Nvidia, Microsoft… pourquoi les valeurs IA inquiètent la Bourse
(Article publié le mercredi 14 août à 8h16, mis à jour à 9h01) L’étoile de la Bourse américaine a-t-elle perdu de son éclat ? Si le cours de l’action Nvidia a rebondi lors de la séance du 13 août (+6,5%), elle a connu un mois de juillet catastrophique avec une chute de 13,9% depuis le 10 juillet.
Retour brutal à la réalité pour le concepteur de puces électroniques qui avait atteint cette année le statut de première capitalisation boursière mondiale, suite à l’envolée de son cours de bourse de 646% depuis janvier 2023. Ce faux pas concerne aussi nombre de grandes valeurs technologiques américaines qui ont pourtant porté la quasi-totalité de la performance de Wall Street au cours du premier semestre. Depuis le 10 juillet également, Amazon perd 14,8%, tandis qu’Alphabet affiche -12,8% et Microsoft -11,2%.
La récession se profile
» Ces actions ont enregistré des performances tellement spectaculaires ces dernières années, en partie grâce à leurs investissements dans l’intelligence artificielle, que les investisseurs profitent d’un moment de doute pour prendre des bénéfices. « , analyse le stratège de la banque Richelieu, Alexandre Hezez. » Il y a une bouffée d’air frais, car plusieurs facteurs inquiétants se produisent en même temps. « , ajoute Emeric Blond, gérant actions chez Tailor AM.
Parmi elles : la crainte d’une récession aux Etats-Unis, ravivée par la publication d’un taux de chômage en hausse en juillet. Un ralentissement de l’activité économique sur plusieurs trimestres menacerait en effet particulièrement les valeurs technologiques.
» Avec des valorisations boursières de 30 fois les bénéfices, alors que le S&P 500 n’en est qu’à 20 en moyenne, les investisseurs ne sont prêts à acheter les actions des « sept magnifiques » qu’en échange de performances bien meilleures que le reste du marché. « , explique Vincent Juvyns, stratège de JP Morgan.
Plus que dans tout autre secteur, la valeur des entreprises technologiques est estimée en fonction de leurs perspectives de bénéfices futurs. Si une entreprise promet une croissance de 20 % et qu’en raison du ralentissement de l’économie et de la consommation, elle n’obtient qu’une augmentation de 15 %, le cours de son action n’est plus justifié. « , explique Louis de Montalembert, président de Pléiade AM.
La fête est-elle finie pour Nvidia ?
Dans un environnement macroéconomique moins favorable, Nvidia pourrait être le premier touché. Et pour cause, son cours de bourse a été dopé par des commandes massives de géants du cloud – Google, Microsoft et Amazon – qui ont besoin de ses processeurs (comme le GPU Blackwell) non seulement pour entraîner les IA, mais aussi pour les faire fonctionner.
« Ces entreprises ont triplé leurs investissements dans les datacenters en 5 ans. Mais les plans d’investissement ont un début, un milieu et une fin. Du côté du marché des puces, les investisseurs se demandent donc combien de temps Nvidia pourra maintenir cette croissance.note Louis de Montalembert.
« Un jour, la fête sera terminée et les géants du cloud réduiront leurs achats de machines. « , prévient-il.
Mais il n’est pas encore temps de tirer la sonnette d’alarme. Lors de la publication des résultats du premier semestre, les géants du cloud ont réaffirmé qu’ils poursuivraient leur rythme d’investissement, qui devrait soutenir la croissance de Nvidia.
Les résultats du deuxième trimestre 2025 (son exercice décalé) du géant des puces électroniques, publiés le 28 août, seront toutefois scrutés de près. Après un chiffre d’affaires de 26,04 milliards de dollars sur les trois premiers mois de l’année, l’entreprise s’est fixé un objectif de 28 milliards de dollars quand le consensus LSEG table sur un chiffre d’affaires de 26,66 milliards de dollars. Gare à une débâcle boursière en cas de déception.
Vers un « moment logiciel » pour l’IA
Les doutes ne se limitent pas aux fournisseurs de puces. Certains analystes mettent également en garde contre les montagnes d’investissements réalisés par les géants du cloud et le fait que les revenus de l’IA pourraient finalement ne pas leur être rentables à moyen ou long terme.
Fin juin, Goldman Sachs a publié un rapport de vingt pages intitulé « L’IA générative : trop de dépenses, trop peu d’avantages ? »dans lequel la banque a estimé que les dépenses « exceptionnellement cher » L’investissement de 1 000 milliards de dollars dans l’IA par les quatre géants américains n’était pas justifié. On estime même que seul un quart des tâches automatisées via l’IA seront rentables dans les dix prochaines années.
Un point de vue qui ne fait cependant pas l’unanimité : « L’éventail des possibilités est énorme et des solutions concrètes et monétisables seront sûrement développées d’ici un an. « , rétorque Emeric Blond.
D’autre part, les recettes collectées pourraient être redistribuées entre les « Valeurs de l’IA « . » Après le moment « hardware » qui a profité à Nvidia, il y aura un moment « software ». Autrement dit, à partir de 2025, si l’économie américaine n’entre pas en récession, les entreprises fournissant des logiciels intégrant cette technologie pourraient à leur tour connaître une période de forte croissance. « , précise le président de Pléiade AM.