« On s’attend à une baisse des taux en juin, mais il ne faut pas s’attendre à une baisse des prix » selon le président du Crédit Mutuel
Selon les derniers chiffres disponibles, le montant des nouveaux crédits immobiliers est au plus bas en France, avec 6,7 milliards d’euros en mars, soit le plus faible volume depuis 10 ans. Les taux ont baissé, en dessous du taux quelque peu symbolique de 4 %. On peut s’attendre à une baisse des taux le 6 juin, mais on ne reviendra pas « au rythme de 1 ou 1,5% que l’on connaissait il y a quelques années », selon Daniel Baal. N’imaginant pas non plus que le prix de l’immobilier baisse, il conseille de sortir de l’attentisme. « Quand on a un projet, mieux vaut en parler à sa banque, et la banque fera sans doute le nécessaire pour apporter l’accompagnement attendu », il assure.
Arrivé à la tête du Crédit Mutuel en avril 2024, Daniel Baal est un président au profil un peu atypique pour un patron de banque. Il n’a pas fait de lycée mais, avec un BTS en poche, il a gravi tous les échelons au sein de la banque. Il a même mis sa carrière professionnelle entre parenthèses pendant plusieurs années pour diriger la Fédération Française de Cyclisme, car le cyclisme est son autre passion.
franceinfo : Avez-vous le sentiment de vous démarquer dans le monde de la banque, ou êtes-vous finalement un patron comme les autres ?
Daniel Baal : En fait, j’ai commencé au bas de l’échelle et je suis très fier d’avoir réalisé ce parcours. Mais en même temps, le Crédit Mutuel est une banque un peu atypique. Ce n’est pas une banque standard. A partir de là, tous les itinéraires sont possibles. Et encore aujourd’hui, quand je vois des jeunes embauchés, je leur dis : ‘tu peux continuer à progresser, il faut même tout faire pour progresser’. Notre entreprise, très attachée au terrain, à la proximité et à la formation, m’a permis d’y poursuivre une carrière. Par ailleurs, nous sommes encore souvent en contact avec nos élus mutualistes présents dans les caisses du Crédit Mutuel. Et tout cela crée un climat favorable à l’évolution.
Vous avez un mandat de quatre ans, avec un plan stratégique qui prévoit de gagner 1 million de membres et clients supplémentaires, pour atteindre un total de 15 millions. C’est très ambitieux. Comment allez-vous procéder ?
Ce chiffre de 15 millions, c’est ce que nous souhaitons atteindre à travers l’ensemble de notre réseau, mais aussi à travers notre filiale le CIC. Tout simplement, dans certaines régions nous ne sommes pas encore fortement présents. Si dans l’Est de la France, nous avons parfois des parts de marché supérieures à 50 % et nous en sommes très fiers, dans d’autres, et notamment dans le sud de la France, nous avons encore des marges de progression. Comment pouvons-nous continuer à gagner des membres et des clients ? Tout simplement par les relations, la qualité de la relation.
Faut-il également étendre le réseau ?
Non, car nous sommes déjà très présents. Nous sommes numéro un de la relation client pour la 12ème fois cette année. Cela montre l’importance que nous accordons à la relation, et plus nous accordons d’importance à la qualité de la relation, plus nous avons un bon score de promotion et par conséquent, nous pouvons conquérir de nouveaux membres et de nouveaux clients.
Le métier historique du Crédit Mutuel est la banque de détail, et donc la banque des particuliers. Selon les derniers chiffres disponibles, le montant des nouveaux prêts à l’habitat est au plus bas en France, avec 6,7 milliards d’euros en mars, soit le plus faible volume depuis le 10 années. Le constatez-vous également au Crédit Mutuel ?
J’aurai une touche très positive. Depuis la mi-avril, nous sentons une agitation, davantage de demandes. C’est lié aussi au fait que les taux ont baissé, on est passé en dessous du taux un peu symbolique de 4%. Aujourd’hui, ce n’est pas l’offre de crédit qui manque, c’est la demande, liée à un marché immobilier encore aujourd’hui relativement atone.
Avez-vous l’impression que les particuliers attendent une nouvelle baisse de taux ? La BCE devrait à nouveau baisser ses taux au printemps.
Une baisse des taux est attendue le 6 juin. Je pense que les Français attendent plutôt une baisse des prix, et je crains que cette baisse des prix n’arrive pas vraiment.
« Quand il s’agit de baisser les taux, il ne faut pas se faire d’illusions, nous ne reviendrons pas au taux de 1 ou 1,5% que nous avons connu il y a quelques années. »
Daniel Baalsur franceinfo
Revenir en dessous de 4% est déjà compétitif. N’oublions pas qu’il y a dix ou quinze ans, les taux tournaient autour de 8-9 %.
Pensez-vous que les prix de l’immobilier ne baisseront pas ?
Vous savez, nous avons un problème simple, c’est que nous nous attendons à une baisse des prix dans les bâtiments anciens. Cela signifie qu’il devrait y avoir une corrélation avec les nouveaux prix. Mais comment les prix des nouvelles constructions peuvent-ils baisser alors que les prix des matériaux et de la main d’œuvre augmentent ? C’est impossible. Alors si j’ai un conseil à donner, n’attendons pas de voir. Lorsque vous avez un projet, mieux vaut en parler à votre banque, et celle-ci fera sans doute le nécessaire pour vous apporter l’accompagnement attendu.
La banque est toujours un bon thermomètre de l’économie. Nous venons de parler des prêts aux particuliers. Qu’en est-il des prêts aux entreprises ?
On ressent encore un certain attentisme de la part des chefs d’entreprise. Pour plusieurs raisons, les tarifs, l’économie. Le Président de la République a annoncé un second semestre 2024 bien meilleur. Je crois qu’il a raison, car aujourd’hui, un certain nombre d’indicateurs permettent de l’envisager. Ainsi, là aussi, la reprise pourrait intervenir d’ici la fin de l’année. Mais sur le taux, je dis la même chose, ne nous attendons pas à une baisse vertigineuse.
Et voyez-vous également des faillites d’entreprises ? Vous en voyez plus ?
Oui, nous constatons aujourd’hui plus de faillites d’entreprises qu’il y a un an ou deux. Durant la période post-crise sanitaire, de nombreuses entreprises ont vécu avec un soutien assez artificiel. Aujourd’hui, nous revenons à une situation presque normale. Il y a un secteur qui souffre plus que les autres, c’est le secteur immobilier, en lien avec le ralentissement de ce marché. Sinon, je ne peux pas dire que la situation aujourd’hui soit préoccupante. Tout au long de ma carrière d’opérateur bancaire, nous avons toujours connu des entreprises qui, à un moment ou à un autre, rencontraient des difficultés. Cela existe encore aujourd’hui, mais ce n’est pas un phénomène que nous considérons comme vraiment profond. Je pense qu’un peu de relance permettra à tout cela de recommencer.
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