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visualiser l’érosion du front par l’armée russe

Depuis octobre 2023 et l’échec de la contre-offensive ukrainienne, les troupes russes gagnent du terrain. Ils ont reconquis plus de 500 kilomètres carrés en sept mois d’offensive.

Petit à petit, l’armée russe avance dans l’Est de l’Ukraine. Le ministère russe de la Défense a annoncé, dans une publication sur Telegram, lundi 22 avril, la capture de Novomykhaïlivka. Ce village proche de Vougledar, ville minière de la région du Donbass, est la dernière conquête revendiquée par Moscou. Il est ajouté à une liste de villes et villages nouvellement occupés.

Après l’échec de la contre-offensive ukrainienne à l’été 2023, « Nous avons assisté à une alternance d’initiative, à un changement en faveur de Moscou », analyse Thibault Fouillet, directeur scientifique à l’Institut d’études de stratégie et de défense (IESD). Depuis octobre 2023, les forces russes mènent des offensives dans plusieurs zones de l’est et du sud du pays. « La grande offensive ukrainienne de l’été 2023, qui devait conduire à une percée, à une rupture du front, a épuisé l’armée de Kiev (…) pendant que les Russes sauvaient leurs forces »poursuit le chercheur.

Une « progression lente et progressive »

Outre le déséquilibre en hommes, munitions et équipements entre les deux belligérants, la puissance de feu russe, supérieure à celle de l’Ukraine, a permis des avancées modestes mais continues. « Dans la guerre moderne, il est quasiment impossible d’arrêter cette progression lente et progressive si l’un des deux belligérants dispose de plus de puissance de feu que son adversaire. »observe Frederik Mertens, analyste au Centre d’études stratégiques de La Haye (HCSS), aux Pays-Bas.

L’Institute for the Study of War (ISW), centre d’analyse américain qui suit jour après jour l’évolution du front, fournit une estimation de ces gains territoriaux. Sur son site, le 28 mars, il estime à 505 km2 la superficie conquise par les forces russes depuis « le lancement des opérations offensives en octobre 2023« . Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgu a fourni une autre estimation le 2 avril sur Telegram. L’armée russe s’est, selon lui, saisie de 403 km2 de territoire ukrainien depuis le seul début de l’année.

Carte de la ligne de front ukrainienne le 22 avril 2024. (FRANCEINFO)

Thibault Fouillet fait un parallèle entre cette progression et les offensives de la Première Guerre mondiale : « Comme disait le maréchal Joffre, c’est du grignotage. » Selon l’analyste, cette stratégie adoptée par l’état-major russe vise à « obtenir des avantages tactiques et opérationnels » afin d’épuiser les Ukrainiens et « faire une rupture ».

Le fief d’Avdïivka, première grande conquête de Moscou

Qualifiée de ville forteresse, la ville industrielle d’Avdïivka est un fief de l’armée ukrainienne depuis le début de la guerre du Donbass en 2014. Les Russes y ont lancé un assaut surprise le 10 octobre. Pour briser les défenses adverses, Moscou a fait appel à ses bombardiers. L’armée de l’air russe s’est produite à Avdïivka « un rôle important et décisif, notamment parce que la défense anti-aérienne ukrainienne est moins efficace, ajoute Frederik Mertens. Pour la première fois depuis 2022, les Russes sont capables d’utiliser efficacement leur force aérienne (…) et ils perdent relativement peu d’avions. »

Carte du front d’Avdiivka.  (FRANCEINFO)

Les chasseurs-bombardiers russes ont largué des bombes planantes sur la ville, infligeant d’importants dégâts aux fortifications érigées par les Ukrainiens. Ces infrastructures défensives « peut résister à une pluie d’obus de calibre 155 mm, mais pas aux bombes planantes », souligne Frederik Mertens. Ces munitions datant de l’époque soviétique ont été améliorées avec un système de guidage, permettant aux pilotes de tirer à bonne distance du sol, précise l’hebdomadaire américain. Semaine d’actualités. Selon le porte-parole d’une brigade de l’armée ukrainienne, cité par ISW, l’armée de l’air russe a utilisé près de 73 bombes planantes de type KAB rien que le 16 février, soit un jour avant le retrait des Ukrainiens de la ville.

La prise de la ville le 17 février s’est toutefois avérée très coûteuse en vies humaines pour l’armée russe. Quelques jours avant son suicide, le blogueur militaire russe Andrei Morozov, connu sous le pseudonyme de « Murz », évoquait le 19 février sur sa chaîne Telegram le chiffre de 16 000 soldats russes tués, blessés ou portés disparus.

Tchassiv Iar, nouvel épicentre des combats

Une bataille gagnée, une autre commence. Après la prise d’Avdïivka, le regard du haut commandement russe s’est porté sur Chassiv Iar, autre verrou défensif situé à moins de 30 kilomètres de Kramatorsk, la principale ville du Donbass toujours sous contrôle ukrainien. Sa conquête permettrait à Moscou de pénétrer dans la région orientale. « L’objectif opérationnel global est de conquérir en profondeur les grandes colonies et les nœuds logistiques, mais l’armée russe doit d’abord conquérir les localités sur son chemin.commente Thibault Fouillet. L’enjeu est de grignoter le front, tout en conservant suffisamment de capacités opérationnelles pour mener des offensives. »

Carte du front de Chassiv Yar.  (FRANCEINFO)

Mais la conquête de cette ville industrielle s’annonce difficile. Située à 200 mètres d’altitude, la ville est traversée par un canal, deux particularités géographiques qui favorisent la défense et ralentissent la progression russe. Le 4 avril, la chaîne Telegram DeepState, proche de l’armée ukrainienne, faisait état d’un premier affrontement avec l’armée russe aux portes de la ville. les Russes « a mené un assaut combiné massif, qui a été stoppé par les forces de défense au cours d’une bataille acharnée ». Malgré le déluge de tirs ennemis, l’armée ukrainienne tient bon. Un officier, cité par l’ISW, rapportait le 21 avril que ses combattants continuaient d’assurer la défense de la ville, malgré « la Russie avance lentement au nord d’Ivanivske vers Chassiv Yar ». Les unités ukrainiennes ne parviennent cependant pas à reprendre le terrain en raison de la « attaques aériennes constantes et assauts frontaux » Unités russes.

Robotyne, une conquête symbolique et politique pour Moscou

Sur le front sud, le village de Robotyne est un lieu symbolique pour les Ukrainiens. Libérée fin août 2023 après plusieurs mois d’occupation, cette ville de la région de Kherson est l’une des rares conquêtes réalisées par les troupes ukrainiennes dans le cadre de leur contre-offensive.

Carte du front à Robotyne.  (FRANCEINFO)

Depuis cet endroit, Kiev pensait pouvoir pousser plus au sud, vers Melitopol, pour atteindre la mer et couper l’armée russe en deux. Mais aujourd’hui, encerclée par les Russes, la ville est sous le feu ennemi et difficile à défendre. Selon Thibault Fouillet, l’armée russe cherche à atteindre un double objectif : « Réduire la taille du saillant, mais aussi atteindre un objectif politique. » Clair, « la conquête de Robotyne démontrerait l’absence de résultats de la contre-offensive ukrainienne ». Ces dernières semaines, l’armée russe a mené plusieurs attaques pour reprendre ses positions, notamment en lançant de petits groupes d’assaut. Les attaques ont été repoussées, a indiqué le commandement ukrainien sur Telegram le 3 avril.

Ces gains territoriaux constituent-ils un tournant dans la guerre ? Pour Frederik Mertens, il ne faut pas surestimer l’importance tactique et stratégique de ces avancées. « Des villages inconnus, certains plus petits qu’un parc, deviennent des cibles de prestige et des objectifs symboliques » il juge, assurant que «le contrôle de ces territoires n’est pas vital pour Kiev». Dans ces combats coûteux en hommes et en matériel, l’objectif des Ukrainiens n’est pas, selon l’expert, d’adopter une attitude défensive jusqu’au bout. « Ce qui est important, c’est la capacité de l’armée à maintenir une ligne de défense et à maintenir la cohésion. »

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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