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comment Luis Enrique a donné un nouveau souffle au PSG, champion de France et en lice pour un quadruple inédit

A genoux, essoufflé et démotivé. C’est dans cet esprit que nous avons quitté le Paris Saint-Germain il y a à peine un an. L’exaspération et la lassitude générées par l’élimination impuissante en Ligue des champions à Munich avaient abouti à une fin de saison en roue libre. Incapable d’accéder aux huitièmes de finale de la compétition pour la deuxième année consécutive, le club de la capitale a licencié Christophe Galtier à l’issue de sa première saison, faisant de lui l’entraîneur le plus éphémère de l’ère qatarie, le remplaçant par Luis Enrique.

Un grand ménage d’été et onze mois plus tard, le même PSG est en lice pour un quadruple inédit. Il vient de décrocher le titre de champion de France dimanche 28 avril, à trois journées de la fin de la saison, après son match nul contre Le Havre la veille et la victoire de l’OL contre Monaco dimanche soir.

Ce sacre précoce lui permettra de se concentrer pleinement sur ses deux derniers objectifs de la saison. Les Rouge et Bleu doivent encore disputer la finale de la Coupe de France, contre Lyon fin mai, et ont surtout hâte d’affronter le Borussia Dortmund en demi-finale de C1 mercredi. Au total, ils peuvent terminer la saison avec quatre trophées, le Trophée des Champions étant déjà en poche depuis janvier.

« C’est une motivation pour faire quelque chose qui n’a jamais été fait en France, marquer l’histoire du club, de la ville et si cela peut être pour le pays, tant mieux. »

Luis Enrique, entraîneur du PSG

en conférence de presse avant Lorient-PSG

Ce scénario, les supporters parisiens le doivent en grande partie à Luis Enrique, auteur d’un véritable tour de force. Depuis son arrivée sur le banc en juillet, le coach espagnol a lancé une nouvelle ère. On lui avait promis l’Everest, et ce dernier a tout changé, du projet sportif à l’ambiance autour de ce club habituellement tourmenté par une forme de pression irrationnelle. C’est comme si le PSG avait enfin appris de certaines de ses erreurs.

Un projet de jeu ambitieux et identifiable

Dès leur arrivée en 2011, les investisseurs qatariens ont annoncé qu’ils visaient la couronne de la Ligue des champions d’ici cinq ans. Depuis, l’attente était devenue trop lourde. Il fallait absolument dégonfler l’obsession de la C1. Lors de ses premières sorties médiatiques, Luis Enrique a toujours refusé de fixer des ambitions concrètes. « Mon objectif est que les supporters du Paris Saint-Germain soient fiers de leur équipe, qu’ils soient fiers de ce qu’ils voient sur le terrain, qu’ils apprécient le spectacle. Et ils l’apprécieront s’ils voient l’effort, le travail, une équipe qui attaque bien et défend bien, une équipe qui joue ensemble. »a-t-il annoncé lors de sa première interview sur le site du club.

Les départs de Lionel Messi et de Neymar, aussi déconnectés du public que talentueux, lui ont permis de déconstruire cette image collante d’une équipe de solistes, tout en s’appuyant sur des têtes d’affiche françaises fraichement recrutées, d’Ousmane Dembélé à Randal Kolo Muani, en passant par Bradley Barcola. Le coach ibérique est revenu à des choses plus simples et a tenu à mettre le collectif au centre des débats. Le message a été rapidement transmis. La recrue Lucas Hernandez s’en faisait l’écho début septembre sur Canal+ : « Ce que veut l’entraîneur est clair : pour être une équipe, nous attaquons tous et nous défendons tous. Si vous jouez contre une équipe et que vous avez deux ou trois joueurs qui ne défendent pas, vous aurez des problèmes ».

« L’identité offensive n’est pas négociable. Si nous ne pensons pas pouvoir jouer offensivement, nous ne venons pas, c’est ma philosophie. »

Luis Enrique, entraîneur du PSG

lors de sa première conférence de presse

En peu de temps, Luis Enrique a mis le Parc des Princes dans sa poche. Sur le terrain, l’équipe a affiché une identité marquée avec une volonté de contrôler le ballon et de presser l’adversaire. Et, dans son discours, l’enfant de Gijon avait toujours un mot pour les supporters. « C’est difficile d’être patient avec de tels supporters. Ils ont été impressionnants ce soir et je les remercie. Nous les avons déçus, c’est dommage », il s’est excusé lors de son premier match, qui s’est terminé 0-0 contre Lorient. Deux semaines plus tard, il « dédié » la première victoire de la saison, contre Lens.

Une communication réfléchie pour une plus grande tranquillité d’esprit

La communication de Luis Enrique est soigneusement pesée, bien que souvent conflictuelle avec les journalistes. Un choix assumé et un héritage de son passage sur le banc du Barça et de la sélection espagnole. Par exemple, il a volée sur un journaliste de Ligue 1 Libre à cause des critiques émises après la victoire 3-1 du PSG à Rennes : « Vous ne voyez que des choses négatives. Vous êtes corrosifs. Vous êtes le plus négatif de l’histoire du football ! Un jour, on a gagné 4-1 et il m’a dit qu’on méritait de perdre. Vous ne comprenez rien. »

Bien décidé à faire office de paratonnerre, Luis Enrique est du genre à se jeter sur tout ce qui pourrait ressembler à une attaque contre son groupe. A l’image du PSG, dont les relations avec les médias sont tendues, l’Espagnol considère le buzz médiatique comme un bruit parasite et préfère s’engager sur Twitch. Il n’a accordé aucune interview à aucun média français, mais en a accordé plusieurs au site psg.fr. Ces interviews complaisantes, où les salariés du club en interrogent un autre, permettent d’alimenter un récit médiatique totalement maîtrisé, plus attractif pour les supporters et boosté par la force de frappe du club sur les réseaux sociaux.

Même s’il ne s’est pas fait beaucoup d’amis dans la presse, l’entraîneur espagnol a réussi son pari. Il a enfin apporté de la sérénité à ce club qui semblait traumatisé à vie. Déchargé de l’obligation de remporter la Ligue des champions, le PSG s’est échappé du « groupe de la mort » et a surtout renversé le FC Barcelone en quarts de finale après avoir perdu le match aller à domicile. La performance n’avait jamais été réalisée par un club français mais Luis Enrique l’avait prédit en conférence de presse d’avant-match. Une telle confiance est forcément contagieuse dans un vestiaire.

Doublement fermé, ce même vestiaire suscite beaucoup de curiosité. Luis Enrique n’a jamais cessé de répéter qu’il « il n’y avait pas d’ego » dans son groupe. Malgré la moue de Kylian Mbappé à son départ lors d’OM-PSG ou sa tournée du stade lunaire de Monaco, il n’y a jamais eu de fracture concrète entre les deux hommes. On a même pu les voir s’enlacer à plusieurs reprises, à Barcelone notamment. La seule fois où Luis Enrique a osé émettre des réserves sur sa star remonte à la mi-novembre, après un triplé de Kylian Mbappé à Reims.

Gestion intelligente du temps de jeu

«Je ne suis pas très content de Kylian (Mbappé). Je pense qu’il peut aider davantage l’équipe, d’une manière différente. », a déclaré le très méticuleux Espagnol sur le plateau de Prime Video. Une fois le départ du prodige de Bondy fuité dans la presse, les questions sur son avenir se sont multipliées. Luis Enrique n’a jamais répondu. Il a d’abord fait semblant de ne pas comprendre un journaliste la veille Real Sociedad-PSG, puis il a décidé d’invoquer le collectif à chaque question un peu trop individuelle.

En plus de conserver un Kylian Mbappé inquiet (43 buts en 44 matches) malgré quelques repos forcés, l’exploit de Luis Enrique est d’avoir réussi à développer une équipe qui fonctionne avec et sans son talentueux joueur. Lors de sa dernière sortie, le PSG n’a mis que trente minutes pour tuer le match à Lyon en laissant certains titulaires sur le banc. Avec une seule défaite lors des 31 premiers matches de la saison en Ligue 1, Paris a survolé le championnat et profité de la faible concurrence qui lui était offerte pour passer en mode gestion.

Luis Enrique et Kylian Mbappé en conversation lors de PSG-Metz en Ligue 1, le 20 décembre 2023, au Parc des Princes.  (FRANCK FIFE / AFP)

En début de saison, Luis Enrique avait prévenu qu’il comptait sur « 20 titulaires ». Au total, 21 de ses joueurs ont disputé au moins 10 matches, soit déjà deux de plus que l’année précédente, avec un mois et demi de compétition en moins. En répartissant le temps de jeu, il a impliqué une plus grande partie de son effectif et limité les risques de blessures. Il est important de noter que le PSG a eu très peu de blessures musculaires cette saison. Moqué pour ses déplacements à l’infirmerie de Barcelone, Ousmane Dembélé n’a connu aucun problème physique. Il était disponible lors des deux derniers matches de Ligue 1 mais Luis Enrique a préféré limiter son temps de jeu en pensant aux grands rendez-vous à venir.

C’est avec un effectif au complet, à l’exception de Presnel Kimpembe et Sergio Rico, blessés longue durée, qu’il aborde cette fin de saison passionnante. Les conditions sont presque optimales, alors qu’il fallait patience et indulgence l’été dernier. Après tout, le club parisien voulait repartir de zéro. Il pourrait désormais sombrer dans une forme d’irrationalité s’il atteint tous ses objectifs l’année où seront posées les premières briques de son nouveau bâtiment.

Jeoffro René

I photograph general events and conferences and publish and report on these events at the European level.
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