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Mondialisation de l’agriculture et déclin de la production en Europe

Dans un article publié ici le 27 août, nous montrions que la situation des producteurs de céréales est rendue difficile par la baisse des rendements et des prix trop bas. Le 30, nous montrions que la situation des éleveurs de bovins et d’ovins est également rendue difficile par des prix trop bas et des maladies contagieuses causées par le réchauffement climatique en cours. Le fait de continuer à sous-payer les agriculteurs rend également plus difficile l’installation des jeunes et réduit notre souveraineté alimentaire au fil des ans.

Né en 1941 dans une ferme du Finistère, Pierre Le Roy aime se définir comme un « beauf devenu énarque ». Il a été conseiller de Jacques Chirac, Christian Bonnet, puis Pierre Méhaignerie lorsqu’ils étaient ministres de l’Agriculture. Dans une tribune publiée en page 7 des « Échos » du 16 août, Pierre Le Roy notait qu’entre 1980 et 2021 « la part des 27 pays de l’actuelle Union européenne est passée de 20 % de la production agricole mondiale à un peu moins de 9 %. Les États-Unis ont également reculé (de 14 % à 9 %), tandis que la Chine est passée de 9 % à 20 %, l’Inde de 8 % à 12 %, et le Brésil de 6 % à 10 %. Premier producteur en 1980, l’UE se retrouve dernière en 2021. C’est ce qu’on peut appeler le « grand basculement agricole » des pays développés vers les pays émergents », notait l’ancien conseiller. Il a ensuite posé cette question : « Cette évolution est-elle due aux politiques agricoles européennes ? Les exemples de la betterave, de l’élevage et des jachères semblent le confirmer », a-t-il ajouté.

Quand l’enseigne Leclerc contourne les lois EGALIM

Le même jour, en page 15 du même quotidien, les lecteurs étaient informés que « la centrale d’achat européenne d’E. Leclerc a été condamnée à une amende de 38 millions d’euros pour avoir manqué la date des négociations commerciales avec 62 de ses fournisseurs ». Pour bien comprendre l’importance de cette affaire, il faut remonter à 2007 et à l’élection du président Sarkozy à l’Élysée.

Dès l’élection de Sarkozy en 2007, Michel-Edouard Leclerc a demandé à le rencontrer pour lui proposer de faire passer une loi permettant aux distributeurs de vendre moins en sous-payant les agriculteurs et

Les PME de l’agroalimentaire sont très nombreuses dans le pays. Une « Commission » est alors mise en place, composée de grands patrons et d’économistes libéraux. Elle est présidée par Jacques Attali, l’ancien conseiller du président Mitterrand. Cette commission est chargée de rédiger un rapport, qui conduit au vote de la loi de modernisation de l’économie (LME) par les parlementaires de droite en 2008. Le rapporteur final de cette Commission est l’énarque trentenaire Emmanuel Macron, qui ose écrire à la page 132 de son rapport :

« La revente à perte n’est généralement rien d’autre qu’une collusion sur les prix entre certains producteurs et certains grands distributeurs. Les activités de commerce et de distribution doivent être traitées selon le droit commun de la concurrence, comme les autres activités économiques (…) la liberté de négociation entre distributeurs et fournisseurs doit être instaurée. Pris dans son ensemble, ce système pourra délivrer son potentiel concurrentiel (…) Le pouvoir de marché des opérateurs sera alors utilisé pour offrir les prix les plus bas aux consommateurs. »

En théorie, le vote de deux lois EGALIM, en 2018 et 2021 par les parlementaires français, traduit un changement d’état d’esprit du président Macron. Ces lois étaient censées réduire le pillage des fournisseurs par les distributeurs en obligeant ces derniers à prendre en compte l’évolution des coûts de production lors des négociations annuelles sur les prix et les volumes des produits à fournir aux enseignes. Pour contourner ces lois, l’enseigne Leclerc a créé « la société Eurelec Tranding SCRL », basée en Belgique. L’augmentation des importations en provenance de nombreux pays à bas coût de main d’œuvre, via cette centrale d’achat, permet à l’enseigne Leclerc de baisser les prix qu’elle paie aux producteurs et transformateurs français, quitte à faire traîner illégalement les négociations. D’autres enseignes ont pris des décisions similaires et trop de prix agricoles restent trop bas en France à la ferme.

Des heures de travail à moins d’un euro dans les serres marocaines

Outre la baisse de la production nationale et le déficit croissant de notre commerce extérieur, cette politique va également à l’encontre de ce qu’il faudrait faire pour ralentir le réchauffement climatique actuel. Cela nous ramène à un autre article paru en page 19 du même quotidien « Les Échos » le 31 juillet. Il a été rédigé par Marie-Josée Cougard, spécialiste reconnue des questions agricoles. Elle affirmait en introduction que « la sécheresse persistante pourrait affecter les exportations marocaines de tomates critiquées par les producteurs français. L’assèchement des nappes phréatiques et la baisse du niveau des barrages obligent le gouvernement à financer des usines de dessalement de l’eau pour poursuivre la production ».

Depuis la signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Maroc en 2012, les importations de tomates en provenance de ce pays ont augmenté de 40 % dans l’Europe des 27 pour atteindre 490 000 tonnes en 2023. On imagine que l’empreinte carbone du transport de ces tomates par camions frigorifiques est particulièrement élevée. Mais la rémunération d’une heure de travail dans les serres marocaines est de 0,97 euro contre 13,50 euros en France. Ironie du sort, la firme marocaine Azura, qui lance la construction d’une deuxième usine de dessalement d’eau de mer pour irriguer 400 hectares de tomates, est une entreprise franco-marocaine créée par un maraîcher breton aujourd’hui décédé.

Si vous devez acheter moins, mieux vaut acheter des tomates françaises. Quand vous avez un bout de terrain autour de votre maison, vous pouvez aussi les cultiver vous-même, fertiliser le sol avec du compost issu des déchets végétaux, irriguer les légumes grâce à l’eau qui tombe sur le toit de la maison en installant une citerne pour la récupérer. C’est aussi une façon de contribuer à la souveraineté alimentaire de la France, tout en réduisant l’empreinte carbone de votre assiette.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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