nous avons vérifié les arguments pour et contre
Une décision qui ne fait pas consensus. A partir de mardi 1er octobre, la mairie de Paris va abaisser la vitesse maximale sur le périphérique parisien de 70 à 50 km/h, trois ans après avoir limité la vitesse à 30 km/h dans Paris intra-muros. Lors de la campagne des élections municipales de 2020, Anne Hidalgo et son colistier David Belliard (Les Ecologistes-EELV) avaient promis de transformer le périphérique en « un boulevard urbain paisible » limité à 50 km/h.
Cette voie municipale de 35 km, gérée par la ville de Paris, véhicule près de 1,2 million de déplacements par jour, selon une étude des cabinets de conseil Kisio et Roland Berger. Depuis l’annonce de la mesure, les critiques vont bon train. L’ancien ministre des Transports Clément Beaune avait indiqué fin 2023 qu’il ne la validerait pas. « Je pense que ce n’est pas une bonne idée à court terme »il avait avancé. De son côté, la région Ile-de-France a fait part de sa volonté de déposer mercredi une motion, pour « proposer à la mairie d’abandonner ce projet ». Franceinfo a étudié les arguments pour et contre cette mesure.
« Cela touchera surtout les non-Parisiens » : vrai
La mairie de Paris est accusée d’avoir pris une décision unilatérale, pénalisant les usagers non parisiens. Le vice-président LR de la région Ile-de-France Othman Nasrou a rappelé sur franceinfo que « 80% des usagers du périphérique sont des personnes qui n’habitent pas Paris ». Cette mesure « pénalisera une nouvelle fois la France de l’autre côté du périphérique, qui ne peut se passer de son véhicule pour ses déplacements quotidiens« , s’est indigné dans un communiqué Philippe Nozière, président de l’association 40 millions d’automobilistes (PDF).
Selon une enquête régionale sur la mobilité des Parisiens de l’Institut de Région de Paris, publiée en avril, « 80 % des usagers du périphérique habitent hors de Paris » : un chiffre qui donne raison à Othman Nasrou. L’étude révèle également que 59% des déplacements se font entre Paris et la banlieue, et que 35% se font de banlieue à banlieue. Seuls 6% se font dans Paris intra-muros.
« Cela réduira le bruit » : plutôt vrai
C’est l’un des principaux arguments de la mairie de Paris. Anne Hidalgo l’a évoqué samedi 31 août à Ouest de la France un « mesure de santé publique pour les 500 000 personnes qui vivent à proximité du périphérique »S’adressant à franceinfo, David Belliard, adjoint à la maire de Paris en charge de la transformation des espaces publics, des transports, de la mobilité, du code de la route et des routes, a mis en avant les résultats d’une étude canadienne publiée dans La Lancetteselon laquelle vivre à proximité de grands axes routiers augmente le risque de démence, la pollution et le bruit étant des facteurs possibles.
« Abaisser la vitesse maximale représente un gain en termes de réduction des nuisances sonores (…) C’est particulièrement vrai la nuit, car en journée, la vitesse moyenne est inférieure à 50 km/h »note l’élu écologiste. Selon Bruitparif (PDF), observatoire du bruit en Ile-de-France, l’abaissement de la vitesse maximale du périphérique de 80 km/h à 70 km/h en 2014 a entraîné une baisse du bruit de 1,2 décibel la nuit et de 0,5 décibel le jour pour les riverains. Un gain qui équivaut à une réduction du volume de trafic de respectivement 25 % et 10 %, selon l’observatoire.
Or, selon une étude de l’Ademe (Agence de la transition écologique) de 2014 (PDF), mesurant l’impact des limitations de vitesse sur la qualité de l’air, le climat, l’énergie et le bruit, il est indiqué que « La limitation de la vitesse n’entraîne pas toujours une réduction des niveaux de bruit. » L’agence a mesuré les effets de la réduction de la vitesse sur plusieurs types de routes, tant express qu’urbaines. « Toutes les études concluent à une réduction généralement faible des émissions sonores avec la vitesse »avec une réduction comprise entre 1 et 1,5 décibels en moyenne pour des réductions de vitesse entre 50 et 90 km/h.
L’étude souligne que pour les faibles vitesses de circulation, d’autres facteurs peuvent générer du bruit : « développement, revêtements routiers, débit élevé et nature du trafic »En d’autres termes, si la réduction de la vitesse maximale conduit à une diminution des embouteillages, couplée à de bons équipements, la pollution sonore diminuera bel et bien. « Le revêtement (surface de la route) Les voies de circulation du périphérique n’ont pas été refaites depuis des années, même si de nouveaux matériaux permettent de réduire les nuisances sonores. Quant aux projets (proposé par les Républicains) de la couverture du boulevard, la ville n’a jamais donné suite », a également taclé Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, le 3 septembre dans Le Parisien.
« Il n’y a pas eu d’étude d’impact » : vrai
Dans son communiqué, l’association 40 millions d’automobilistes insiste sur « l’absence d’études sur le transfert de trafic et l’impact sur le trafic ». Un argument également repris par les Républicains, Othman Nasrou dénonçant sur franceinfo une décision prise « seul contre tous », « sans étude d’impact ni concertation ». Pierre Chasserey, porte-parole de 40 millions d’automobilistes, interrogé par franceinfo, affirme également « très intéressé par une étude d’impact sur le déplacement du trafic » que cette mesure entraînerait.
En effet, la mairie de Paris n’a pas mené d’étude d’impact en amont de sa mesure. Pourtant, elle n’est pas tenue de le faire.. Par ailleurs, légalement, la municipalité peut décider seule de la vitesse maximale autorisée sur le périphérique, mais elle devra encore compter sur le soutien de l’Etat, qui gère les radars automatiques. Valérie Pécresse avait proposé en 2021 que la région reprenne la gestion du périphérique, s’attirant les foudres de la ville de Paris.
« Cela va encombrer le trafic » : à nuancer
Dans Le ParisienValérie Pécresse anticipe déjà un scénario catastrophe. « Les voitures resteront bloquées sur le boulevard (périphérique) et j’irai prendre les petites rues autour »elle croit. « Quand on abaisse la vitesse maximale, on réduit les effets d’accordéon, c’est-à-dire les accélérations et les décélérations. De facto, on améliore la fluidité du trafic »rétorque David Belliard. En 2015, la mairie de Paris et la préfecture de police avaient dressé un bilan positif du périphérique parisien à 70 km/h, avec une « amélioration des vitesses moyennes de circulation » de 18 % aux heures de pointe le matin et de 12 % le soir.
« La vitesse rendue plus régulière (…) facilite l’insertion des véhicules sur le périphérique », expliquent la municipalité et la police parisiennes. Un gain a également été constaté sur la durée des trajets. L’étude de l’Ademe de 2014 va dans le même sens : « Le passage de 80 à 70 km/h sur une route encombrée améliore généralement la fluidité du trafic ». Mais quid d’un passage de 70 km/h à 50 km/h ? Cette configuration n’est pas étudiée par l’Agence de la transition écologique.
« Cela va réduire la pollution » : à nuancer
Rouler moins vite, c’est moins polluer ? Dans son Plan Climat 2026-2030, la ville de Paris anticipe « une réduction de la pollution de l’air » grâce à sa mesure. »Il est généralement considéré que la réduction de la vitesse réduit la consommation de carburant et les émissions polluantes unitaires », confirme l’Ademe dans son étude, tout en évoquant néanmoins une relation « complexe » entre vitesse et pollution de l’air. « C’est le trafic routier qui est responsable de l’excès de pollution. Mais le facteur principal n’est pas la vitesse », explique à franceinfo Pierre Pernot, ingénieur chez Airparif, organisme qui mesure la qualité de l’air en France.
« Pour agir sur ce trafic, les facteurs d’influence les plus forts sont le nombre de véhicules qui passent, le type de véhicules et la présence de congestion »il explique. « La seule réduction de la limite à 50 km/h au lieu de 70 aura un impact très limité sur la pollution de l’air »sauf pour les véhicules les plus anciens, précise Catherine Léger, directrice d’Airparif auprès Ouest de la FranceA Paris, aucune étude n’a évalué l’impact sur la qualité de l’air du passage à 70 km/h sur le périphérique parisien.
« Au-dessus de 70 km/h, les réductions de vitesse ont un effet plutôt positif sur les émissions de particules et d’oxydes d’azote. En dessous de 70 km/h, cet effet est plutôt négatif.« , note même l’étude 2014 de l’Ademe. Sur voirie urbaine (50 km/h à 30 km/h), l’Ademe constate des évolutions contrastées, allant de « -40% à +30% pour les concentrations de NO2 (dioxyde d’azote)de -45% à +100% pour les concentrations de benzène ». Encore une fois, tout dépend du trafic.
En 2015, la mairie de Rennes et la préfecture ont expérimenté une réduction de vitesse de 20 km/h sur différentes parties du périphérique rennais. Le bilan est lui aussi mitigé : alors que la métropole observe une « Forte baisse de la pollution« Grâce à la réduction de 110 à 90 km/h sur les périphériques Est et Nord, ce n’est pas le cas avec la réduction de 90 à 70 km/h sur les périphériques Sud et Ouest », rapporte La dépêcheIl a donc été décidé d’harmoniser l’ensemble du périphérique à 90 km/h.
« Cela réduira le nombre d’accidents » : plutôt vrai
David Belliard a évoqué sur franceinfo une volonté d’améliorer la « sécurité routière » grâce à leur mesure. « Nous voulons considérer le périphérique comme un itinéraire classique »Avec le périphérique à 70 km/h, le nombre d’accidents a diminué de 15,5% (627 contre 742) en 2014 par rapport à 2013, selon le bilan de la mairie de Paris et de la préfecture de police. Mais les bilans plus récents semblent plus contrastés, selon les chiffres obtenus par le site spécialisé Caradisiac : entre 2013 et 2018, le nombre d’accidents n’a diminué que de 7,82% (684 contre 742) et le nombre de morts est resté le même (4).
« En cas d’accident, le taux de mortalité est d’autant plus élevé que la vitesse est élevée et que la circulation est dense. « moins protégés »rappelle toutefois le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) dans une note de 2006 (PDF). « Si nous attribuons la valeur 1 à un choc à 50 km/h, il sera 2 à 70 km/h »précise la note. Autrement dit, en passant de 70 km/h à 50 km/h, la violence de l’impact sera divisée par deux.
Le Cerema cite l’exemple de deux pays où l’abaissement de la limite de vitesse de 60 à 50 km/h en agglomération a eu un impact positif : la Suisse et le Danemark, qui ont réduit le nombre d’accidents de 9 % respectivement en 1982 et 1985. « Une baisse de 1 % de la vitesse moyenne réduit mécaniquement le taux d’accidents mortels de 4 %« , selon le site de la Sécurité routière. Selon celui-ci, la vitesse est la première cause de mortalité routière en France, étant responsable de 31% des accidents.
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