Le groupe minier et métallurgique Eramet, dirigé depuis 2017 par Christel Bories, est le premier acteur français dans la compétition mondiale des métaux. Très présente dans le secteur du nickel en Nouvelle-Calédonie, elle exploite également ce minerai en Indonésie, du manganèse au Gabon et des sables minéralisés au Sénégal. Le 3 juillet, il doit inaugurer en Argentine l’un des plus grands sites de production de lithium au monde.
La filière nickel calédonienne, dans une situation critique avant la crise actuelle, peut-elle se redresser ?
La situation est très critique et mes pensées vont en premier lieu à nos salariés qui, comme de nombreux Calédoniens, traversent des moments particulièrement difficiles. Le secteur est confronté à deux problèmes structurels très compliqués à surmonter, et qui dépassent les industriels, comme la Société Le Nickel. (SLN, détenue à 56 % par Eramet) : un prix de l’électricité extrêmement élevé – environ 200 dollars (soit 185 euros) le mégawattheure – pour notre industrie électro-intensive, trois fois plus qu’en Indonésie ; la difficulté d’avoir libre accès à la ressource en minerai alimentant nos usines pour des raisons politiques, sociales et sociétales, même lorsque nous disposons de tous les permis. Ces deux sujets doivent être traités dans le cadre du « pacte du nickel » proposé par le gouvernement français, qui n’a pas été signé. Elle se heurte à des blocages politiques et sociétaux.
Et l’exportation du minerai brut est un troisième problème…
C’est en fait le troisième sujet. Tous les minéraux extraits ne conviennent pas à nos usines. Nous avons obtenu du gouvernement calédonien le droit d’exporter 4 millions, puis 6 millions de tonnes par an ; Eramet n’a jamais pu dépasser les 3 millions et sera en dessous des 2 millions en 2024, notamment parce que sur les mines destinées à l’export (situé dans la province du Nord, dirigé par les séparatistes)nous avons des difficultés à obtenir les permis d’exploitation.
Tout cela, le gouvernement calédonien le sait malheureusement. Eramet, qui ne réalise qu’une petite partie de son chiffre d’affaires en Nouvelle-Calédonie, ne peut pas financer une entreprise qui n’a aucune perspective de renouer avec la rentabilité. Dans le cas contraire, je ne respecterais pas l’intérêt social du groupe et mes actionnaires seraient en droit de me poursuivre en justice. Aujourd’hui, c’est l’État français qui finance la SLN pour poursuivre son activité.
Dans l’immédiat, elle doit maintenir les fours au chaud, et ses salariés se sont mobilisés volontairement, de manière remarquable, pour sauver leurs outils de travail. Aujourd’hui, les équipes de la SLN sont à pied d’œuvre pour maintenir l’usine en activité, malgré les difficultés d’approvisionnement en minerai. L’avenir du nickel calédonien est un sujet très complexe.
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