Mort de Nahel : le directeur d’Oise Hebdo condamné après avoir révélé l’identité du policier qui a tiré
Le tribunal de Compiègne a rendu sa décision ce jeudi. Le directeur du journal Oise Hebdo a été condamné à 4 000 euros d’amende, dont 2 000 euros avec sursis. Il était jugé ce lundi 19 août pour avoir publié sur son site internet, le 6 juillet 2023, un article mentionnant le nom et la ville de résidence de Florian M., le policier qui a ouvert le feu et tué le jeune Nahel Merzouk à Nanterre (Hauts-de-Seine) le 27 juin de la même année. Le journal comportait également une photo de ce brigadier de 38 ans mis en examen pour « homicide volontaire » à la suite de la mort de l’adolescent de 17 ans.
Cette publication intervient dans un contexte d’émeutes urbaines qui embrasent la France. « Le climat était délétère, a rappelé la présidente Nadine Duboscq lors de l’audience. Entre le 27 juin et le 7 juillet, plus de 6 000 véhicules ont été incendiés, 1 000 bâtiments endommagés, 3 500 personnes interpellées et 700 membres des forces de l’ordre blessés ». Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait alors ordonné à l’hebdomadaire de retirer son article avant de saisir le procureur de la République de Compiègne lorsque le journal a refusé.
« Une arme par destination »
Lors du procès, les parties étaient absentes et représentées par leurs avocats. « Ces révélations ont eu des conséquences pour le policier et sa famille », affirme Me Lauren-Franck Liénard. « Il était en détention et chaque demande de remise en liberté a été refusée à cause de cet article. Sa femme et son enfant de 5 ans ont dû être placés sous protection. Sur les réseaux sociaux, l’article a été relayé et a motivé un déchaînement de haine. » Le directeur de publication devra lui verser 1 000 euros de dommages et intérêts pour son préjudice moral, soit 14 000 euros de moins que la somme réclamée par son avocat. Il a dix jours pour faire appel de cette décision.
Guillaume Dupont, le procureur, estime que l’article, décrit comme « une arme par destination », mettait en danger le policier et sa famille. Pour lui, « la liberté de la presse ne peut pas être une immunité. Ici, la ligne rouge a été franchie ». Le magistrat compare même l’affaire à un nouveau délit numérique : le doxing, qui consiste à exposer en ligne des informations sensibles et privées. « Des individus, des hackers ont déjà été condamnés, mais si ce journal l’est, ce serait du jamais vu ».
L’avocat du directeur d’Oise Hebdo, Me Fabrice de Korodi, explique que cette information était déjà présente sur Internet et que « c’est lors d’une veille sur le Web qu’un journaliste l’a vue et en a parlé au directeur qui a décidé de la publier ». Pour l’avocat pénaliste, « il n’y avait aucune intention de nuire. L’information a été traitée comme toutes les informations de ce journal ».