« Nous ne comprenons pas vraiment le projet politique » : la recherche d'un nouveau Premier ministre fascine les observateurs en Allemagne
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« Nous ne comprenons pas vraiment le projet politique » : la recherche d’un nouveau Premier ministre fascine les observateurs en Allemagne

Alors que la France attend depuis de longues semaines la nomination d’un Premier ministre, les Allemands, habitués aux coalitions, observent ces tractations politiques avec curiosité.

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Emmanuel Macron lors de l'inauguration de la Maison de l'Élysée, le 24 juillet 2024. (STEPHANIE LECOCQ/POOL)

Les jours se suivent et se ressemblent. Aucun nouveau Premier ministre n’a été nommé, et les rumeurs continuent d’évoquer une annonce imminente. Après 51 jours d’attente, Emmanuel Macron continue de « réfléchir » à cette situation d’absence de majorité au sein de la classe politique. Et même pour des pays habitués aux gouvernements de coalition et de cohabitation, comme l’Allemagne, ce moment politique laisse perplexe, comme l’explique Brigitte Holzer, correspondante à Paris d’une dizaine de quotidiens régionaux allemands.

franceinfo : Comment observez-vous cette situation en Allemagne ? ?

Brigitte Holzer :En Allemagne, on connaît désormais Emmanuel Macron, on sait que c’est un président qui veut vraiment rester au centre du jeu. Vu d’Allemagne, il n’est pas rare que la formation d’un nouveau gouvernement prenne du temps. On l’a vu dans notre pays à plusieurs reprises. Mais en Allemagne, Les partis se parlent, il y a des négociations, il y a des négociations très concrètes. Alors qu’en France, on voit un président qui essaie de tirer les ficelles pour se trouver une majorité, mais on ne comprend pas vraiment le projet politique qui se cache derrière tout ça.

Comment analysez-vous cette paralysie politique ? ? Un problème de culture politique, dû à un manque de culture du compromis et de la coalition, ou un problème de personnalité, avec une paralysie qui serait de la seule faute du chef de l’État ?

Un peu des deux. Il n’y a pas encore une grande habitude de travailler ensemble dans des coalitions. Les systèmes sont profondément différents. En Allemagne, les partis sont obligés de travailler ensemble, sinon il n’y a pas de majorité. En France, pendant très longtemps, il y avait le parti, souvent le parti présidentiel, qui avait la majorité, souvent absolue. C’était très simple pour le président de gouverner avec son propre Parlement. Aujourd’hui, cela a changé et cela risque de changer pour longtemps, car les partis peuvent difficilement avoir une telle majorité aujourd’hui. Cette situation est assez récente et nous ne sommes même pas à trois ans de nouvelles élections présidentielles, et cela joue aussi un rôle important.

« Ils vont être obligés de travailler ensemble, de dépasser un peu leurs propres barrières. C’est une culture qui s’apprend. »

Brigitte Holzer, correspondante à Paris

à franceinfo

Mais pour revenir à l’Allemagne, on voit aussi qu’être dans une coalition à plusieurs est compliqué. Ce n’est pas forcément quelque chose dont les électeurs vous remercient, car cela nécessite effectivement des compromis difficiles à avaler, parfois au niveau européen.

Cela remet-il parfois en question les coalitions ou les compromis en Allemagne ? ?

Oui, effectivement, en ce moment, la coalition actuelle entre les sociaux-démocrates, les Verts et les libéraux est vraiment remise en cause. On vient d’avoir deux élections régionales dans les Länder allemands, où les partis de cette coalition ont subi des revers importants et c’est forcément lié. Pour les partis, c’est un risque certain de gouverner. L’alternative est de rester dans l’opposition et de ne pas gouverner du tout. Mais ce qui est important, c’est d’expliquer aux électeurs les choix qui sont faits. Et ce n’est pas toujours le cas. Car comme en France, en Allemagne, c’est parfois de la politique politicienne. Les partis qu’on amène à être partenaires sont parfois ennemis et mettent leurs différends sur le devant de la scène.

La place de l’extrême droite en France vous préoccupe, alors qu’en Allemagne, elle vient de faire une percée ?

Oui, l’AfD est arrivée première dans un des Länder, et deuxième dans un autre. Il est compliqué de trouver et de maintenir une coalition qui puisse fonctionner car l’AfD est un parti extrême, observé par les autorités. Il est difficile pour ce parti de trouver des partenaires. Normalement, ce ne sera pas l’AfD qui gouvernera, mais effectivement, elle pèse énormément sur les autres partis et sur leurs négociations.

C’est l’étonnement qui règne parmi vous et parmi les observateurs de la vie politique en France. ?

Oui, déjà, on n’a pas compris les raisons de la dissolution, même si on a essayé de l’expliquer avec les arguments de l’Élysée. On n’a vraiment pas compris pourquoi à ce moment-là, pourquoi un pays comme la France, qui est vu comme un pays très stable, qui a eu des gouvernements stables depuis des années, se met dans cette situation et dans ce blocage. Et on est un peu dans la même attente, même si les yeux restent très fixés sur le président Macron parce qu’il prend beaucoup de décisions, notamment au niveau international, européen. Mais bien sûr, on se demande avec quel gouvernement on va travailler à l’avenir.

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