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Muza Rubackytè, la Lituanie à portée de main

Si Muza Rubackytè aime et admire tant Franz Liszt, c’est bien sûr pour son génie de pianiste et de compositeur. Mais aussi  » parce qu’il incarne la figure de l’artiste européen, puisant dans les traditions de sa terre natale, la Hongrie, et portant inlassablement la création, la sienne et celle des autres, au-delà des frontières. « .

Alors que la Saison lituanienne s’ouvre en France, la pianiste entame un voyage de Paris à Toulouse, de Lens à Monaco. Son objectif : faire découvrir et aimer le répertoire musical de son pays natal. Née dans la ville de Kaunas, port fluvial qui fut la capitale de la République de Lituanie de 1918 à 1940, Muza Rubackytè a vécu et partagé les vicissitudes de cette république balte soumise à l’URSS après la Seconde Guerre mondiale.

« Tout s’est développé très vite »

Des études au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, de nombreuses récompenses, dont le Grand Prix du Concours international de piano de Budapest en 1981, une carrière qui décolle… jusqu’à son engagement dans la lutte pour l’indépendance de la Lituanie. Son passeport lui est alors retiré, et elle ne peut quitter l’Union soviétique qu’à la levée du rideau de fer. « Pendant cinquante ans, nous avons été isolés du monde, dissous dans le bloc soviétique. Mais nous avons attendu et nous nous sommes préparés avec espoir », se souvient l’artiste.

Souriante, tout de blanc vêtue devant son piano à queue noir, elle s’arrête quelques jours dans sa retraite parisienne – où elle s’est installée en 1991, tout en gardant des racines en Lituanie et en Suisse. Son français parfait lui permet de doser avec justesse passion et analyse, détermination et cette poésie distinguée qui caractérise aussi son jeu. « Certes canalisée, la culture était prise en charge par le pouvoir qui la voyait comme un bras armé. L’enseignement était de haut niveau. La libération a permis à tout de s’épanouir très vite, avec une énergie folle ! »

Répertoire d’hier et d’aujourd’hui

Dans le domaine des arts, de la technologie, « la gastronomie avec chaque année de nouveaux restaurants étoilés », s’enthousiasme Muza Rubackytè, qui ne pense pas à cacher son « fibre patriotique ». Elle est ravivée par l’invasion de l’Ukraine, un pays si proche. « Cela pourrait être nous… Même si notre appartenance à l’Otan depuis 2004 change la donne. Mais le gouvernement a stocké de l’eau dans les sous-sols et les familles ont toutes des adresses à l’étranger pour envoyer leurs enfants et les personnes vulnérables… au cas où. »

Très impliquée dans la Saison lituanienne en France, la pianiste a conçu un programme musical en forme de pèlerinage de la Baltique à l’Adriatique, de Vilnius à Venise. Elle a souhaité honorer une nouvelle fois l’homme de sa vie musicale, Franz Liszt, ici inspiré par la Sérénissime. « Mais je commencerai par un aperçu en trois parties de la création en Lituanie, hier et aujourd’hui », elle annonce.

Voici Mikalojus Konstantinas Čiurlionis (1875-1911), « notre grand compositeur national, qui était aussi un remarquable peintre symboliste. Sa musique en est le reflet, très picturale et colorée« . Quant à Raminta Šerkšnytė (née en 1975), elle illustre la vitalité contemporaine de la musique lituanienne. « et la place prépondérante des femmes dans l’art », plaide Muza Rubackytè.

Vilnius, Jérusalem du Nord

Enfin, il était essentiel de témoigner du rôle fondamental de la pensée et de la culture juives en Lituanie, avant que les nazis n’éliminent jusqu’à 85 % de la population juive du pays entre 1941 et 1944. Vilnius était surnommée « la Jérusalem du Nord ». se souvient le pianiste, qui interprétera des pièces de Leopold Godowsky (1870-1938), compositeur et prodigieux virtuose né en Lituanie.

Lorsqu’on lui demande ce qui est unique dans la musique lituanienne, Muza Rubackytè prend le temps de réfléchir. « Je dirais un rapport profond aux idées et à la littérature, un souci de profondeur plutôt que de divertissement, une dette envers la tradition populaire qui se traduit par un souci d’authenticité, de sincérité. »

Actif depuis vingt-cinq ans auprès de la Fondation Rostropovitch pour les Enfants Surdoués, fondateur en 2009 d’un festival à Vilnius, « une ville de 500 000 habitants avec deux orchestres symphoniques, deux orchestres de chambre, un opéra et une multitude de chorales, l’art vocal étant une tradition du pays », La pianiste ne limite pas son engagement à son pays bien-aimé. « À partir de janvier 2025, je serai le mécène de la maison Claude Debussy à Saint-Germain-en-Laye », annonce cet ardent francophile non sans fierté.

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Un automne lituanien en France

Du 12 septembre au 12 décembre 2024la Saison lituanienne en France « Se voir dans l’autre » vise à créer un dialogue entre les différences et les familiarités culturelles entre les deux pays.

Près de 200 événements autour de 16 disciplinesde la musique classique au design, de la littérature au cinéma, de la gastronomie à la danse ou de l’art contemporain au jazz…

500 artistes présents et plusieurs réunions.

Le pianiste Muza Rubackytè sera présent à travers une tournée de récitals et la projection d’un film consacré à sa vie d’artiste et d’activiste.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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