« Mon handicap me permet de vivre des moments uniques… » Des petits sportifs en quête de visibilité avant les Jeux Paralympiques
Dans l’ombre des autres catégories de handicap, les petits athlètes sont souvent marginalisés à l’approche des Jeux. Pour franceinfo : sport, trois champions français évoquent les enjeux auxquels ils sont confrontés au quotidien.
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« Oh ? Non, je ne savais pas qu’il y avait des personnes de petite taille aux Jeux Paralympiques… » Une simple question – adressée aux passants sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris début juin – suffit à prendre la température. A deux mois et demi (du 28 août au 8 septembre) de la première édition estivale de l’histoire en France, nombreux sont ceux qui ignorent encore que les petits sportifs seront présents cet été dans des délégations venues du monde entier.
Reconnu par le Comité International Paralympique (CIP) depuis 2001, autorisé à concourir aux Jeux dans seulement sept disciplines sur 23 (para-athlétisme, para-badminton, para-équitation, para-natation, para-tennis de table, para-tir , para-haltérophilie), les athlètes de petite taille occupent une place marginale dans le circuit « para », par rapport aux autres catégories de handicaps. Même s’ils nient ressentir une quelconque différence.
« En parahaltérophilie, nous pratiquons un sport avec une catégorie de poids corporel et nous ne nous soucions pas du handicap »résume Axel Bourlon, nouveau recordman de France dans la catégorie des moins de 54 kg il y a quelques jours (173 kg soulevés !). « Mes concurrents peuvent très bien être en fauteuil roulant, amputés, marcher mal… Nous sommes tous dans la même catégorie, tous mélangés et c’est ce que j’aime. »
Le pongiste Thomas Bouvais, qui rencontre d’autres pathologies en classe 8, est du même avis : « La création d’une catégorie pour les petites tailles avait été évoquée il y a quelques années, cela n’a pas eu lieu et j’en suis content. C’est sans doute plus difficile d’avoir des résultats convaincants, mais je préfère cette intégration. »
Pour Charles Noakes, les choses sont un peu différentes. Le badista de 26 ans, qui disputera ses premiers Jeux à Paris, a joué uniquement avec des joueurs valides avant de découvrir le parabadminton début 2018, une discipline dotée d’une catégorie dédiée au petit gabarit. Peu de temps après, le projet de haut niveau était en cours.
A la fin de ses études à l’été 2021, il rejoint le centre Espoirs de Nantes et commence à se former auprès des meilleurs jeunes – valides – des Pays de la Loire, âgés de 12 à 17 ans. « Ils sont à ma taille (1,45m) jusqu’à 15 ans et niveau style de jeu, puissance, vitesse, c’est assez similaireil explique. L’idée était de progresser vite, c’est comme ça que j’ai progressé dans ma vie de sportif mais aussi dans ma vie de tous les jours. Au final, mon handicap ne m’a jamais freiné dans le monde sportif, bien au contraire, il a été une force. Aujourd’hui, cela me permet de vivre des moments uniques, de participer aux Jeux, de voyager, de rencontrer plein de monde… »
Seul petit représentant français aux Jeux de Londres en 2012 et de Rio en 2016 – ils seront trois ou quatre cet été – a relevé Thomas Bouvais. « une tendance à la hausse » du nombre d’athlètes ayant le même handicap que lui au sein du village paralympique de Tokyo. Quant à savoir si sa médaille de bronze, remportée au Japon, a permis de développer la pratique sportive parmi les 8 à 10 000 personnes de petite taille en France, cela semble plus difficile à dire. « Le chemin est long, car les médecins ont longtemps contre-indiqué la pratique du sport aux personnes de petite taille en raison de problèmes d’articulations, de chevilles, de dos, d’arthrose… Mais tout est possible à condition d’adapter son sport. C’est le message qu’il faut envoyer.il assure.
« Je ne sais pas si ça a motivé les gens, mais l’année dernière, un participant aux Jeux Mondiaux des Petits Peuples m’a contacté pour participer aux championnats de France d’haltérophilie.précise Axel Bourlon, également médaillé – en argent – il y a trois ans. Depuis, elle a rejoint mon club handisport de Roanne. C’est formidable de rencontrer de nouveaux visages et d’élargir son cercle social.
Répété comme un mantra par le comité d’organisation de Paris 2024 (Cojop), le changement de regard sur le handicap, attendu grâce aux Jeux Paralympiques, concerne évidemment la petite taille et les personnes souffrant d’achondroplasie (maladie génétique). Et les problèmes de représentation du nanisme ne manquent pas, selon les principaux acteurs.
« Dès que vous êtes différent, les gens se moquent facilement de vous et vous regardent. J’ai pris ces regards comme une motivation, comme une énergie quand je jouais au football et que j’étais le plus petit. »
Charles Noakes, joueur de parabadmintonsur franceinfo : le sport
« La perception des personnes de petite taille n’a pas vraiment changé dans la vie de tous les jourstémoigne Thomas Bouvais. On a un handicap visible, que l’on soit assis ou debout, on nous regarde tout le temps, on entend des taquineries… »
Pour Charles Noakes, l’ampleur prise par les réseaux sociaux peut être un avantage pour déconstruire les préjugés mais aussi un inconvénient, « Parce que les gens derrière un ordinateur se sentent tout-puissants et intouchables. Il y a beaucoup de vidéos qui circulent sur des personnes de petite taille qui se font ridiculiser, j’ai donc décidé de m’essayer un peu en m’appropriant ces codes.précise-t-il. Avec une de mes meilleures amies, nous avons commencé à réaliser des vidéos humoristiques sur nos handicaps respectifs pour montrer que nous nous acceptons tels que nous sommes, de manière bienveillante, et que cela ne nous empêche pas d’avoir le second degré. »
Pour eux, la lutte contre les préjugés et l’acceptation de leur handicap a commencé dès l’enfance. En grandissant auprès de personnes valides autour d’eux ou en s’entraînant auprès de sportifs de taille normale, ils ont posé les bases de leur capacité d’adaptation qui leur sert au quotidien. « Je n’ai jamais eu honte de sortir, de vivre des choses sans me sentir réduite au fait que je suis petiteexplique Axel Bourlon. Cela dépend aussi de l’environnement dans lequel nous vivons. Mais quand j’ai besoin d’aide, je demande. Et aujourd’hui, lorsque j’interviens dans des écoles ou des entreprises, bien souvent, mon parcours de vie est reconnu à sa juste valeur. »
Autre signal positif : aucun ne fait l’objet de critères discriminatoires dans sa recherche de sponsors et de partenaires sur son parcours vers Paris. « Le parasport est souvent comparé aux personnes en fauteuil roulant, mais ce n’est pas une vision absolueaffirme Thomas Bouvais. Il y a plusieurs critères, comme l’âge, le palmarès, ce que l’entreprise veut mettre en avant comme récit… Je ne pense pas que les sportifs de petite taille soient plus lésés que les autres. »