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Octobre rose. Après 28 chimios, Séverine parle de son cancer du sein « invasif et agressif »

Octobre rose. Après 28 chimios, Séverine parle de son cancer du sein « invasif et agressif »

Comment va-t-elle ? Elle hésite. Un sourire traverse son visage. «  Je ne vais clairement pas bien », répond-elle avant d’ajouter, comme pour rassurer : « Mais je suis aussi fidèle que possible à qui je suis. Je m’aime plus que je ne me suis jamais aimé. »





On retrouve Séverine chez elle, dans sa maison au bord de la Meuse, blottie sur son canapé. La couverture n’est pas loin, la sensation de froid ne disparaît pas. La veille, elle se trouvait encore à l’institut Godinot de Reims, centre de référence pour la lutte contre le cancer. Ses cheveux ont repoussé, lui donnant des boucles. pour la première fois de ma vie « .

En fait, j’y suis toujours

Séverine Magin-Revoy



Séverine Magin-Revoy est officiellement guérie de son cancer. Il a fallu deux ans de lutte, deux ans de doutes, de peurs, de tourbillons, tant physiques qu’émotionnels. «  Mon oncologue m’en a parlé il y a un mois, le 5 septembre. Il m’a dit ‘bravo, c’est fini. Nous nous reverrons dans six mois. C’est une phrase que je n’ai pas pu entendre. Je n’arrivais pas à lire le mot « après le cancer » sur le papier qu’il m’a tendu. » Elle pense. « En fait, j’y suis toujours. » »

Bien sûr, cette foutue maladie a changé sa vie. Un cancer du sein, repéré après « avoir senti mon mamelon se rétracter « , devenir envahissant », agressif « . Un cancer qui s’est propagé au foie et au cou. «  80 % des cancers du sein ne sont pas agressifs. J’étais HER2 positif. Ceci est multiplié par deux toutes les deux semaines en termes de développement. « Vertige.

« Après chaque chimio, je créais une diversion, un moment avec un cadeau. » -JL

Est-il malin de résumer ce combat en chiffres plutôt que de tenter de retranscrire avec des mots un flot d’émotions ? Ils parlent encore des chiffres que Séverine distille au fil de ses confidences. Elle les pèse également. Elle les prend en face, consciente de leur violence. Vingt-huit chimiothérapies. Vingt-huit séances de rayons. Cent deux allers-retours à Godinot pour subir un protocole » qui te guérit mais te détruit davantage « . Treize personnes perdu », est mort de tous types de cancer, au cours de ces vingt-quatre mois. «  C’est beaucoup… »







Ambassadeur d’Octobre Rose dans les Ardennes

Avec Séverine, nous nous sommes demandé quoi dire dans cet article. Montrer le positif ? Célébrer la vie ? Vous parlez du flot de douleur ? Avertir les lecteurs ? Cela a changé en un an. Lorsqu’elle a courageusement témoigné sur la nécessité de se faire dépister. «  J’étais en mode guerrier, je voulais montrer qu’il fallait avancer, montrer aux gens que ça allait », glisse-t-elle en regardant l’article qu’elle gardait. Revoyez-la pour des nouvelles. Pour donner du courage aux malades, pour envoyer des messages. Aussi parce qu’elle est l’ambassadrice d’Octobre Rose cette année.

Séverine a un peu peur de gâcher la fête et elle ne veut pas «  gâcher l’atmosphère « . Mais la quadragénaire ne veut plus afficher un sourire. Elle rejette également ces phrases toutes faites qui lui ont été lancées tout au long de son combat. «  Avec ton sourire, tout ira bien. » « Ce n’est pas le cancer qui va vous attraper. Tu es fort. » Comme une tape sur l’épaule, le sentiment d’avoir fait sa part en mettant de côté les banalités.



Elle ne comprend pas non plus ceux qui s’excusent de ne pas donner de nouvelles en disant «  nous pensions que tu allais être fatigué « . Bien sûr qu’elle l’était. «  Pour les gens, le mot cancer reste un tabou », regrette-t-elle.

Samedi, il y aura des gens sur le chemin, qui souffriront, d’autres qui mourront.

Séverine Magin-Revoy

Oui, Octobre Rose est une fête, un moment de mobilisation pour sensibiliser, mais elle sait que samedi, les larmes couleront. «  Je sais que dans le public, il y aura des gens qui feront le voyage, qui souffriront, d’autres qui mourront. « Oui, le cancer du sein est curable en 2024 » mais c’est quand même sérieux « .



Fan de 2CV, Séverine a reçu cette voiture en cadeau à la fin de ses cures. -JL

La Calcéenne avait d’ailleurs imaginé qu’elle ne survivrait pas jusqu’en 2023. » Ma première réaction quand Émeline (Husson, créatrice de robes de mariée) m’a demandé d’être l’égérie d’Octobre Rose le 4 novembre 2023 et lui a conseillé de lui trouver un remplaçant. Parce qu’il n’y aura peut-être pas de 2024 pour moi. »

Son cœur se serra. Ses mains et ses pieds subiront un traitement à vie. Sa tête secoua. «  Les montagnes émotionnelles », imagine-t-elle. Un combat quotidien. «  L’expression vivre au jour le jour, je sais au fond de moi ce que ça veut dire », insiste-t-elle. Faire face au protocole est difficile. «  Il y a beaucoup d’abandons de traitement mais on n’en parle jamais », regrette-t-elle.

« Il faut écouter les malades »

Séverine parle d’elle. De son « vrai moi « . Accepte qu’elle est «  plus la Séverine d’il y a un an. Les gens me disent que le cancer m’a changé. Je le prends entre mes dents. Eh bien oui, c’est un test de vie. Mais ils ne comprennent pas et je ne peux pas leur en vouloir. »

Séverine parle des autres. Veut faire comprendre et entendre les gens » qu’il faut écouter les malades, car il y a une profonde détresse « . Elle imagine un petit livret pour son entourage sur «  comment se comporter, que dire, que faire « . «  Au début, il y a du monde autour, c’est l’excitation mais ensuite chacun reprend sa vie alors que c’est l’usure du parcours le plus difficile. »

« Si on n’a plus le sourire, on ne se lève plus pour se battre. » -JL

Autour d’elle, un vide s’est créé. Ceux qui étaient proches se sont éloignés. «  C’est maintenant que c’est fini que les gens reviennent », sourit-elle tristement. Elle adorait les petits gestes lors de ces longs moments où la peur et la douleur lui serraient les tripes. Cette baguette et cette bouteille de jus d’orange déposées un matin devant sa porte par un ami. «  C’est un grand geste qui signifie « Je tiens à toi ». » Elle appréciait les photos quotidiennes de fleurs envoyées par son père et sa femme. Elle savourait leurs appels téléphoniques qui commençaient toujours par la même question : « Comment va ton petit corps ? comment va ta tête ? » « Une évasion. » Un déversoir de sentiments. «  Quand je raccrochais, les choses s’amélioraient toujours. Nous avons besoin que les gens reçoivent nos moments de détresse. »

On est seuls face à la maladie, quoi qu’il arrive

Séverine Magin-Revoy

Elle pense accoucher » parrains et marraines », prêt à écouter. «  C’est pas facile d’avoir quelqu’un de malade autour de soi, le traumatisme est làelle est d’accord. Nous sommes seuls face à la maladie, quoi qu’il arrive. »

Séverine Magin-Revoy reconstruit désormais une vie qu’elle sait transformée. «  J’ai la chance que mon image ne reflète pas celle d’une femme malade. Je n’ai pas vieilli même si on m’avait prévenu que 28 chimios équivalaient à un vieillissement physique de 17 ans. »

Elle s’est mise à la moto. Une folie qu’elle entendait autour d’elle. Peu importe. Son permis deux roues redonne » signification » au quotidien. Elle pense peu au long terme. Ou non. «  J’ai du mal à dire que j’ai eu un cancer, au passé. C’est fini et en même temps, il y a tellement de séquelles. Ce ne sera plus jamais pareil. » Elle sourit.

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