Nous avons lu « Houris » de Kamel Daoud, une réécriture brillante des Mille et Une Nuits
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Nous avons lu « Houris » de Kamel Daoud, une réécriture brillante des Mille et Une Nuits

Nous avons lu « Houris » de Kamel Daoud, une réécriture brillante des Mille et Une Nuits

Marceline Bodier, blogueuse et collaboratrice du groupe de lecture 20 Minutes Livres, recommande « Houris » de Kamel Daoud, paru le 15 août 2024 aux Éditions Gallimard.

Sa citation préférée :

 » Alors je te demande pardon cette fois-ci. Non pas de ne pas être mort avec toi, mais de ne pas avoir vécu. »

Pourquoi ce livre ?

  • Parce que c’est une réécriture brillante des Mille et Une Nuits : Aube a été laissée pour morte à l’âge de 5 ans par des terroristes qui l’ont égorgée avec sa sœur et 999 autres personnes. Elle en garde une terrible cicatrice et une trachéotomie qui la rend muette. A 26 ans, elle tient le salon Shéhérazade à Oran (celle dont on ne coupera jamais la tête) et porte un embryon, sa « houri ». Pour savoir si sa houri peut être sauvée, elle lui raconte 1001 histoires… la sienne et celles de ceux qu’elle croise au cours des jours qui scelleront cette chronique d’un destin annoncé.
  • Parce que c’est aussi l’histoire d’Aïssa. Il a eu 25 ans en 1992. Lui aussi a survécu à la décennie noire, mais par la volonté de son bourreau, qui voulait faire de lui un témoin et un messager. Non pas pour la mémoire, bien sûr, mais pour étendre son pouvoir en augmentant la terreur : « Il faut que les gens sachent qui je suis, ce que je veux et ce que je fais au nom d’Allah. Car nous vaincrons par la terreur et la Vérité. » C’est l’épreuve inverse de celle d’Aube : il a la parole, mais pas la preuve, là où Aube a la preuve, mais pas la parole. A eux deux, pourraient-ils avoir un début de solution ?
  • Parce que l’Aurore est la Némésis qui doit réveiller l’Algérie, et Houris est le livre dont Aïssa rêve mais ne peut aboutir, un monument érigé aux victimes « et aux rescapés de la guerre civile des années 1990 ». Un livre qui répare la gifle des lois d’amnistie qui ont permis aux bourreaux de vivre impunément au milieu de leurs victimes et de passer leurs femmes sous silence, les reléguant dans la même nuit que les 200 000 victimes. « Dieu a fait de toi un murmure pour que nous nous taisions tous quand tu parleras », dit Aïssa à Aube. Alors taisons-nous. Et lisons.

L’essentiel en 2 minutes

L’intrigue. Je ne reviendrai pas sur l’intrigue atroce. Mais je soulignerai qu’Houris est un livre magnifiquement écrit, avec un flair littéraire digne d’un Dumas ou d’un Hugo. Grâce à cela, je n’ai pas regretté une seule seconde d’avoir entrepris la lecture du roman, qui est pourtant le plus éprouvant que j’aie jamais lu.

Les personnages. L’bia est née en 1995, puis le 1er janvier 2000 sous le nom d’Aube. En perdant sa sœur Taïmoucha, son double, toute vitalité l’a quittée et une atroce culpabilité de survivante s’est emparée d’elle. Mais d’autres doubles partagent cette culpabilité… et ce partage peut faire toute la différence.

Les lieux. Aube vit à Oran, où elle tient un salon, Shéhérazade, en face d’une mosquée qui expose un cercueil à son entrée. Elle part pour « le lieu des morts », Had Chekala. Tout cela pour « marcher dans la nuit noire du village, braver la peur et la faiblesse et la terreur de retrouver (sa) sœur et ses os »…

L’époque. Le livre couvre trois décennies : la décennie noire des années 1990, celle des réconciliations hypocrites des années 2000, puis celle qui s’achève avec la grossesse précoce d’Aube. Mais il se déroule aussi sur trois jours de juin 2018, déterminants pour savoir si Aube restera du côté de la mort.

L’auteur. Après Meursault, contre-enquêteun grand livre qui a donné un nom à « l’arabe » face au colonisateur, voici HourisUn grand livre qui donne un nom à 200 000 victimes de la « décennie noire ». Kamel Daoud est l’auteur qui donne un nom à tous ceux qui ont été effacés de l’histoire de l’Algérie. Tous, sans avoir choisi.

Ce livre a été lu avec La terreur. Mais comme tous les grands livres, Houris est porteur d’un message universel, sur notre place dans un monde hostile et notre désir de vivre contre l’indicible. Oubliez la politique et la religion : Houris c’est aussi un hymne à la vie, celle qui s’épanouit malgré l’horreur.

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