Les nouvelles les plus importantes de la journée

Mort aux Etats-Unis du prédicateur turc Fethullah Gülen, ennemi juré d’Erdogan

Mort aux Etats-Unis du prédicateur turc Fethullah Gülen, ennemi juré d’Erdogan
Photo diffusée par Zaman Daily du prédicateur musulman turc en exil Fethullah Gulen à son domicile de Saylorsburg, le 24 septembre 2013 en Pennsylvanie (SELAHATTIN SEVI / ZAMAN DAILY/AFP/Archives)

La Turquie a confirmé lundi la mort du prédicateur musulman Fethullah Gülen, ennemi juré du président Recep Tayyip Erdogan, en exil aux Etats-Unis depuis un quart de siècle et dont l’influence s’était déjà considérablement affaiblie.

La mort du prédicateur, âgé de 83 ans et accusé par Ankara d’avoir fomenté une tentative de coup d’État en 2016, a été annoncée dans un premier temps par un média proche du mouvement guléniste.

« Le chef de cette sombre organisation est mort, mais la détermination de notre nation dans la lutte contre le terrorisme continuera », a annoncé le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan.

« Il laisse derrière lui beaucoup de souffrances et de trahisons », a déclaré le président du principal parti d’opposition (CHP, social-démocrate), Özgür Özel, qui a regretté que le défunt n’ait pas eu à répondre de ses actes en Turquie.

Inspirateur du mouvement Gülen, aussi appelé « Hizmet » (« Service », en turc), Fethullah Gülen s’est installé de son plein gré en Pennsylvanie en 1999.

Initialement allié de Recep Tayyip Erdogan, le prédicateur était accusé depuis plus d’une décennie par les autorités turques de diriger un groupe « terroriste ». M. Gülen prétendait être à la tête d’un simple réseau d’associations caritatives et d’entreprises.

Le prédicateur avait exprimé le souhait en 2012 d’être enterré à Izmir (ouest), « près de sa mère bien-aimée », ce qui semble exclu.

« traître »

La Turquie, qui le considère comme un « traître » et qualifie son mouvement de « Fetö » (acronyme de Fethullah Gülen Terrorist Organization), lui a retiré sa nationalité en 2017.

Selon la chaîne de télévision privée NTV, qui cite des sources sécuritaires turques, « l’emplacement de sa tombe sera tenu secret » à la suite d’obsèques en comité restreint, éventuellement dans une forêt appartenant à un leader du mouvement aux Etats-Unis.

Des étudiants universitaires pro-nationalistes manifestent contre le prédicateur musulman Fethullah Gülen et ses partisans le 21 juillet 2016 à Ankara, Turquie.
Des étudiants universitaires pro-nationalistes manifestent contre le prédicateur musulman Fethullah Gülen et ses partisans le 21 juillet 2016 à Ankara, Turquie (ADEM ALTAN / AFP/Archives)

Malgré les déclarations officielles, estime Bayram Balci, chercheur au Ceri-Sciences Po à Paris, sa disparition « restera un non-événement en Turquie » où le mouvement güleniste est très affaibli.

«Depuis la rupture avec Erdogan en 2010 et surtout après la tentative de coup d’État de 2016, l’image de Gülen est très mauvaise. Très peu de gens lui ont conservé leur estime», assure ce spécialiste du mouvement.

Mais « le travail va continuer », a assuré lundi à l’AFP Ercan Karakoyun, le porte-parole du mouvement guléniste en Allemagne, où réside la principale diaspora turque, environ trois millions de personnes.

Se sachant malade, le prédicateur avait organisé des comités pour lui survivre, a-t-il assuré, dénonçant « une chasse aux sorcières » : « Nous avons été accusés de quelque chose que nous n’avons pas fait ».

Ankara l’accuse de terrorisme depuis qu’un scandale de corruption, orchestré par des magistrats alignés sur la nébuleuse güléniste, a touché fin 2013 des proches du Premier ministre Erdogan de l’époque.

Après le coup d’État manqué du 15 juillet 2016, les autorités ont lancé de vastes purges contre les gulénistes, qui se poursuivent encore à une moindre échelle. Par ailleurs, il a exigé de ses alliés l’extradition de tout membre du réseau ou proche de l’imam.

Des poursuites ont été engagées contre près de 700 000 personnes, et 3 000 d’entre elles, accusées d’avoir joué un rôle dans l’échec du putsch, ont été condamnées à la prison à vie, selon les autorités turques.

« c’est fini »

Des purges à grande échelle ont ciblé les rangs de l’administration et de l’armée : plus de 125 000 personnes ont été licenciées des institutions publiques, dont quelque 24 000 militaires et des milliers de magistrats.

« La lutte contre cette organisation, qui continue de constituer un problème fondamental de sécurité nationale (…) se poursuivra », a promis lundi le ministre turc de la Justice, Yilmaz Tunç.

Mais pour Bayram Balci « il ne reste en réalité que peu de choses de ce mouvement qui fut au centre de la vie politique turque et contribua au rayonnement de la Turquie dans le monde », notamment à travers un puissant réseau d’écoles jusqu’en Afrique ou en Asie.

Aujourd’hui, poursuit le chercheur, nombre d’entre eux ont fermé leurs portes, notamment en Afrique et en Asie centrale, victimes des bonnes relations du président Erdogan avec de nombreux pays où la Turquie multiplie ses investissements.

Ses adeptes restants se trouvent principalement parmi les diasporas en Allemagne et aux États-Unis, estime-t-il.

« Durant les belles années où ils étaient alliés, les gülenistes étaient aussi au service de la répression d’Erdogan », rappelle-t-il.

Selon lui « les ennemis d’Erdogan les détestent encore plus (que le président) : les kémalistes (partisans de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la république, ndlr), les nationalistes, les islamistes les détestent », insiste-t-il. .

Le mouvement güleniste « ne représente plus aucune menace. La communauté n’est plus aussi forte : elle se concentre principalement sur l’aide aux victimes de la répression » orchestrée par Ankara, ajoute-t-il. « C’est fini, ils le savent. »

Quitter la version mobile