Rares sont les chefs d’entreprises qui, en l’espace d’une vie, ont créé des centaines d’emploi et érigé leur nom en poids lourd de l’industrie. Robert Lohr est de ceux-là. Lui, l’enfant de Hangenbieten, qui a interrompu ses études à 17 ans pour prendre la succession de son père prématurément décédé.
D’une entreprise fondée en 1963 à partir de la forge familiale, l’homme a fait une multinationale solide car capable de rebondir et de sans cesse se réinventer. « Notre ADN, c’est l’innovation », résumait-il en 2012 dans un entretien aux Dernières Nouvelles d’Alsace. C’est, de fait, cet esprit pionnier que Robert Lohr n’a cessé d’insuffler aux « Lohriens », les près de 2000 salariés du groupe présent sur trois continents, avec l’Alsace et le site de Duppigheim comme centre de gravité.
« Partager les efforts comme les richesses »
À partir des remorques agricoles des origines, la variété des produits et solutions de transport développés par Lohr ces soixante dernières années parle pour elle-même. Porte-voitures, véhicules militaires – via la filiale Soframe –, wagons de ferroutage, et plus récemment « nouvelles mobilités » avec la navette électrique Cristal et Draisy, le train léger actuellement en développement : le modèle « multi-activités » initié par Robert Lohr permet au groupe d’absorber les différents cycles de marchés complémentaires. Et ainsi de pérenniser une success-story alsacienne qui a aussi connu des revers. Comme dans le dossier Translohr, le tramway sur pneus qu’il a imaginé et qu’il a dû se résoudre à céder en 2012 pour échapper au redressement judiciaire. À l’époque, le patron limite au maximum les licenciements pour, dit-il alors, « garder les compétences et partager les efforts, comme nous avions partagé auparavant, les richesses créées par notre production ».
Le réflexe fut le même après la crise du Covid-19, lorsque le soutien de l’actionnariat familial a permis au groupe d’éviter le plan social malgré une chute des commandes. « C’était quelqu’un de très attaché à l’avenir du site et de l’emploi en Alsace », insiste François Lhomme, président du groupe depuis 2021. Son obsession : inscrire le groupe et ses compétences dans la durée. Le nonagénaire s’était d’ailleurs assuré que l’entreprise qui porte son nom lui survivrait, organisant les conditions de sa pérennité.
Aux origines de la Fondation Force
Humaniste, l’industriel amateur de football qui fut actionnaire du Racing s’était aussi engagé dans la recherche médicale. La fondation Transplantation, qu’il créée en 1987 pour promouvoir une activité de greffe alors insuffisante à Strasbourg et favoriser la dialyse, fut bousculée par des difficultés de gestion. Elle aura néanmoins favorisé quelque 2 000 greffes et voit aujourd’hui son dessein perdurer à travers la Fondation Force, dédiée à la recherche et l’innovation en santé en Alsace.
Maintes fois distingué pour ses intuitions et sa réussite, l’homme de 93 ans était président du conseil de surveillance de Lohr jusqu’à 2021 et entretenait des liens réguliers avec ses dirigeants actuels restés fidèles à son esprit d’innovation. « Je me demande régulièrement ce que ferait Monsieur Lohr », livre Marie-José Navarre, vice-présidente du groupe, qui rend hommage à « une belle personne » et « un vrai leader qui a veillé quasiment soixante ans sur une entreprise qui reste fortement imprégnée de ses valeurs. »
Époux de Suzanne Lohr, née Jost, et père de Barbara et Katia, Robert Lohr était l’heureux grand-père de quatre petits-enfants.
Un hommage lui sera rendu jeudi 15 mai sur le site de l’entreprise qu’il a fondée.