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Monkeypox : alerte de l’OMS, traitements efficaces, évolution du virus… Les experts héraultais analysent le nouveau variant du Mpox

Éric Delaporte et Jacques Reynes, tous deux professeurs en maladies infectieuses, reviennent sur l’augmentation des cas de Mpox en Afrique. Alerte de l’OMS, létalité du virus, traitements efficaces et évolution de l’épidémie… Les deux experts nous éclairent sur le nouveau variant du monkeypox.

Pouvez-vous expliquer ce qu’est la variole du singe et comment elle se transmet ?

Éric Delaporte : C’est un virus de la famille de la variole qui n’a rien à voir avec les singes. On l’a appelé ainsi parce qu’il a été initialement découvert chez les singes. En Afrique centrale, le Mpox est né chez les rongeurs. Jusqu’à présent, il s’agissait d’épidémies très localisées avec très peu de cas secondaires. Cependant, il touchait surtout les enfants. Les adultes étaient moins touchés car ils avaient une certaine mémoire immunitaire qui faisait que la vaccination contre la variole protégeait contre le Mpox. Mais maintenant, les populations n’ont plus d’anticorps contre la variole. Ce que l’on constate aujourd’hui en Afrique, c’est le changement d’échelle de cette épidémie. On est passé d’une épidémie zoonotique avec des cas sporadiques liés au contact avec un rongeur à une infection sexuellement transmissible où la propagation peut être beaucoup plus rapide et dangereuse.

Jacques Reynes : Il y a eu une épidémie mondiale en 2022 qui a touché la France et qui a été limitée grâce au vaccin. Ce qui est nouveau maintenant, c’est l’identification d’une nouvelle souche de ce virus qui a été découverte en septembre 2023 et qui a la particularité d’être facilement transmissible et de provoquer plus de décès qu’auparavant. Ce variant a d’abord touché les mineurs et les travailleurs du sexe en République démocratique du Congo puis les pays voisins. Les enfants sont particulièrement touchés, ce qui inquiète les écoles et les familles. Le taux de mortalité chez les enfants est de 10 % alors que chez les adultes il n’est que de 3 %. Il existe un risque de propagation par le transport aérien, ce qui explique les cas importés en Suède et au Pakistan.

Pourquoi l’OMS a-t-elle émis une alerte mondiale alors qu’un seul cas avait été importé en Europe ?

Éric Delaporte : Le nombre de cas devient de plus en plus important en Afrique centrale. Désormais, potentiellement, toute la population peut être touchée. L’alerte de l’OMS est donc volontairement précoce car la meilleure politique est la prévention. Un effort international important est nécessaire dès maintenant pour éviter que cela ne devienne une catastrophe en laissant au virus le temps de s’adapter.

Jacques Reynes : Les pays concernés sont dans un premier temps des pays avec un système médical fragile et où les vaccins ne sont pas largement disponibles. Le problème a probablement été sous-estimé. Cette alerte a été déclenchée car il faut prendre des mesures d’atténuation et prévenir la population mondiale. Or, en France, le risque est très limité, s’il devait y avoir un début d’épidémie, on s’en rendrait compte assez rapidement. Ensuite, une bonne partie de la population âgée a reçu une vaccination qui la protège au moins partiellement.

Un mot sur la létalité de cette infection ? Qui peut en mourir ?

Jacques Reynes : Il faut comprendre le contexte de la République démocratique du Congo où le système n’est pas aussi développé et donc très fragile. Les gens peuvent mourir, non seulement du virus lui-même mais aussi d’autres complications infectieuses lors de lésions cutanées très importantes. Même si on ne devrait pas avoir ce taux de mortalité dans les pays occidentaux, cette souche est quand même plus virulente et agressive que la précédente.

Existe-t-il des traitements efficaces ?

Éric Delaporte : Il y en a plusieurs. Certains prototypes de médicaments ont une action très importante car on va pouvoir traiter les contacts très tôt et éviter les formes graves. Mais en cas de déclenchement de l’épidémie, le médicament n’est pas produit en quantité suffisante, notamment en Afrique.

Jacques Reynes : Il existe d’abord un vaccin antivariolique de dernière génération, qui a peu d’effets secondaires et devrait être efficace. Il existe aussi un traitement antiviral qui n’est utilisé que dans les situations graves chez les personnes immunodéprimées.

Comment voyez-vous l’évolution du virus dans les semaines à venir ?

Éric Delaporte : En Occident, le risque est proche de zéro pour l’instant. Il y a une marge importante avant qu’un risque de santé publique n’émerge en Europe. Cela concerne surtout les voyageurs. En revanche, en Afrique, la surveillance est plus renforcée car le virus se développe en milieu urbain, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il y a évidemment un risque de propagation mondiale, mais cela touchera surtout les mégalopoles dans lesquelles les systèmes de santé ne sont pas assez forts.

A la fin de la pandémie de Covid, de nombreux spécialistes prédisaient une nouvelle épidémie à venir dans les années à venir, le Mpox pourrait-il en faire partie ?

Éric Delaporte : Non, les modes de transmission sont différents. L’épidémie qui sévit en Centrafrique n’a aucune similitude avec celle du Covid. L’une se fait essentiellement par contact sexuel tandis que l’autre se fait par voie aérienne, qui est le pire mode de transmission.

Jacques Reynes : Ce qui est effrayant avec le Mpox, c’est que le virus peut toucher n’importe qui, y compris les enfants. Mais il ne faut pas devenir hypocondriaque. Le risque est faible. La population et les professionnels de santé sont conscients de ce problème. On est plus conscient des risques de transmissibilité et on a maintenant des moyens de diagnostic rapides et efficaces avec des techniques de biologie moléculaire, donc tout cela change la donne. On n’est pas du tout dans la même situation que celle du Covid.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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