Nous venons d’apprendre que Clément Champoussin, Vincenzo Albanese et Maëva Squiban, qui étaient encore sous contrat, vont quitter votre équipe. Que se passe-t-il chez Arkéa-B&B Hôtels ?
Pour le moment, je ne peux rien leur garantir au-delà du 31 décembre 2025 (date de fin de l’engagement d’Arkéa et de B&B Hotels). Tant qu’ils ont une clause dans leur contrat, ils ont la possibilité de s’engager ailleurs. Et comme ils étaient très demandés… Je me mets à leur place, il faut qu’ils pensent à l’après 2025. Malheureusement, je ne peux pas leur proposer ça, je dois m’adapter à la situation. Faire face.
Les départs simultanés de ces coureurs interpellent…
Le budget 2025 de notre équipe sera identique à celui de 2024. Je dois simplement être rationnel, pour parvenir à un management à la papa, si je peux m’exprimer ainsi. Comme je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, je ne peux pas me permettre de prendre des risques, je dois faire des réductions de coûts comme toute entreprise, et cela implique de réduire la masse salariale. Ce n’est pas plus compliqué que ça. Je n’ai pas le droit de dépenser ce que je n’aurai pas en 2026.
Êtes-vous inquiet pour l’avenir de votre équipe ?
Il existe depuis 20 ans, il vient sans doute de réaliser sa meilleure saison depuis sa création avec la victoire d’étape de Kevin Vauquelin sur le Tour de France, sa deuxième place sur la Flèche Wallonne ou encore la deuxième place de Luca Mozzato sur le Tour de Flandre. Elle fait partie de l’élite mondiale, elle représente la Bretagne, ce qui n’est pas rien. Notre équipe féminine (lancé en 2020) a également réalisé sa meilleure saison avec Maëva Squiban, 2ème d’étape du Tour de France, et les promesses de notre Autrichienne Valentina Cavallar qui a le potentiel pour remporter un jour le Tour. Sportivement, nous ne manquons pas d’arguments, nous avons répondu présent en 2024 mais nous n’avons aucune visibilité sur l’avenir de nos trois équipes (avec Conti). Pour le moment, nos équipes sont menacées de disparition, c’est un fait. Je n’ai pas dit qu’Arkéa et B&B Hotels ne prolongeraient pas, j’ai toujours confiance en eux, mais actuellement, je n’en suis pas sûr. Avec un an et deux mois de vie, comment construire un projet ? Je ne peux pas recruter, je ne peux pas rassurer.
Quand espérez-vous obtenir des réponses de leur part ?
Le plus rapidement possible, évidemment. Pour l’instant, c’est le statu quo. Mais comme la France ne va pas très bien, le climat est très anxiogène, la situation est compliquée. Actuellement, je ne peux pas dire que les voyants soient au vert. Alors oui, j’ai besoin d’être rassuré. Derrière moi, il y a 150 salariés, il y a une très belle PME bretonne.
Quand on voit l’engouement qu’il y avait autour de ce sport pendant les JO, quand on voit les émotions que procure le cyclisme, je ne comprendrais pas que ça s’arrête. Un coureur comme Ewen Costiou, vous savez, j’ai envie de le prolonger jusqu’en 2028 !
Parlez-vous à d’autres partenaires potentiels ?
Bien sûr. Je n’attends pas que ça vienne à moi. Nous devons et nous surmonterons cette épreuve. Mais il faut que les gens nous donnent un coup de main. Aujourd’hui, c’est 50-50 pour 2026. Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas quand il y aura un incendie le 1er janvier 2026 qu’il faudra crier… C’est maintenant qu’il faut y aller.
Le cyclisme ne va pas bien en ce moment…
Dans le WorldTour, il n’y a que quatre ou cinq équipes qui vivent confortablement. Une dizaine vivent en moyenne et les autres, comme les équipes de deuxième division, tirent le Diable par la queue. Si on ne dispose pas d’un budget de 25 à 30 millions d’euros, il est impossible de se battre. Le cyclisme amateur français, on le sait, ne va pas bien mais le cyclisme professionnel ne va pas bien non plus. Dans un an ou deux, la situation pourrait vraiment empirer. C’est simple : quand j’offre un euro à un coureur, une équipe étrangère lui en offre trois. Face à nous, nous nous retrouvons avec des équipes qui emploient des travailleurs indépendants, nous ne pouvons pas rivaliser. Nous ne sommes pas plus bêtes que les autres mais nous n’avons pas les mêmes règles que nos concurrents. Et malgré cela, nous avons fait une belle saison.