La conférence de presse du procureur de Mont-de-Marsan, Olivier Janson, a suscité de nombreuses critiques, notamment concernant sa durée et ses propos sur la vie privée du chanteur.
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Lors de sa conférence de presse jeudi 25 avril, le procureur de Mont-de-Marsan, Olivier Janson, a apporté de nombreux détails sur la vie privée de Kendji Girac, après sa blessure par balle. Des détails qui ont suscité des critiques, notamment parmi les juristes. « Je n’aurais pas parlé de sa vie privée, ni de sa consommation de cocaïne, car ce n’est pas directement lié aux faits », dit Jacques Dallest. Cet ancien procureur général a notamment traité des dossiers liés au crime organisé ou plus récemment à l’affaire Maëlys.
franceinfo : Que dit la loi sur l’expression publique d’un procureur ?
Jacques Dallest : La loi est très vague. L’article 11 du Code de procédure pénale autorise le procureur à communiquer sur « éléments objectifs » dossier. C’est essentiellement tout ce qu’il peut dire. Il est également là pour corriger les erreurs qui peuvent être commises dans les médias. Et ça a un intérêt. Mais il n’y a pas plus de détails sur la portée de l’expression du procureur. Simplement, il ne doit pas porter de jugement de valeur sur la question.
Après, il y a la pratique qui peut être un peu différente, il peut arriver qu’on donne un sentiment, etc… Mais ce que le public et les médias attendent, c’est l’information la plus objective, la plus sérieuse, la plus fiable. Dans une affaire judiciaire, on dit beaucoup de choses au début, ça part un peu dans tous les sens, il y a des rumeurs, il y a des erreurs : le procureur est là pour redresser la situation et répondre aux attentes.
C’est ce que précise la loi : «ééviter la diffusion d’informations fragmentaires ou inexactes, mettre fin à un trouble à l’ordre public. Pensez-vous que le procureur est resté dans son rôle ?
Premièrement, c’était trop long. Une conférence d’une heure et quart sur une affaire sous prétexte que la victime est une personne connue… Et faire une analyse sur le suicide, c’est hors sujet, je pense. Nous n’avons pas besoin d’en expliquer les raisons à ce stade. Il est là pour parler d’un fait de nature criminelle, éventuellement des circonstances, de ce qu’il connaît, des éléments matériels, de l’expertise en cours, de son analyse des hypothèses. Il explique qu’il n’y a finalement eu aucune intervention de tiers (dans la fusillade). C’est très bien, ça met fin à l’idée qu’on lui a tiré dessus. Je me serais arrêté là. Je n’aurais pas parlé de sa vie privée, ni de sa consommation de cocaïne, car elle n’est pas directement liée aux faits, contrairement à l’affaire Pierre Palmade, où l’usage de stupéfiants peut expliquer l’accident. Une conférence de presse, au début d’une enquête, doit laisser les portes ouvertes, affirmant que l’enquête se poursuit.
Mais l’enquête ne devrait pas aller très loin. Le procureur a estimé que « cette procédure devrait aboutir à un non-lieu ».
L’erreur, c’est qu’il a failli annoncer qu’il va clore le dossier. Juridiquement, c’est sans doute ce qu’il faut faire. S’il s’agit d’une tentative de suicide ou d’un geste personnel, il n’y a pas d’infraction pénale. Mais cela ne sert à rien de l’annoncer. Une autre erreur est lorsqu’il dit qu’il n’y aura aucune poursuite pour possession d’armes à feu. Il s’agit toujours d’une arme de catégorie B avec le plus gros calibre des pistolets automatiques, un Colt 45 de l’armée américaine. Ce n’est pas une arme inoffensive. Si demain, ses collègues du parquet de Mont-de-Marsan veulent poursuivre quelqu’un qui a été trouvé en possession d’une arme à feu et que je suis l’avocat de cette personne, je dirai : « Est-ce que vous clôturez le dossier Kendji Girac pendant que vous poursuivez mon client ? C’est une erreur stratégique.
« Un procureur doit être attentif à l’égalité devant la loi. »
Jacques Dallest, ancien procureur généralsur franceinfo
Que vous vous appeliez Girac ou Delon, si vous avez commis un délit, sauf circonstances très particulières, vous devez répondre, comme tout citoyen. Là, le procureur rend une décision beaucoup trop rapidement. En tant que procureur général, ce que j’étais, je demanderais des poursuites. Le procureur général a le pouvoir légal d’ordonner à l’un de ses procureurs d’engager des poursuites si ce dernier envisage un non-lieu. C’est ce qu’on appelle un recours contre les licenciements, c’est dans la loi.