Divertissement

on a vu Oh, Canada, le retour touchant de Richard Gere à Paul Schrader

Écran Large est de retour sur la Croisette pour l’édition 2024 du Festival de Cannes, en partenariat avec Métal Hurlant. Et il est temps de revenir à Oh, le Canadale nouveau film de Paul Schrader avec Richard Gere, Uma Thurman et Jacob Elordi.

Métal Hurlant nous accompagne à Cannes cette année, dans notre exploration des diverses sélections du festival. À travers des récits de bandes dessinées et des articles sur l’actualité culturelle, Métal Hurlant développe avec éclectisme, à raison de quatre numéros par an, un imaginaire sans limites. Une ligne éditoriale totalement en adéquation avec la soif d’expérimentation et de découverte du Festival de Cannes.

Près de 45 ans plus tard Gigolo américainPaul Schrader retrouve Richard Gere pour Oh, le Canada, adaptation de l’un des derniers romans de l’auteur Russell Banks. Alors que le cinéaste avait déjà porté le livre à l’écran Afflictionil donne à ce nouveau long-métrage autour de l’agonie d’un artiste la forme d’un hommage touchant (Banks est décédé en 2023), tout en explorant ses thématiques habituelles.

Oh, le Canada : photo, Richard Gere, Uma ThurmanRichard gère

Cinéma et rédemption

De quoi s’agit-il ? Leonard Fife, documentariste engagé et déserteur de la guerre du Vietnam, souffre d’une maladie incurable. Même si sa mémoire lui joue des tours, il accepte de retracer sa vie à travers une interview filmée.

Comment était-ce ? Depuis le scénario magistral de Conducteur de taxi, on connaît le goût de Paul Schrader pour ses personnages au bord du gouffre, attirés par le tourbillon des gouffres à travers leur voix off captivante. A chaque nouveau film, une pièce du puzzle s’ajoute pour mieux comprendre un cinéaste qui a toujours parlé de sa propre noirceur. Une noirceur typiquement humaine, constitutive de notre essence et que nous devons toujours chercher à combattre.

Signe du temps qui passe, la solitude existentielle des âmes schraderiennes est de plus en plus hantée par la mort. Le tic-tac avance, et s’accompagne d’une tentative de salut, magnifiquement travaillée dans la dernière trilogie du réalisateur : Sur le chemin de la rédemption, Le compteur de cartes Et Maître Jardinier.

Oh, le Canada : photo, Uma ThurmanOh, le Canada : photo, Uma ThurmanToujours un plaisir de voir Uma Thurman dans un bon rôle

Oh, le Canada s’inscrit dans cette continuité, tout en amenant Schrader à renouveler (un peu) une formule qui commençait à s’essouffler. Certes, le journal récité de ses anti-héros n’est remplacé que par un autre dispositif (une interview filmée dans le cadre d’un documentaire), mais ce rapport à l’image a plus que jamais une dimension religieuse, digne d’un confessionnal.

« C’est ma dernière prière, et nous ne mentons pas quand nous prions », déclare solennellement Leonard Fife pendant le tournage. Ce documentariste respecté, auteur d’ouvrages politiques controversés, se sait au bord du gouffre et veut obtenir l’absolution. Si cet Américain a fui au Canada pour éviter d’être enrôlé pendant la guerre du Vietnam, cet acte jugé courageux cache en réalité la fuite permanente d’un homme avec sa vie, ses femmes, ses enfants.

Oh, le Canada : Photo Jacob ElordiOh, le Canada : Photo Jacob ElordiJacob Elordi, définitivement l’étoile montante du moment

Dans ce chaos de mouvement, d’aller, de retour et de doute, Schrader s’attache à des bribes de vie, aux images qui se mélangent dans la tête brumeuse de son protagoniste. On peut reprocher au réalisateur de se complaire un peu dans cette structure heurtée (surtout vers la fin), mais la dynamique verbale de son cinéma a rarement été autant soutenue par la puissance de son montage.

D’une part, le corps de Richard Gere peut devenir celui de Jacob Elordi, voire faire cohabiter différentes générations sur un même plan. Cette lourde sensation du temps permet aussi aux comédiens de tirer le meilleur parti de leur performance. Si Uma Thurman bouleverse régulièrement dans sa retenue, Gere, quant à lui, développe une palette insoupçonnée à chaque gros planavec chaque non-dit révélé.

Il faut avouer que l’hétérogénéité de l’ensemble est fatigante par moments (notamment lorsque l’histoire force ses pauses dans le tournage), mais c’est aussi dans cette cassure que Schrader surprend le plus. On aurait pu s’attendre à ce que le discours du film « sépare l’homme de l’artiste », ou cherche à justifier les actes du passé sur l’autel de la création. Au contraire, le cinéaste apparaît bien plus définitif. Fife sait que son œuvre lui survivra et qu’il ne peut se cacher derrière elle pour espérer une paix intérieure. Son art est finalement très peu évoqué lors de l’entretien, car il doit se confronter à ses démons intérieurs, et aux frontières, physiques et métaphoriques, qu’il a choisi de franchir.

Et quand sort-il ? Oh, le Canada n’a pas encore de date de sortie française.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
Bouton retour en haut de la page