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« Nos enfants meurent et Bibi sourit »

« C’est peut-être différent ici. » Élections maintenant ! » Le slogan est étalé sur un tissu arc-en-ciel avec Tamar et Omer Berman tenant les extrémités. Ces deux quadragénaires ne savent pas par où commencer pour décrire leur colère envers le gouvernement de Benjamin Netanyahu : « Ils ne servent que leurs intérêts. Ils n’aiment pas leur peuple. Plus personne ne leur fait confiance, ils ne peuvent pas rester là ! »s’insurge Tamar, psychologue, avant de poursuivre en chœur avec les manifestants : « Non à la dictature ! » Non au fascisme ! »

Comme elle, des milliers de personnes ont répondu, lundi 17 janvier, à l’appel à manifester devant la Knesset à Jérusalem, lancé par trois organisations antigouvernementales pour le deuxième jour d’une « semaine de résistance ». Alors que la guerre s’enlise, l’Israël libéral perd patience envers Benjamin Netanyahu. Forts de neuf mois de lutte contre la réforme de la justice en 2023, les organisateurs ont promis des actions et des blocus à travers le pays pour convaincre les Israéliens de rejoindre leur cause : l’appel à des élections anticipées.

« Bibi, le plus grand danger d’Israël »

A Jérusalem, c’est la convergence des luttes. Ou de la colère. La myriade de T-shirts floqués du nom de causes ou de groupes illustre la variété des positions sur l’éventail d’une gauche durcie avec la guerre. Tout le monde a de bonnes raisons d’exiger le départ de Benjamin Netanyahu.

« Nous avons besoin d’un accord maintenant, c’est la seule solution pour récupérer les otages à Gaza, mais ce gouvernement n’en veut pas »lance Mirit, t-shirt noir « Ramenez-les à la maison ». « Sous leur direction, Israël s’est perdu, a perdu ses valeurs. Bibi est un menteur, il représente le plus grand danger pour Israël »croit Moti, vêtu d’un polo kaki  » Frères d’armes « évoquant ces anciens réservistes en première ligne des manifestations contre la réforme de la justice.

Dans un pays qui ne connaît pas la guerre à Gaza, les Palestiniens et les Gazaouis sont largement absents des slogans. Seul un petit groupe anti-occupation scande un ton imprudent : « Du fleuve à la mer, liberté et égalité ! » » (« Du Jourdain à la Méditerranée, liberté et égalité », NDLR.)

« Ils vont finir par craquer »

Cette « semaine de résistance » s’est décidée après une séquence tumultueuse : démission de Benny Gantz du cabinet de guerre, dont il était le garant centriste ; votez d’abord sur un projet de loi visant à exempter les ultra-orthodoxes du service militaire ; escalade des tensions avec le Hezbollah ; mort de dix soldats à Gaza…

Dans la foule, nous voyons ces pertes humaines comme de vains sacrifices. « Nos enfants meurent. Bibi sourit »dénoncent deux panneaux, en référence à cette photo d’un Netanyahou souriant prise après le vote, le 14 juin, de la loi exemptant les ultra-orthodoxes du service militaire. « Les Israéliens sont en train de mourir. Des soldats sont tués chaque jour, les habitants du Nord voient chaque jour de nouvelles maisons détruites. Mais pourquoi ?demande Tamar Berman. Ce pays est gouverné par des gens qui veulent juste mettre le feu à la maison. Cela ne garantit pas notre sécurité. Cela nous tue. »

En fin de soirée, le cortège s’est dirigé vers la maison du Premier ministre, située rue Gaza, dans un quartier aisé de Jérusalem-Ouest, où canons à eau et violences policières ont accueilli la vague de colère. « Quand le pouvoir se sent menacé, il opprime » sourit Uri, un trentenaire habitant du quartier qui ne manque aucune manifestation hebdomadaire devant la résidence. « Ils finiront par tomber en panne. Ce n’est pas le moment d’abandonner. »

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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