Le réseau social X « induit en erreur » ses utilisateurs et viole les règles de l’UE avec ses coches bleues censées certifier des sources d’information fiables, a accusé vendredi la Commission européenne, ouvrant la voie à de lourdes amendes.
Bruxelles estime également que la firme d’Elon Musk viole ses obligations de transparence concernant les publicités diffusées et l’accès aux données de la plateforme pour les chercheurs.
Ce défi est une première dans le cadre du nouveau règlement sur les services numériques (DSA) entré en vigueur l’année dernière pour protéger les internautes des contenus jugés dangereux.
Elle pourrait aboutir dans les prochains mois à une décision finale de non-conformité si le groupe ne corrige pas les manquements constatés, puis à des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires annuel global de X (ex-Twitter). Aucune date butoir n’a été fixée pour clôturer ces procédures.
« X conçoit et exploite son interface pour les « comptes vérifiés » avec la « coche bleue » d’une manière qui ne correspond pas aux pratiques du secteur et induit les utilisateurs en erreur », a déploré la Commission.
« N’importe qui peut s’inscrire pour obtenir ce statut ‘vérifié’, ce qui compromet la capacité des utilisateurs à prendre des décisions libres et éclairées sur l’authenticité des comptes avec lesquels ils interagissent. Il existe des preuves que des acteurs malveillants abusent » du système, a ajouté l’exécutif européen.
« Un système démocratisé qui permet à chacun d’obtenir un compte vérifié est mieux qu’une fonctionnalité accordée seulement à quelques privilégiés », a réagi la directrice exécutive de X, Linda Yaccarino.
« Désinformation »
La Commission européenne, police numérique de l’UE, poursuit également des enquêtes qui pourraient déboucher sur deux accusations supplémentaires : diffusion de contenus illégaux et insuffisance des efforts contre la manipulation de l’information.
Elon Musk a exprimé sa colère contre X : « Le DSA, c’est de la désinformation ! », a-t-il répliqué, accusant Bruxelles d’avoir tenté de négocier avec lui un « accord secret » pour « censurer des contenus sans le dire ». « Pas de commentaire », a réagi l’exécutif européen.
Bruxelles s’était inquiétée en septembre de la quantité particulièrement élevée de fausses informations publiées sur X, après des tests effectués sur plusieurs réseaux sociaux.
Une procédure préliminaire a été ouverte le 12 octobre, cinq jours après les attaques du mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël, puis une enquête formelle a été lancée en décembre.
La liste des griefs était particulièrement longue : faible nombre de modérateurs, système de signalement des contenus illicites inefficace, messages d’avertissement insuffisants contre les images violentes, etc.
Liberté d’expression
Après avoir racheté Twitter en 2022, Elon Musk a procédé à une vague massive de licenciements qui a décimé les équipes de modération. Il défend une vision radicale de la liberté d’expression, rejetant toute forme de censure, même s’il assure vouloir respecter les lois de chaque pays.
La DSA exige que toutes les plateformes en ligne mettent en place un système de signalement de contenus problématiques et agissent « rapidement » pour supprimer tout contenu illégal ou rendre l’accès à celui-ci impossible dès qu’elles en ont connaissance.
En matière de publicité, les plateformes doivent permettre à chaque utilisateur de connaître les paramètres utilisés pour le cibler ainsi que les financeurs des publicités.
Un groupe de 25 acteurs du numérique particulièrement influents, dont X, doit également offrir aux chercheurs agréés un accès aux données qui alimentent leurs algorithmes afin de pouvoir contrôler le respect de la réglementation.
Outre le réseau d’Elon Musk, trois autres grandes plateformes – TikTok, AliExpress et Meta – font l’objet de poursuites formelles à Bruxelles, sans avoir encore atteint le niveau d’incrimination annoncé vendredi pour X.
TikTok a été contraint de suspendre une fonctionnalité qui récompensait les utilisateurs pour le temps passé devant un écran et était accusé de créer une addiction après une enquête ouverte en avril. Le réseau social, dont la maison mère est chinoise, est aussi visé par une autre enquête ouverte en février pour insuffisance de protection des mineurs.
Le site de vente en ligne AliExpress, filiale du géant chinois Alibaba, est ciblé depuis mars pour la vente de produits dangereux comme des médicaments contrefaits.
Enfin, en avril et mai, l’UE a ouvert une procédure contre les réseaux sociaux Facebook et Instagram du groupe Meta, accusés d’efforts insuffisants contre la désinformation, mais aussi de créer des addictions chez les enfants et de ne pas les protéger suffisamment contre les « contenus inappropriés ».