« on est stigmatisés au quotidien », un patient aimerait voir sa maladie changer
Alors que les semaines d’information sur la santé mentale se poursuivent jusqu’au 20 octobre, les patients atteints de maladie mentale dénoncent la stigmatisation à laquelle ils sont confrontés au quotidien. Nous avons rencontré Franck Cornet, vice-président d’une association de santé mentale à Épernay (Marne). Il a accepté de raconter son histoire à France 3 Champagne-Ardenne.
Lorsque nous le rencontrons, lundi 7 octobre, il n’a pas spécialement envie de s’exprimer à notre micro. Mais sa psychologue, Adeline Sadier, le convainc en lui expliquant que «nous devons entendre sa parole ». Franck Cornet a l’habitude de ne pas être entendu, d’être enfermé dans une boîte. Il souffre de dépression, une maladie mentale souvent stigmatisée.
Il perçoit ces préjugés au quotidien aux yeux des autres. « Quand on est aux portes du CMP (centre médico-psychologique d’Epernay), certaines personnes changent de trottoir », raconte-t-il. Les maladies mentales font peur, et selon lui, les médias ont une responsabilité : « quand les journaux parlent d’un meurtre par exemple, les premières cibles sont les personnes atteintes de maladies mentales, alors que dans les statistiques, on voit bien que ce sont rarement les personnes les plus fragiles qui passent à l’acte. »
Sa maladie, la dépression, fait habituellement l’objet de critiques négatives. « On peut nous qualifier de paresseux, il explique parce que nous bénéficions du RSA et que nous nous soignons, nous accordons la priorité à la santé.« Ses proches, sa famille, tout comme France Travail, ne l’épargnent pas. « Quand je raconte ce qui m’est arrivé, je vois que ça fait peur, ça fait peur» nous dit-il.
J’ai commencé à m’isoler et je suis entré dans un cercle vicieux
Franck Cornet, vice-président de l’ASASM
L’histoire de cette habitante d’Épernay, aujourd’hui âgée de 57 ans, semble pouvoir devenir celle de n’importe qui. Tout a commencé il y a deux ans, Franck travaille depuis 22 ans dans une entreprise hôtelière. « Mon travail n’était pas reconnu, je souffrais d’être dévalorisé aux yeux des autres ». Il perd confiance en lui et entre dans un cercle vicieux. « J’ai commencé à m’isoler, je ne voyais plus personne, je ne prenais plus soin de moi et ma santé commençait à se dégrader.« . Il tombe dans la boulimie et finit par être hospitalisé.
« J’ai eu deux comas diabétiques » dit-il. » J’étais complètement isolé lorsque j’ai commencé à faire surface dans le deuxième coma. C’est là que j’ai rencontré une assistante sociale qui m’a dit que ce serait bien d’aller au CMP pour rencontrer un psychologue.» Il contacte alors le centre médico-psychologique d’Épernay qui lui indique qu’il lui faudra attendre neuf mois pour obtenir un rendez-vous avec un professionnel.
Il est patient et rencontre enfin la femme qui deviendra sa psychologue. Depuis, il la consulte plusieurs fois par semaine et se rend au centre chaque fois qu’il en ressent le besoin : «Depuis ce jour, je ne les ai plus lâchés. Ce qui est bien avec le CMP, c’est qu’on n’est pas jugé. Nous travaillons ensemble, nous avons le droit à l’erreur et il n’y a pas de stigmatisation, ni les mauvais regards que l’on peut rencontrer à l’extérieur, dans notre propre famille.
Il apprécie ces professionnels qui prennent le temps de l’écouter et tiennent compte de son environnement personnel et professionnel : «beaucoup se tournent vers des médicaments miracles, mais ne sortent finalement jamais de la dépression. ». Sans ce soutien, il sait qu’il aurait pu sombrer jusqu’au suicide.
Aujourd’hui, il mesure le travail accompli même si la reconstruction a été lente : «Ça a vraiment pris beaucoup de temps à mon goût, mais on m’a fait comprendre que pour aller mieux et que ça soit profond et durable, il fallait prendre le temps que ça arrive, il faut aller en profondeur et chercher des choses. »
Il peut désormais parler de son parcours sans honte. Il veut avant tout aider ceux qui vivent les mêmes épreuves. « Nous devons lancer un mouvement pour décider de faire le premier pas vers la guérison, j’essaie de provoquer ce mouvement chez d’autres patients au sein de l’ASASM” (Association sparnacienne d’assistance en santé mentale).
Cette association, liée au CMP Foch d’Epernay, est uniquement composée de patients. Franck est le vice-président. Il est également bénévole au GEM, le groupe d’entraide qui permet aux patients de discuter entre eux, sans l’accompagnement des soignants. « Chacun apporte sa vision, ses idées pour aller mieux, l’un dit j’ai testé ça, l’autre dit je vais essayer… » il explique. « C’est enrichissant, car entre nous, il n’y a pas de jugement à l’emporte-pièce. »
Pour lui, il est essentiel que le regard de la société sur la santé mentale change : «comment veux-tu réintégrer la société si elle nous sépare ? se demande-t-il. Selon lui, trop de Français n’osent pas consulter, de peur d’être eux-mêmes stigmatisés alors que les troubles mentaux sont très répandus. Selon l’OMS, un Européen sur quatre est touché par des troubles psychologiques au cours de sa vie.