche des événements dont il ne peut arrêter le cours.