(Article publié le mercredi 3 juillet 2024 à 12h45, mis à jour à 14h19) Le constat est sans appel : huit ans. C’est le retard pris par le projet international de réacteur expérimental de fusion nucléaire Iter. Son directeur général, Pietro Barabaschi, a annoncé ce mercredi que la date de la première production de plasma, indispensable à la fusion et initialement prévue pour 2025, était repoussée au moins à 2033. Et il prévoit désormais une échéance de 2036 pour la production « énergie magnétique complète »prévue pour 2033 dans le calendrier initial (qui datait de 2016).
Cinq milliards d’euros de coûts supplémentaires
Ce nouveau retard n’est pas sans conséquences financières. Les retards et les réparations des pièces défectueuses vont engendrer des coûts supplémentaires, actuellement estimés à « cinq milliards » euros, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse pour présenter le nouveau calendrier de ce projet, basé dans le sud-est de la France.
Pour rappel, le coût total déjà engagé pour Iter est estimé entre 20 et 40 milliards d’euros. Une fourchette très large car le montant exact est difficile à quantifier puisque de nombreuses contributions des parties prenantes à ce projet sont en nature, selon la direction.
Lors d’une réunion du conseil d’administration fin juin, les pays membres partenaires – la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, l’Inde, le Japon, l’Union européenne et la Russie – ont convenu de poursuivre le projet selon le nouveau calendrier, a déclaré le directeur. Le conseil d’administration doit encore se prononcer sur la demande de financement supplémentaire, d’un montant de 100 millions d’euros. « cinq milliards d’euros »a-t-il néanmoins précisé. Cette décision pourrait être prise lors d’un prochain conseil municipal prévu en novembre.
Et pour conclure : « Il y a un retard, mais nous pensons que nous faisons ce qu’il faut pour atteindre l’objectif en accordant plus d’attention aux risques et en minimisant le retard total du projet ».
Retards antérieurs
Ce n’est pas le premier retard qu’il subit. « Je dois admettre que le projet est dans une situation très difficile »avait déjà admis, en octobre 2023, Pietro Barabaschi, devant les parlementaires européens.
Le PDG d’Iter avait alors souligné « des retards importants » dans les contrats de construction et dans les livraisons, générant » coûts additionnels « de la « des pertes importantes de compétences internes dans des domaines clés ».
Mais aussi le « perte de confiance significative dans l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) »là « qualité insuffisante de certains composants » et un « Manque de motivation du personnel en raison d’objectifs inatteignables »… Tout en restant néanmoins optimiste : » On peut le faire « , il avait assuré.
Le nucléaire du futur
Concrètement, la fusion nucléaire ne consiste pas à briser des noyaux d’uranium lourds pour libérer de l’énergie – comme c’est le cas pour la fission nucléaire, qui est à la base de toutes les centrales électriques en fonctionnement dans le monde. Elle vise à fusionner deux noyaux d’hydrogène extrêmement légers pour créer un élément plus lourd.
Cette réaction devrait alors générer d’énormes quantités d’énergie sous forme de chaleur. Cette dernière pourra ensuite être transformée en électricité grâce à une turbine.
Pour y parvenir, l’une des technologies utilisées est le confinement magnétique, qui consiste à chauffer un plasma à 150 millions de degrés, et à le confiner à l’aide d’aimants extrêmement puissants, capables de rapprocher les particules et de les faire circuler, selon une trajectoire très précise. Une avancée très prometteuse, car elle permettrait de produire une électricité illimitée, décarbonée, sûre, et produirait très peu de déchets radioactifs à vie longue.
Lutter contre le changement climatique grâce à la fusion nucléaire ?
Le G7, dont la plupart des pays font partie d’Iter, avait également réaffirmé, lors de son dernier sommet mi-juin en Italie, l’importance de la fusion dans la lutte contre le changement climatique.
Le groupe de pays a également encouragé « collaboration internationale pour accélérer le développement et la démonstration de centrales à fusion afin de favoriser l’investissement privé et la participation publique « .
Une déclaration que le directeur général d’Iter a dit saluer. Il faut rendre au secteur privé ce que nous avons pu réaliser avec les fonds publics. « Nous sommes très impatients de voir le jour », a expliqué mercredi à l’AFP Pietro Barabaschi. Et il a souligné avoir récemment organisé un groupe de travail avec des acteurs du secteur privé, saluant l’arrivée de nouveaux investisseurs.
Cependant, » Nous ne devrions pas compter sur la fusion nucléaire pour résoudre les problèmes » climatique. « Il est important de trouver des sources d’énergie alternatives et, à un moment donné, la fusion jouera un rôle important. Mais ce retard ne va pas dans la bonne direction. « .
(Avec AFP)