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« On m’a proposé un salaire trois fois plus élevé »

Irène Constantin est professeur à l’Université Sainte-Anne,
Nouvelle-Écosse. « Je n’avais pas le profil pour être enseignant, mais
« On m’a donné ma chance ». Cette phrase, Irène, comme
Beaucoup de Français immigrés au Canada le répètent à l’envi. Et dans le cas de cette jeune professeure de l’université Sainte-Anne, cela sonne comme une reconnaissance envers le Canada. Il y a onze ans, Irène Constantin, diplômée d’un Master 2 en éducation de l’université de Caen et originaire de la même ville, décide de partir au Canada. Elle s’installe en Nouvelle-Écosse, dans le cadre d’une mission de service civique et entame brièvement une carrière de journaliste. C’est à la suite d’une rencontre avec le doyen de l’université Sainte-Anne qu’elle est embauchée comme professeure.

Elle s’étonne du manque de connaissances générales de ses élèves.

Irène, 35 ans, aime la province, mais elle est toujours surprise par le manque de connaissances générales de ses élèves. « La France ? Non, ils ne le savent pas, mais nous sommes plutôt bien considérés, mieux que les Québécois pour qui les relations avec les Acadiens sont compliquées. »Pourquoi n’enseigne-t-elle pas dans un lycée ? « Je n’aurais pas pu enseigner »Irène souligne. Lors de l’embauche dans l’enseignement secondaire, il est obligatoire d’obtenir le brevet d’enseignement de la Nouvelle-Écosse. Porte-parole du Conseil scolaire acadien provincial, qui représente 6 750 élèves dans 23 écoles de la province, Stéphanie Comeau explique que le dossier du candidat enseignant est analysé à « préliminaire avec le Nova Scotia Certification Office. Si le résultat de l’analyse est positif, nous procédons à une entrevue de sélection basée sur nos normes d’enseignement et si la personne est sélectionnée, nous offrons un contrat conditionnel ». Mais sans certificat, pas de possibilité d’enseigner. Au niveau universitaire, les choses sont plus faciles et, comme partout en Amérique du Nord, les employeurs, beaucoup plus pragmatiques et ouverts qu’en France, donnent leur chance aux débutants ou aux immigrants. Mais Irène a quand même attendu cinq ans, à l’essai, avant d’obtenir la titularisation à l’université. La professeure insiste sur la spécificité de l’Acadie. « Malgré un attachement au français, les Acadiens demeurent orientés vers la culture anglophone, surtout les jeunes. »

Les étudiants la trouvent sévère

Ces derniers maîtrisent mal la langue de Molière. C’est pourquoi les élèves trouvent parfois Irène sévère dans sa notation. La jeune Normande précise qu’il est vraiment important de prendre en compte les différences et
s’adapter à la culture locale. Les Canadiens mettent l’accent sur la pédagogie, le travail en équipe et le bien-être de l’enfant. L’approche française, même transposée au Canada, est différente. Sylvain Olivier, le directeur du futur lycée français d’Halifax, dont les portes devraient ouvrir à la rentrée, sélectionne les futurs enseignants, tous français, en fonction de « leur expérience du métier, leur bilinguisme, leur goût de l’innovation, leur flexibilité, leur adaptation et leur adhésion au projet de l’établissement. » Mais à aucun moment la pédagogie et le travail d’équipe si chers au milieu canadien ne sont évoqués.

Je suis arrivée au Nouveau-Brunswick en 2019, frustrée du système français et à la recherche d’un nouveau souffle et de solutions possibles pour faire progresser les pratiques éducatives.

Murielle Rialt

Murielle Rialt est professeur d’anglais à l’université
de Moncton, Nouveau-Brunswick. « Je suis arrivé au Nouveau
Brunswick en 2019, frustré par le système français et à la recherche d’un nouveau souffle et de solutions possibles pour faire progresser les pratiques éducatives.confie Murielle Rialt, professeur de français
langue seconde à l’Université de Moncton. Ses étudiants sont
adultes. Un changement radical d’environnement pour cette
Professeur d’anglais, certifié depuis 1994 et ayant traversé un large spectre
de l’enseignement en France : écoles primaires, collèges et lycées, mais aussi l’Institut universitaire de formation des maîtres de Grenoble. Cette enseignante passionnée a été à « la recherche
« Les approches les plus efficaces pour la réussite des étudiants. »

Ici, la pédagogie active est généralisée à toutes les écoles

Murielle Rialt

Elle a parcouru le monde avec eux lors de voyages à
Royaume-Uni et aux États-Unis, mais aussi en tant qu’enseignant pendant
trois années au lycée français de Kuala Lumpur, en Malaisie. Mais c’est au Nouveau-Brunswick que l’enseignante s’épanouit. « Ici, la pédagogie active est généralisée à toutes les écoles. Tout est mis en place pour la réussite et l’épanouissement de l’élève. Avec la présence de nombreux assistants dans les classes pour accompagner les élèves en difficulté, des enseignants ressources, des médiateurs dans les écoles pour accompagner les enfants en petits groupes dans leurs apprentissages
ou leur savoir-faire”confie-t-elle. Comme de nombreux enseignants étrangers au Canada, Murielle vante la qualité du matériel scolaire et le travail en équipe dans les écoles. Sans parler des conditions de travail qui permettent « la flexibilité de l’emploi et les possibilités d’évolution de carrière, la facilité de changer de poste, d’assumer des responsabilités, de travailler dans un autre secteur, puis de revenir facilement à l’enseignement ».

Un enseignant ne doit jamais crier ou perdre le contrôle devant les élèves ou les parents, ne jamais humilier, ne jamais porter de jugements personnels négatifs.

Murielle Rialt

Le professeur apprécie « une échelle salariale avantageuse au fil des années d’ancienneté et d’une carrière plus courte ». Alors, quels sont les conseils pour être embauché ? En plus de devoir s’adapter au pays, tant sur le plan professionnel que personnel, il faut « Soyez un bon professeur : la pédagogie est aussi importante que la discipline. On peut même enseigner ici n’importe quelle discipline (…). Un professeur ne doit jamais crier ni perdre le contrôle devant les élèves ou les parents, ne jamais humilier, ne jamais porter de jugements personnels négatifs ». Tout est-il rose ? Presque, mais Murielle déplore certaines « Les exigences sont moindres. Il est difficile d’amener les étudiants à écrire de longs textes. » Et pour conclure : « La rigueur française me manque. »

Moins de 4% des habitants sont francophones.

Dominique Griffon est doyen de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Atlantique
Collège de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard. À l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.), province lilliputienne de 140 000 habitants, où moins de 4 % des habitants parlent la langue de Molière, les professeurs de français et les représentants du monde de l’éducation ne sont qu’une poignée. Parmi eux, Dominique Griffon, originaire du Limousin, est le nouveau doyen du Collège vétérinaire atlantique de l’Université de l’Î.-P.-É. depuis janvier 2024. Cette vétérinaire née à Guéret, diplômée de l’école vétérinaire de Maison-Alfort à la fin des années 1980, apprécie le cadre bucolique de cette île si différente de ses précédentes résidences. Après avoir travaillé deux ans dans le secteur privé à la sortie de l’école, Dominique a alterné entre postes d’enseignement et de recherche en Grande-Bretagne, mais surtout aux États-Unis, dans l’Illinois et en Californie pendant plus de deux décennies.

Un salaire trois fois plus élevé qu’en France

« J’ai essayé de revenir en France à plusieurs reprises, mais je n’ai jamais rien trouvé. Et dans l’Illinois, on m’a proposé un salaire trois fois supérieur à celui qu’on m’aurait proposé en France. »« Nous sommes très fiers de notre travail, confie celle qui, ayant obtenu son diplôme major de sa promotion, n’a eu aucun mal à attirer l’attention des Américains. Comme beaucoup de Françaises installées en Amérique du Nord, Dominique souligne que le milieu de travail canadien est fait de relations hiérarchiques moins pesantes qu’en France. La doyenne de l’Atlantic Veterinary College note aussi que les établissements d’enseignement insistent beaucoup sur l’équité entre les femmes et les hommes (NDLR : les hommes sont minoritaires dans l’enseignement au Canada), mais aussi sur l’inclusion des minorités, notamment autochtones. Et le français ? C’est presque un mythe à l’IPE. La province cherche aussi désespérément des professeurs de français. Radio-Canada sonnait l’alarme fin avril :
« Le manque d’enseignants, notamment ceux qui ont les compétences pour enseigner le français, cause des difficultés dans les écoles ».

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Cammile Bussière

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