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Nicolas Hieronimus, PDG de L’Oréal : « Nous sommes toujours à la recherche de marques en croissance »

Comment analysez-vous ces résultats semestriels ? La croissance de l’activité semble avoir ralenti entre le premier et le deuxième trimestre…

Au total, je suis très satisfait de la forte croissance de L’Oréal au premier semestre, à 7,3% à données comparables, soit environ 1,3 fois celle du marché mondial de la beauté, qui est resté très dynamique entre +5% et +6%, malgré un ralentissement au dernier trimestre. Nous avons également réalisé une marge opérationnelle de 20,8%, en amélioration de 0,10 point de base et un record sur un semestre. C’est une belle performance.

Ce semestre a une nouvelle fois démontré la robustesse du modèle multipolaire de L’Oréal. Si le marché chinois est resté légèrement négatif, mais avec une hausse de 0,8% pour notre groupe, nos autres régions ont connu une croissance à deux chiffres sur six mois. Les marchés émergents ont désormais la même taille que la seule Chine. En Europe, les ventes ont progressé de 11,1% à périmètre comparable dans un marché qui a progressé de près de 10%. J’explique cela par « l’effet dopamine ». Dans un contexte marqué par toutes sortes de mauvaises nouvelles, les consommateurs veulent se faire plaisir sans se ruiner. La seule déception vient de la météo et des difficultés avec les produits solaires, comme aux Etats-Unis.

Concernant le marché nord-américain (où la croissance hors effets de change et de périmètre a été ramenée de 12,3% à 3,4% d’un trimestre à l’autre), nous avons connu deux trimestres équivalents de croissance du chiffre d’affaires une fois retraitée des effets de phasage. Nous avions en effet prévenu en avril que le changement de système d’information en Amérique du Nord avait entraîné une anticipation de chiffre d’affaires au premier trimestre, d’un peu plus d’1 point au total, compensée au deuxième trimestre. Je suis fier du top 3 qui démontre la résilience de notre modèle multipolaire puisque les trois premiers contributeurs à la croissance sur le semestre ont été les Etats-Unis, le Mexique et le groupe Allemagne-Suisse-Autriche.

Cela dit, le 28 juin, vous avez déclaré lors d’un événement organisé par JPMorgan que vous aviez constaté un ralentissement de la croissance du marché mondial, entre 4,5 et 5 %, alors que vous aviez précédemment anticipé une croissance supérieure à 5 %. Cela a jeté un froid sur les actions de L’Oréal…

Le marché de la beauté a progressé de 3 à 5 % par an en moyenne ces vingt dernières années (hors année Covid), et nous restons très confiants sur les perspectives à long terme. J’espérais un rebond en Chine au second semestre, mais je ne le vois plus se produire. Le deuxième trimestre a été marqué par les difficultés du marché chinois, caractérisé par une confiance des consommateurs très faible. Le deuxième trimestre 2023 avait été très bon, mais c’était un trimestre de reprise post-Covid. Nous continuons d’investir en Chine pour y construire l’avenir, pour y ouvrir de nouvelles portes, mais, à court terme, je n’attends pas de baguette magique qui inciterait les Chinois à consommer. Cela est compensé par une forte demande, par ailleurs, dans les pays émergents et une Europe très dynamique.

Du côté des États-Unis, je constate une normalisation du marché, après trois années de surchauffe de l’économie – avec le rebond post-Covid et l’inflation qui a suivi. A 4,5%, la croissance du marché mondial serait toutefois légèrement supérieure à ce qu’elle était avant le Covid. De 280 milliards d’euros en 2023, ce marché devrait atteindre 380 milliards en 2030. Notre part de marché mondiale est aujourd’hui de 14,5%. Nous sommes déterminés à l’augmenter chaque année !

Le label made in France sur un produit Lancôme a une valeur internationale

Quels seront les moteurs de cette expansion ?

La force de L’Oréal, c’est d’avoir un portefeuille de 37 marques internationales, allant du mass market de Garnier au luxe d’Helena Rubinstein ou de Lancôme par exemple, ce qui nous permet de répondre à toutes les aspirations beauté. Nous pouvons aussi compter sur la force de l’effet d’échelle, avec un chiffre d’affaires dépassant les 40 milliards d’euros, soit 1,6 fois celui du numéro deux du secteur. Sur un marché d’offre, les conditions de réussite sont pourtant l’innovation et la créativité. Nous consacrons 1,3 milliard d’euros à la recherche et à l’innovation, soit environ 3 % du chiffre d’affaires. Nous l’avons réorganisé, notamment pour développer la recherche externe et nouer davantage de partenariats avec des start-up, pour gagner en rapidité et en agilité.

La nouvelle molécule anti-imperfections Mela B3 a nécessité plus de dix ans de recherche. Nous la lançons d’abord chez La Roche-Posay, une marque qui bénéficie d’une forte notoriété auprès des dermatologues, et nous la diffuserons ensuite dans nos produits grand public. C’est par l’innovation que nous allons encore accroître la taille de L’Oréal et gagner des parts de marché, mais aussi en développant de nouvelles catégories, notamment les soins du corps, pour CeraVe par exemple, ou pour une marque comme Mixa, que nous avons transformée pour la faire connaître hors de France, notamment en Allemagne.

La démographie et le vieillissement de la population restent-ils des sources importantes de croissance ?

Notre plus grande source de croissance est le recrutement de nouveaux consommateurs. Il y a environ 4 milliards de personnes dans le monde qui peuvent acheter nos produits. Nous en attirons actuellement environ 30 % au total. Notre taux de pénétration est assez élevé dans les pays matures (L’Oréal détient 20 % du marché européen) mais nous avons encore un énorme potentiel de recrutement dans les pays émergents ou auprès des hommes : la gamme Men Expert de L’Oréal a progressé de 20 % ces derniers mois ! Mon ambition, dans la prochaine décennie, est que le groupe L’Oréal atteigne 2 milliards de consommateurs. Le vieillissement de la population est également évident. Tout le monde est conscient que nous allons vivre plus longtemps. Nos clients vont consommer nos produits plus longtemps, et je parle des personnes de plus de 70 ou 80 ans. Le deuxième effet de cette longévité, que nous constatons actuellement, est que les jeunes prennent soin de leur peau de plus en plus tôt et veulent des produits de qualité. Ils utilisaient auparavant quelques produits de maquillage et des shampoings, mais aucun soin pour la peau. De plus, les réseaux sociaux démocratisent de nouvelles routines beauté, ce qui contribue à la sophistication du marché, avec les sérums par exemple, qui étaient jusqu’alors l’apanage des consommatrices de luxe. L’Oréal a donc encore beaucoup de potentiel !

Compte tenu de la taille déjà atteinte par le groupe, les acquisitions font-elles toujours partie de sa stratégie ?

Le groupe va-t-il continuer à faire des acquisitions ? Oui ! Nous sommes toujours à la recherche de marques de taille moyenne, en croissance, qui peuvent être mondialisées ou régionalisées, comme Takami, que nous avons racheté au Japon pour nous développer en Asie. Lorsque nous avons repris CeraVe en 2017 aux États-Unis, la marque ne réalisait qu’un chiffre d’affaires de 150 millions de dollars. Elle avoisine aujourd’hui les 2 milliards de dollars et a encore du potentiel. Aesop est une très bonne acquisition (achetée pour une valeur d’entreprise de 2,5 milliards de dollars en août 2023), avec un modèle spécifique, car elle fait peu de publicité. Ses clients aiment ce côté confidentiel, proche du consommateur à travers ses magasins, même en Chine où les marques les plus haut de gamme et innovantes connaissent encore une croissance à deux chiffres, comme YSL. Par ailleurs, nous réalisons également des investissements en fonds propres dans des biotechs et des sociétés comme Carbios, via notre fonds de capital-risque BOLD.

Comment peuvent évoluer les relations avec Nestlé, présent au capital depuis cinquante ans et en détient 20 % ?

Nous sommes très heureux d’avoir Nestlé comme actionnaire. Même si le groupe a déjà réduit sa participation à deux reprises, c’est un partenariat que je vois sur le long terme.

Avez-vous toujours une politique proactive auprès des actionnaires individuels ?

Nous en avons plus de 340 000 ! Tout d’abord, nous récompensons tous nos actionnaires avec le dividende, qui n’a jamais baissé depuis soixante ans. Nous l’avons augmenté de 10 % pour 2023, à 6,60 €, avant la prime de fidélité de 10 % que nous offrons à nos actionnaires au nominatif. Le taux de distribution représentait 54,6 % du résultat net. Sur dix ans, l’action L’Oréal a offert un retour sur investissement de 15 % par an. Je rencontre aussi régulièrement le comité consultatif des actionnaires individuels. Ils sont très attachés au profil de L’Oréal en tant que champion français et numéro un mondial. Je suis aussi fier de ces entreprises « championnes olympiques » dans la représentation de la France à l’étranger. Nous employons 15 000 personnes dans notre pays mais y générons près de 100 000 emplois directs et indirects. La France nous rend la pareille, car le label made in France sur un produit Lancôme ou L’Oréal Paris, par exemple, a de la valeur à l’international.

LA QUESTION TROUBLANTE

Les difficultés liées aux « daigous »* en Chine ont-elles été résolues ?

L’Oréal a toujours mené une politique qui donne la priorité à la protection du marché intérieur chinois, grâce à une forte coordination entre nos équipes chinoises et celles du travel retail, notamment sur la stratégie promotionnelle. Cela s’est traduit par une forte augmentation de notre part de marché Luxe en Chine. La nouvelle politique anti-« daigous » des autorités a eu un impact sur nos ventes et nos niveaux de stocks sur l’île duty free de Hainan. Ceux-ci sont désormais revenus à la normale.

* Intermédiaires opérant sur le marché gris des produits de luxe.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.

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