Gérard Raymond représente des patients et des utilisateurs en France. Président national depuis 2019 de France Assos Santé, syndicat qui regroupe des centaines d’associations de défense des patients, dans toutes les régions. Gérard Raymond est un homme sans ironie, lui-même diabétique, il est mandaté depuis des années pour défendre les intérêts des usagers au sein des instances nationales. Alors évidemment, les annonces concernant le budget de l’Assurance Maladie, les mesures d’économies en santé envisagées par le gouvernement, posent de sérieuses questions. On sait déjà que l’Assurance maladie ne remboursera que 60 % du prix, contre 70 % actuellement, les mutuelles paieront le reste, et donc, selon le principe des vases communicants, augmenteront leurs tarifs. A l’image de leur président, Gérard Raymond, les associations d’usagers s’insurgent.
Quelle a été votre réaction à l’annonce, jeudi soir, du nouveau budget de la Sécurité sociale ?
C’est l’inquiétude, une grosse inquiétude qui domine. Nous étudions attentivement toutes les mesures annoncées pour avoir une position la plus claire possible. Mais d’ores et déjà, on peut dire que tout ce qui entraînerait des « coûts restants » pour le patient, c’est-à-dire une réduction du remboursement des ordonnances et des médicaments, nous sommes contre. Ces mesures ne sont pas adaptées pour combler les déficits de la sécurité sociale ou promouvoir l’efficacité des soins.
Comment analysez-vous ces choix gouvernementaux ?
Ils ont choisi de rejeter la faute sur les patients. Leur reprocher une soi-disant surconsommation de santé, sauf que cela ne correspond pas aux enjeux de maintenir la santé publique : trouver de l’argent en ciblant les patients, c’est non. Augmenter les franchises des mutuelles, augmenter les tarifs des usagers, le prix des consultations, le prix des médicaments, etc.
« On peut s’attendre à des décrets qui pourraient encore nous surprendre dans le mauvais sens »
Arrêt maladie : on serre la vis
Le gouvernement a également ciblé les règles d’indemnisation des arrêts maladie afin de prendre en compte les économies de santé. En un an, le nombre d’arrêts maladie a augmenté de 8,5 %, ce qui représente 16 milliards d’euros pour l’Assurance maladie. Plusieurs causes sont à l’origine de cette hausse, parmi lesquelles l’augmentation du SMIC qui génère des indemnités « maladie » plus élevées, et le vieillissement de la population avec des départs à la retraite tardifs… Le gouvernement envisage d’abaisser le plafond d’indemnisation. l’indemnité journalière de maladie qui devrait passer de 1,8 à 1,4 SMIC pour les indemnités versées par l’Assurance Maladie. Toujours selon le principe des vases communicants, l’exécutif attend des employeurs qu’ils mettent la main à la poche pour augmenter leur cotisation. Un vœu pieux. Une autre piste a été initiée : étendre le délai de carence de trois à sept jours pour les salariés du privé, ce qui représente un milliard d’économies pour les comptes publics.
« Ceux qui ont les moyens de payer leur mutuelle seront soignés, les autres attendront »
Quelles pourraient être les conséquences de la mise en œuvre de ces décisions gouvernementales, sur le système de santé ?
Catastrophique. Nous allons vers une discrimination à l’encontre de la population qui a le plus besoin de soins, qui est, il est vrai, celle qui consomme le plus de soins. Il y aura des refus de soins, des pertes d’opportunités, des maladies qui ne seront pas soignées, qui deviendront plus graves, des gens qui se retrouveront à l’hôpital, et là, cela coûtera beaucoup plus cher.
Pensez-vous vraiment que notre système de santé français est encore tenable ?
On ne regarde que l’aspect économique des choses, en oubliant complètement les valeurs de solidarité de notre système de santé, tel qu’il a été construit. Nous détruisons, démantelons, point par point, notre système de santé. Et on commencera par aggraver les inégalités sociales : ceux qui ont les moyens de payer leur mutuelle seront soignés, les autres attendront.
Cependant, Geneviève Darrieussecq, ministre de la Santé, ne cesse de répéter que les plus fragiles, ceux qui sont en ALD (maladie de longue durée) ou en C2S (santé complémentaire solidaire) seront toujours protégés. Qu’en penses-tu?
Cela fait vingt ans que j’entends ce discours, mais nous restons très vigilants. On peut s’attendre à des amendements à l’Assemblée nationale, à des décrets qui pourraient encore nous surprendre dans le mauvais sens. Aujourd’hui, il n’y a aucune réponse aux difficultés d’accès aux soins, ce budget est très en deçà des attentes, il mine encore davantage les fondements de notre système de santé.