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« North Sentinel » : Jérôme Ferrari, passion corse

La publication d’un livre de Jérôme Ferrari est toujours une bonne nouvelle. D’autant que le lauréat du prix Goncourt 2012 Le sermon sur la chute de Rome publie avec parcimonie. Alors que l’adaptation de Thierry de PerettiÀ son image (2018), l’auteur surprend avec une tragi-comédie corse qui explore la masculinité toxique sur fond de ravages causés par un tourisme débridé.

Alexandre Romani, 23 ans, a poignardé à quatre reprises Alban Genevey, un étudiant en médecine parisien qu’il connaissait depuis l’enfance et dont les parents possèdent une résidence secondaire achetée à la famille Romani. Son crime ? Avoir introduit clandestinement une bouteille de vin dans le restaurant tenu par Alexandre, au motif qu’il pratiquait des prix prohibitifs.

L’insularité poussée à l’extrême

Le narrateur est le cousin de Catalina, la mère d’Alexandre, professeur de lycée installée en Corse après dix ans passés à l’étranger. Amoureux de sa cousine, il rumine sa déception dans un flux de conscience écrit en italique, une voix souterraine tragique qui complète et contredit à la fois le récit principal.

A l’image des habitants de North Sentinel, une île de l’océan Indien défendue par des guerriers qui en interdisent l’accès, le narrateur rêve d’une insularité poussée à l’extrême. Nostalgique d’un temps qu’il n’a pas connu, avant que les hordes de Barbares en tongs ne viennent polluer les plages de son île, il s’emporte contre ses compatriotes qui, il y a bien longtemps, ont ouvert la boîte de Pandore.

D’une banale histoire de règlements de comptes entre autochtones et vacanciers venus du continent, Jérôme Ferrari remonte aux sources d’une violence transmise de père en fils. Le narrateur caustique déroule la litanie des méfaits de la famille Romani : Pierre-Marie, bandit d’opérette mort en 1932 le crâne fracassé par la jeune fille qu’il avait violée ; César, l’héritier paresseux qui a démembré le domaine familial ; Philippe, la brute épaisse ; et Alexandre, l’imbécile braqueur de supermarché.

En contrepoint, le témoignage de Shirin, la petite amie de la victime, révélera le mépris de classe d’Alban et le dégoût qu’il lui inspire. Cette fable où le « très puissant Djinn » et les sorcières tirent les fils de la tragédie est le premier volet d’un triptyque sur le tourisme, l’exploration et l’expatriation. Le second sera consacré à Richard Francis Burton, premier étranger à avoir, en 1855, pénétré dans la ville intacte de Harar (aujourd’hui en Ethiopie).

Sentinelle du Nord, de Jérôme Ferrari, Actes Sud, 144 pages, 17,80 euros

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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