Présenté à l’issue de la Quinzaine des Cinéastes du Festival de Cannes 2024, « Les Pistolets en plastique » de Jean-Christophe Meurisse s’inspire directement de l’affaire Dupont de Ligonnès pour livrer un portrait très drôle d’un homme violent, paranoïaque et voyeuriste.
La nouvelle chronique cinglante de Jean-Christophe Meurisse
Le Festival de Cannes 2024 touche à sa fin et clôture ses différentes sélections. Et pour la clôture de la Quinzaine des Réalisateurs, Jean-Christophe Meurisse, trois ans après la sélection en Séances de Minuit deOranges sanguineslivré une comédie hilarante et profondément abrasive avec Pistolets en plastique.
Après la France de la dette, de la corruption et de l’abandon, voici la France du fait divers à sensation, de la paranoïa et du voyeurisme. Le sujet de Pistolets en plastiqueavec des noms modifiés, s’inspire de l’épisode le plus surréaliste du terrible « Affaire Dupont de Ligonnès« . Bref rappel, cette affaire concerne un quintuple meurtre toujours non élucidé. Le 21 avril 2011, dans leur maison de Nantes ont été découverts les corps de cinq membres de la famille Dupont de Ligonnès, la mère et les quatre enfants, tués deux semaines auparavant. et son père, Xavier Dupont de Ligonnès, principal – unique – suspect de ces assassinats, est introuvable après avoir été aperçu une dernière fois le 15 avril 2011 dans le Var.
Le 11 octobre 2019, Le Parisien annonce l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès à Glasgow. La presse s’emballe et reprend l’annonce, le pays est captivé pendant 24 heures, noyé dans les émissions spéciales et les alertes diffusées en continu. L’incompréhension est pourtant totale. L’homme arrêté, Guy Joao, n’a absolument rien à voir avec Xavier Dupont de Ligonnès.
Jean-Christophe Meurisse a vu dans cet épisode la matière idéale pour sa nouvelle comédie, d’une extrême acidité, et l’a développé en trois segments entrelacés, où l’on suit tour à tour deux enquêteurs amateurs obsédés par l’affaire (Delphine Baril et Charlotte Laemmel), l’homme arrêté. par erreur (Gaëtan Peau), et le véritable assassin (Laurent Stocker), nommé Paul Bernardin.
Plus drôle, plus loin, moins bruyant ?
Jean-Christophe Meurisse tourne enPistolets en plastique la folie ordinaire d’une France très moyenne et les situations sont grotesques. Impulsives et alcooliques, Léa et Christine vont finir par se convaincre que le faux Paul Bernardin est bien le vrai, alors que ce dernier vit sa plus belle vie en Amérique du Sud.
Dans ce film à sketches où les chocs se succèdent, Jean-Christophe Meurisse fait transpirer son théâtre dans son cinéma, avec superbes performances comiques de la part du casting, le principal ainsi que celui des invités prestigieux (notamment l’excellent Jonathan Cohen en médecin légiste et Anne-Lise Heimburger en commissaire). Les dialogues s’étirent, les corps s’autorisent tous les gestes, dans une chorégraphie joyeuse où les exercices de cinéma se font en longueur. Ainsi, lors d’un appel Zoom pathétiquement stupide avec des policiers français. Dans une cabine de voiture aussi, dans un hall d’aéroport, dans un pavillon anonyme et déprimant où finit par se déchaîner une violence absurde.
Une belle démonstration, plus détaillée que celle deOranges sanguines mais qui glisse dans son élan pour se rapprocher – trop près ? – de manque de goût en évoquant le drame original et bien réel de toute cette histoire.
Pistolets en plastiquehilarant quand il tient fermement son miroir, est un modèle de comédie noire, du genre qui repousse et tord les limites de la morale avec une violence jubilatoire et cathartique. Mais contrairement àOranges sanguines qui a tenu jusqu’au bout à la réalité de son sujet et à son émotion profonde pour se transformer en tragi-comédie, le lâcher prise du nouveau film de Jean-Christophe Meurisse le rend finalement plus léger et paradoxalement moins attachant dans l’urgence qu’il recherche.