Nicolas Cataldo, ministre de l'Éducation du Chili : « L'éducation ne doit plus être une entreprise »
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Nicolas Cataldo, ministre de l’Éducation du Chili : « L’éducation ne doit plus être une entreprise »

Nicolas Cataldo, ministre de l’Éducation du Chili : « L’éducation ne doit plus être une entreprise »

Membre du Parti communiste chilien et ancien leader étudiant, le ministre de l’Éducation Nicolás Cataldo (39 ans) accompagne le président Gabriel Boric dans sa tournée européenne. Spécialiste des politiques publiques dans le domaine de l’éducation, il est à Paris ce lundi dans le cadre d’une rencontre multilatérale sur la transformation de ce secteur, organisée à l’UNESCO. Entretien.

En tant qu’ancien leader étudiant, vous êtes passé du statut de ceux qui exigent le changement à celui de décideur qui doit le réaliser. Comment vivez-vous cette rupture ?

Nicolas Cataldo

Ministre de l’Éducation du Chili

Nous pensons qu’il n’y a pas de fossé entre l’organisation pour changer l’état des choses et la réalisation des changements par l’exercice du pouvoir. C’est un défi auquel nous faisons face avec responsabilité et conviction, sous la direction du Président Boric et avec le soutien d’une coalition diversifiée. Mon parti a déjà fait partie d’un gouvernement, celui de la présidente Michelle Bachelet (2006-2010 et 2014-2018), qui a fait passer les principales réformes éducatives depuis le retour à la démocratie.

L’un des objectifs de ce gouvernement est de défendre et de poursuivre ces transformations, en renforçant l’enseignement public et en garantissant une éducation intégrale pour tous. Il s’agit d’un nouvel épisode d’une longue lutte où cohabitent différentes générations et sont bien conscientes que, pour avancer, il faut aussi défendre ce que nous avons acquis.

Le système éducatif chilien traverse une grave crise. Quels sont les principaux axes de travail en réponse à cette situation ?

Notre action se déploie dans deux domaines en particulier. D’une part, en s’attaquant aux défis structurels de notre système éducatif qui reproduit les inégalités – ce qui est logique dans des systèmes où le marché définit l’accès à ce qui devrait pourtant être un droit. D’autre part, en s’attaquant aux multiples effets de la pandémie de Covid (retards d’apprentissage, abandon scolaire, coexistence et problèmes de santé mentale) qui continuent de toucher les étudiants et le personnel enseignant.

Concernant l’aspect structurel, les actions déployées sont multiples ; l’un des principaux fronts est de continuer à avancer dans le processus de mise en place du système d’éducation publique (SEP). Ce système, approuvé transversalement au Congrès en 2017, est la réponse à la crise profonde résultant de l’effondrement du modèle hérité de Pinochet.

Le SEP doit remplacer le système mis en place pendant la dictature (1973-1990), il reste encore cinq ans avant qu’il n’entre en vigueur dans tout le pays. En matière d’éducation, les changements fondamentaux prennent évidemment du temps. Les initiatives que nous soutenons sont nombreuses (amélioration des conditions de travail des salariés des établissements publics, réforme du programme de l’éducation nationale, doublement des investissements en infrastructures, etc.) et leur progression dépendra de leur pérennité.

Comment pouvons-nous combler le fossé qui existe entre les écoles publiques et privées en termes de qualité de l’éducation, dans un système où l’éducation a longtemps été considérée comme une marchandise et non comme un droit ?

C’est précisément ce à quoi nous nous attaquons en mettant en œuvre le SEP. La situation est très complexe car notre tâche n’est pas seulement de réhabiliter la qualité de l’enseignement public, mais aussi d’en garantir le financement.

Mais avec le SEP, nous souhaitons que l’enseignement public redevienne un moteur d’équité et une source de fierté pour nos concitoyens. Les premiers résultats sont prometteurs et nous permettent d’être optimistes et confiants dans le fait que nous nous dirigeons progressivement vers un système plus juste et plus démocratique, même s’il reste encore un long chemin à parcourir.

Vous faites partie de ceux qui pensent que « L’éducation ne change pas le monde mais forme ceux qui changeront le monde ».Que peut faire un ministre communiste pour initier ce changement ?

Je ne crois pas que les sociétés contemporaines soient captives du modèle dominant, mais au contraire qu’elles soient engagées dans des processus de recherche d’un autre ordre. Voyant les conséquences du néolibéralisme dans nos sociétés, je pense que cette préoccupation ne doit pas être l’apanage d’un ministre communiste, elle doit animer tous ceux qui croient en la nécessité d’évoluer vers un nouveau modèle de société basé sur la solidarité, la coopération et le travail collectif. pour atteindre le bien-être.

Nous déployons donc tous nos efforts pour transformer le système éducatif chilien. Nous nous engageons à défendre des principes fondamentaux, comme le fait que l’éducation ne peut pas être une entreprise. L’éducation nous offre de nombreuses opportunités de prouver que nos sociétés peuvent être organisées différemment. Nous aspirons à ce que cette nouvelle organisation s’inspire des valeurs qui nous permettront de défendre et d’étendre les acquis sociaux dont nous avons si désespérément besoin pour vivre avec justice et dignité.

En décembre 2021, Gabriel Boric est élu au second tour face à un admirateur de la dictature. Les valeurs démocratiques sont-elles toujours en danger au Chili ? L’éducation peut-elle jouer un rôle à cet égard ?

Les valeurs démocratiques ne sont jamais garanties. Il suffit de voir comment progressent, partout dans le monde, des dirigeants et des régimes qui défendent des principes qui affaiblissent la coexistence, encouragent la discrimination et la haine, en s’appuyant sur la méfiance à l’égard des institutions et de la politique. .

Et qui profitent notamment de la peur et de l’incertitude qui se propagent parmi la population à la suite des crises produites périodiquement par le néolibéralisme. Je crois profondément en l’éducation comme levier qui peut propulser les apprenants au cœur de ce qu’est la vie démocratique, c’est-à-dire apprendre à vivre ensemble et à prendre des décisions sans que notre diversité d’opinions et d’intérêts ne constitue une menace mutuelle, ni ne rende impossible la conclusion d’accords. .

L’éducation est la clé pour apprendre à créer des espaces de compréhension, mais surtout pour se former dès le plus jeune âge à la vie démocratique et à la manière dont chacun doit y contribuer pour parvenir au bien-être de la société dans son ensemble.


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