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« Mon père n’est plus en vie, alors je pars au Japon en tant que mon propre capitaine »


Chaque jour, une personnalité s’invite dans l’univers d’Élodie Suigo. Mardi 3 septembre 2024 : l’écrivaine Amélie Nothomb. Elle vient de publier un nouveau roman « L’impossible retour » aux éditions Albin Michel.

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Temps de lecture : 3 min

L'écrivaine Amélie Nothomb, le 1er février 2023. (ANDREU DALMAU/EFE)

Quand on regarde la carrière de la romancière Amélie Nothomb, ses succès, son palmarès dont le Grand Prix du Roman de l’Académie française pour Stupeur et tremblements ou le Prix Renaudot 2021 pour Premier sang et au vu du nombre de livres vendus, une seule expression me vient à l’esprit : Chapeau bas ! Il faut dire que cela colle parfaitement à sa personnalité et même à son code vestimentaire. Sur la couverture de son nouveau roman sorti il ​​y a quelques jours chez Albin Michel, elle a, pour une fois, posé son chapeau et s’est armée d’une moue souriante. Le titre de son nouveau livre publié chez Albin Michel est frappant dès le début : Le retour impossible et après l’avoir lu, on se rend compte que c’est tout sauf négatif.

franceinfo : C’est une oeuvre, Le retour impossibleest extrêmement personnel, intime. Il nous en dit beaucoup sur la femme que vous êtes devenue. On a l’impression que ce roman vous a permis d’en savoir plus sur qui vous étiez.

Amélie Nothomb : C’est l’histoire de mon tout dernier voyage au Japon. J’ai eu l’occasion de passer dix jours au Japon avec un bon ami. Ma vie a été rythmée par des voyages au Japon et ces voyages ont toujours eu une importance capitale.

« J’ai finalement réalisé que je ne pourrais pas faire ma vie au Japon, mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas mon pays préféré au monde. »

Amélie Nothomb

à franceinfo

Je suis folle du Japon, je suis amoureuse de ce pays, j’ai besoin d’y retourner régulièrement et en même temps, j’aime tellement ce pays qu’il m’est impossible d’y retourner. Pourquoi ? Parce que je sais que ce ne sera pas pour toujours. Parce que je sais que je devrai partir. Voilà, c’est comme l’histoire d’une histoire d’amour impossible et pourtant pas malheureuse du tout.

Vous avez vécu au Japon et vous avez appris la langue. Vous avez oublié à un moment donné que vous aviez appris la langue. C’est ce que vous nous révélez.

J’ai un rapport très particulier avec la langue japonaise car j’avais deux langues maternelles : le français et le japonais. Puis, ayant quitté le Japon à l’âge de cinq ans, j’ai complètement oublié cette langue. Du moins, je pensais avoir oublié le japonais car quand j’y suis retournée à 21 ans, c’est fou comme la langue est revenue vite. Mais maintenant, je sais que ce n’est jamais un oubli définitif. C’est un peu comme une marée. Quand je rentre au Japon, la marée est basse, de jour en jour, je sens la langue revenir vers moi et quand je repars, je suis à nouveau à marée haute.

En tout cas, on sent aujourd’hui que tu endosse davantage le rôle de capitaine de ce bateau pour enfin voguer vers ta vie, celle que tu décides. J’ai l’impression que ce n’est pas par hasard que le regard est tourné vers l’avenir.

C’est aussi la première fois que je retourne au Japon depuis la mort de mon père. Avant, chaque fois que j’allais au Japon, même si mon père n’y vivait plus, je me sentais soumis à mon père qui était ce grand connaisseur du Japon, ce chanteur de l’opéra médiéval japonais Nô. Mon père n’est plus en vie, alors je pars au Japon en tant que mon propre capitaine.

Nous sentons que cette responsabilité, tout au long du travail, est très lourde pour vous.

C’est une responsabilité très lourde car je n’ai jamais guidé personne au Japon et pourtant, au final, je m’en sors parfaitement. Vu de l’extérieur, c’est un voyage qui se déroule comme sur des roulettes. Ce qui est extraordinaire dans ce voyage, ce sont mes sentiments. C’est ce que je ressens lorsque je suis confronté pour la énième fois à ce pays qui est si important pour moi.

Ici, vous affrontez le départ de votre père de manière très directe puisque nous restons dans le thème du départ. J’ai l’impression que c’est son départ, le plus lourd, qui vous permet d’adoucir les autres.

Eh bien oui. Revenir au Japon sans mon père qui a été l’un des principaux acteurs de mon apprentissage du japonais… Mon père parlait couramment le japonais et j’avais remarqué que lorsqu’il prononçait un mot ou une phrase en japonais devant moi, cela s’inscrivait en moi pour toujours. C’est donc à ce moment-là que j’ai pu réellement voir ce qui restait d’un héritage aussi important.

Ce progrès, on le sent. Le ressentez-vous aussi ? Vous n’êtes plus la même personne, vous êtes beaucoup plus forte aujourd’hui que vous ne l’avez jamais été.

« Je ne sais pas quelles étapes m’attendent et elles me font encore un peu peur. »

Amélie Nothomb

à franceinfo

Je le ressens et c’est une arme à double tranchant, car savoir ce qu’il a fallu pour trouver cette force crée un sentiment de fierté, mais quelque part, cela vous rend fragile. Vous vous dites : « Eh bien, il a quand même fallu tout ça, mais l’histoire n’est pas finie, je vais continuer à vivre, à perdre des gens puisque c’est ainsi que la vie est faite car vivre c’est perdre des gens très chers.

Ce livre met également l’accent sur l’importance de la contemplation, de l’observation de ce qui se passe. Ce qui est important, c’est de trouver l’harmonie qui est en soi. Cette harmonie est-elle lointaine ou commencez-vous enfin à y accéder ?

Donc je pense que j’ai accès à cette harmonie au moins une fois par jour. J’aimerais que ça dure plus de cinq minutes par jour, mais déjà cinq minutes par jour ce n’est pas si mal.

Grb2

Jewel Beaujolie

I am a fashion designer in the past and I currently write in the fields of fashion, cosmetics, body care and women in general. I am interested in family matters and everything related to maternal, child and family health.
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