Narendra Modi, 73 ans, devrait rester à la tête de l’Inde, mais avec un sérieux avertissement de la part des électeurs. Le Premier ministre sortant, après dix ans de pouvoir ininterrompu, a remporté les élections législatives mardi 4 juin, avec une courte majorité, au terme d’un marathon de six semaines. Les résultats sont en cours de consolidation. Quelque 642 millions d’Indiens sont en déplacement, bravant la canicule qui frappe le pays.
Il égale son illustre prédécesseur, Jawaharlal Nehru, premier ministre de l’indépendance, élu trois fois. Mais sa victoire n’a pas été à la hauteur de ses espérances. Narendra Modi avait demandé aux Indiens de lui accorder 370 sièges, 400 avec sa coalition, soit la majorité des deux tiers au Lok Sabha, la chambre basse du Parlement, requise pour modifier la Constitution. Il a échoué, obtenant avec ses alliés, environ 290 sièges, soit à peine plus que la majorité simple, fixée à 272 sièges, malgré la puissance de feu déployée par son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP), sur le terrain et sur les réseaux sociaux, et malgré son investissement personnel. L’omniprésent Premier ministre a tenu 206 réunions publiques et accordé 80 interviews au cours des six semaines de campagne. Les défenseurs de la démocratie et de la laïcité peuvent souffler tranquillement, Modi n’aura pas les moyens d’opérer des changements constitutionnels majeurs.
L’État de l’Uttar Pradesh, le plus peuplé d’Inde et le plus stratégique avec 80 députés, illustre le changement d’opinion et la cristallisation de la colère. Modi avait compté sur la construction du temple Ram à Ayodhya pour l’emporter haut la main. Mais, mardi matin, l’opposition était en tête, semblant proche de vaincre le BJP, représenté par le moine fanatique Yogi Adityanath.
Le BJP se replie dans ses fiefs de la ceinture hindiphone, au nord et à l’ouest du pays, et parvient de justesse à percer au sud, jusqu’alors citadelle imprenable, et à l’est. Toutefois, les gains obtenus dans ces régions ne compensent pas les pertes ailleurs.
Bousculé dans sa circonscription
De nombreuses sources de mécontentement s’étaient fait entendre ces dernières semaines sur le terrain, il suffisait d’écouter : les agriculteurs, les jeunes au chômage, les pauvres abasourdis par l’inflation, les musulmans stigmatisés par Modi, les relégués de la croissance, les Ladakhis en grève de la faim, tous ont exprimé leur déception à l’égard du Premier ministre. La magie Modi est terminée. Un signe : dans sa circonscription de Bénarès, il s’est imposé avec une marge réduite.
Il vous reste 69,02% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.
