Marc Ychou dirige l’Institut du cancer de Montpellier depuis 2016. A l’occasion d’Octobre rose, mois de sensibilisation au dépistage, le cancérologue rappelle l’importance de cet examen qui, neuf fois sur dix, sauve des vies.
Marc Ychou, directeur général de l’ICM
Marc Ychou est professeur des universités-praticien hospitalier à la Faculté de médecine de Montpellier-Nîmes et spécialiste en oncologie digestive. Depuis 1991, il est praticien au Centre Val d’Aurelle, où après avoir été Coordonnateur du Service d’Oncologie Médicale et Directeur Scientifique, il a été nommé en 2016, par le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, Directeur Général du ICM.
Nous ne pouvons pas « éviter » le cancer, mais nous pouvons le détecter. Est-ce que le plus tôt est toujours le mieux ?
Oui, on ne le dit jamais assez, mais pris tôt, le cancer du sein est guéri 9 fois sur 10.
Combien de nouveaux cas l’ICM prend-il en charge ?
Environ 1 100 nouveaux cas par an. Il s’agit d’une très légère augmentation du chiffre.
Les profils féminins sont-ils les mêmes ? Les zones rurales sont-elles représentées ?
Il n’y a pas de changement particulier. Les femmes viennent principalement de l’Hérault, mais aussi de l’est de l’Occitanie. Le constat est que le dépistage est plus fréquent dans les zones urbaines et favorisées. Nous n’en faisons pas encore assez dans les quartiers prioritaires de la ville.
Le mode de vie, l’obésité, les pesticides sont responsables d’une augmentation de 20 % des cancers en général. Ne pourrait-on pas imaginer une prévention plus globale que le seul dépistage ?
Il est vrai que de bonnes habitudes de vie préviennent non seulement l’apparition de plus de 40 % des cancers, mais réduisent également considérablement le risque de récidive. La prévention doit progresser. Actuellement, il en existe trois types et nous devons agir dans chacun d’eux. La prévention primaire qui agit sur le changement de comportement pour réduire les facteurs de risque de cancer et donc leur survenue. La prévention secondaire, qui est le dépistage sous forme familiale, et le dépistage organisé, comme le promeut Octobre Rose, de 50 à 74 ans. Tous deux permettent une détection très précoce, en complément des consultations et palpations en amont. Enfin, la prévention tertiaire consiste à tout faire pour éviter les récidives, et aider les patients à se rééduquer, grâce notamment au programme Novasein qui propose un diagnostic personnalisé en prise en charge de soutien, nutritionnelle, esthétique ou sociale.
La campagne 2024 s’intitule Prenez soin de vos seins. Cela sensibilise-t-il à l’auto-examen, qu’il faut faire au moins une fois par mois entre 25 et 50 ans ? Est-ce que cela a sauvé des vies ?
Il n’existe aucune étude à ce sujet. Il y a un avantage à sa pratique, car elle permet de détecter des tumeurs chez des femmes plus jeunes, qui ne sont pas dans la tranche d’âge habituelle ou qui présentent un facteur héréditaire.
Comment s’organise le dépistage dans les fiches familiales ? Peut-on le quantifier ?
Il s’agit de femmes jeunes, avec une équipe spécialisée en oncogénétique qui détermine et oriente, en fonction du risque de mutation du gène BRCA, l’âge de la personne, etc. On ne peut pas le quantifier, mais un taux de mortalité en baisse montre que les cancers sont détectés assez tôt. Le dépistage peut réduire la mortalité de 15 %.
Faut-il s’orienter vers un dépistage plus ciblé, par rapport au dépistage de masse organisé ?
Les études encore en cours cherchent à cibler le dépistage, en prenant en compte les facteurs de risque quel que soit l’âge. Les facteurs qui s’additionnent augmentent le risque de cancer du sein. Il s’agirait donc d’augmenter le taux de positivité du dépistage.
Hérédité, absence de grossesse, puberté précoce par exemple ?
Oui, on peut alors discuter de l’orientation du dépistage, mais cela n’a pas encore été démontré.
Seules 5 % des femmes atteintes d’un cancer du sein sont porteuses d’une prédisposition génétique qu’elles transmettent à leurs filles. Ne prend-on pas le risque d’une information très anxiogène ?
C’est un élément majeur, et c’est la raison pour laquelle nous l’associerons à une consultation psychologique. Ce n’est plus un risque aléatoire, il est très fort et les mesures sont très précises. Cela peut aller jusqu’à la mastectomie prophylactique. C’est un choix qui doit être discuté au cas par cas.
Même si nous l’avons surmonté, l’épreuve du cancer ne s’arrête pas à l’éradication de la tumeur.
C’est un aspect qui est au cœur du projet de l’établissement. Une expérience a commencé sur trois ans avec Novasein, qui est un nouveau traitement destiné aux patients pour prévenir les effets secondaires. Nous répondons à un appel d’offres sur la prévention tertiaire pour élargir cette prise en charge après le traitement curatif de leur tumeur.
Chaque année, l’ICM est classé parmi les meilleurs hôpitaux pour le traitement du cancer du sein. Etes-vous sensible aux classements ?
Non ! Ben oui et non. Les critères ne sont pas toujours pertinents. Nous sommes sensibles aux retours de nos patients, de nos superviseurs et aux certifications de qualité. Toujours! Nous serons en compétition au début de l’année prochaine pour être reconnus comme le plus grand centre européen de lutte contre le cancer.