« On a largement dépassé l’investissement initial » : à Locminé, ces colis perdus sont revendus à l’aveugle pendant quatre jours
Gwendal Delépine, de la société Mystery Box, basée à Dinan (22), vient d’installer son stand à l’entrée du centre commercial Carrefour Market de Locminé (56). Une balance, une caisse enregistreuse et des tables pour exposer sa marchandise. Le concept est simple. Chaque client prend ce qu’il veut. Mais à l’aveugle. Impossible de savoir ce que contiennent les cartons et sacs de distribution. Seul le prix est affiché : 18 € le kilo.
Ce type de vente, qui s’apparente à une tombola ou à une loterie, s’est développé avec l’entrée en vigueur de la loi Agec (anti-gaspillage pour une économie circulaire). Elle interdit aux transporteurs de détruire les colis non réclamés.
Deux palettes en deux heures
« Nous avons suffisamment de marchandises », explique Gwendal Delépine entre deux pesées et encaissements. « En Europe, chaque année, on estime que deux millions de colis n’arrivent pas à leurs destinataires. Nous les achetons en vrac auprès de grands groupes. Et nous les stockons dans la région de Dinan. Si j’en ai plus, je le signalerai et ils me les livreront. Pas de souci de ce côté-là. »
Les minutes passent. Et les clients sont toujours aussi nombreux. On pèse, on pétrit, on secoue, et parfois on sent même pour essayer de savoir ce qui se cache à l’intérieur. Inutile, les colis sont vraiment bien fermés. Seuls les chaussures et les vêtements sont plus facilement repérables.
Gwendal Delépine n’a pas une minute à lui. La file est ininterrompue. En deux heures seulement, de 9h à 11h, il va vendre deux palettes de marchandises diverses.
« Avec la montre, nous avons largement dépassé l’investissement initial »
Montre connectée, prothèses dentaires anti-ronflement et sextoys
Sur le parking, Chloé et sa mère Yvette sont impatientes de découvrir ce que contiennent les sept paquets qu’elles ont achetés pour 30 £. Elles décident de les ouvrir près de leur voiture. Quatre tee-shirts taille L de belle qualité. Du beau coton à première vue. Chloé exulte : elle vient de découvrir une montre connectée. Jackpot ! La suite sera moins passionnante : une pièce détachée pour un mixeur de cuisine difficile à revendre sur Internet à cause d’une marque inconnue, puis deux orthèses anti-ronflement que la jeune femme prend d’abord pour un dentier. Pas très glamour tout ça.
La mère et la fille semblent satisfaites et repartent avec leur petit butin. «Avec la montre, nous avons largement dépassé la mise initiale», confie Yvette, qui avoue ne jamais jouer.
« Il arrive aussi que les clients tombent sur des articles de luxe : des vêtements mais aussi des sacs à main. Des choses qui peuvent être très chères. »
Un homme vient de payer ce qu’il a pris. Trois paquets, qu’il compte ouvrir à l’apéro le soir, pour rigoler un peu en famille. Une demi-heure plus tard, il revient sur le parking accompagné de sa femme. Elle a craqué et ouvert les paquets lorsque son mari a franchi le seuil de la maison familiale. « Ça valait le coup. Je suis tombé sur des crèmes de beauté et de jolis petits shampoings que je peux offrir en cadeau. Mais aussi un sex toy ! Promis, je le garde celui-là ! » lance-t-elle en éclatant de rire et en se dirigeant vers les étals pour un nouvel achat.
La vente se déroule jusqu’à samedi
« Effectivement, on retrouve des produits étonnants dans les stocks », commente Gwendal Delépine. La discrétion qui entoure les achats effectués sur Internet y est sûrement pour quelque chose. « Il arrive aussi que les clients tombent sur des articles de luxe : des vêtements et aussi des sacs à main. Des choses qui peuvent coûter très cher. » Il arrive que les colis contiennent des articles contrefaits. Dans ce cas, la loi oblige le nouvel acquéreur à les détruire. C’est difficile à vérifier.
D’ici samedi, Mystery Box prévoit d’écouler plus de trois tonnes de marchandises à Locminé. L’entreprise dinannaise n’est pas la seule sur ce créneau. Depuis plusieurs mois, des vendeurs ambulants sont présents sur les marchés. « Certains n’hésitent pas à vendre jusqu’à 30 euros le kilo. Et les paquets sont parfois éventrés », poursuit Gwendal. Par qui ? Vendeur ou client ? « Pour nous, tout paquet ouvert, même légèrement, est déclaré invendable. Comme ça, pas de triche. »