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Missiles longue portée, doctrine nucléaire, conflit mondial… Ces six jours de guerre en Ukraine qui ébranlent le monde

Missiles longue portée, doctrine nucléaire, conflit mondial… Ces six jours de guerre en Ukraine qui ébranlent le monde

Missiles longue portée, doctrine nucléaire, missile balistique, guerre mondiale… En l’espace d’une semaine, la guerre en Ukraine a connu une escalade inquiétante. Une accélération stratégique pour les deux belligérants, qui craignent le retour de Donald Trump et sa volonté d’imposer les négociations.

Feu vert pour les missiles à longue portée

Le retour au pouvoir de Donald Trump en janvier pourrait mettre à mal le soutien des États-Unis, l’un des principaux alliés de Kiev. Face à ce danger, l’administration actuelle et son président Joe Biden ont mis en œuvre l’utilisation de missiles ATACMS à longue portée sur le territoire russe, des livraisons de mines antipersonnel et le versement d’une tranche d’aide de 6 milliards de dollars. La Grande-Bretagne a également autorisé l’utilisation sur le territoire russe du Storm Shadow et du côté français, du Scalp. Si des missiles avaient été utilisés dans le Donbass ou en Crimée, ils ont cette fois atteint le territoire russe.

Une première ? Lors de l’opération Koursk en août, ils ont déjà été utilisés de manière officieuse, rapportent plusieurs experts militaires. Le 19 novembre, six missiles ATACMS ont été tirés vers la région frontalière de Briansk. Un dépôt de munitions aurait été visé. L’attaque a été confirmée sous couvert d’anonymat par des sources américaines et ukrainiennes. Le ministère russe de la Défense a reconnu que cette frappe avait été en grande partie détruite par le système anti-aérien. Le 21 novembre, une attaque combinée de missiles britanniques Storm Shadow et Himars a également frappé des installations militaires en Russie.

États-Unis, Grande-Bretagne, France : puissances cobelligérantes

Les ATACMS, le système de missiles tactiques de l’armée, sont des missiles balistiques américains d’une portée de 300 kilomètres. Leur ogive peut contenir environ 170 kilogrammes d’explosifs. Ils peuvent être tirés à partir des lanceurs mobiles Himars et M270 fournis par les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Reste la question de la quantité dont disposent les Ukrainiens.

Cependant, leur utilisation révèle une implication directe des États-Unis. « Pour réaliser une telle frappe, ils interviennent tout au long du processus : renseignement, fichiers de cibles, guidage… Il faut certainement du personnel terrestre américain sur le terrain pour s’occuper du chargement des données tactiques », explique le directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe, Igor Delanoë. La même implication est nécessaire pour les systèmes britannique Storm Shadow et français Scalp, qui sont tirés depuis des avions. La cobelligérance devient réelle.

Si ces frappes vont ralentir la logistique russe, elles ne semblent pas capables de perturber le cours de la guerre actuelle, selon plusieurs militaires. La quantité de ce type d’arme reste limitée. Malgré tout, le message de Vladimir Poutine est clair : «À partir de ce moment, et comme nous l’avons souligné à de nombreuses reprises, le conflit régional provoqué par l’Occident en Ukraine a pris une dimension mondiale. » Dans son discours du 21 novembre, le président russe a prévenu : « Nous considérons que nous avons le droit d’utiliser nos armes contre les installations militaires des pays qui autorisent l’utilisation de leurs armes contre nos installations. »

Une nouvelle doctrine nucléaire à Moscou…

La Russie participe à cette escalade. Depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, les derniers mois ont été marqués par des phases de bombardements d’une intensité sans précédent. Rien que le 17 novembre, plus de 200 missiles et drones russes ont frappé l’ensemble du pays. Ces grèves ont ciblé de nombreux sites énergétiques à la veille de l’hiver. La Russie cherche à accroître ses gains territoriaux en prévision d’éventuelles négociations imposées par Donald Trump fin janvier. Sur le terrain, on assiste à une intensification des combats, également avant la période hivernale. L’armée russe cherche ainsi à récupérer une grande partie du Donbass, et notamment la région de Donetsk. Malgré l’effondrement du front, le système ukrainien a réussi à résister.

Dans sa réponse, Moscou a voulu marquer les esprits par deux actes : l’entrée en vigueur d’une nouvelle doctrine nucléaire et le tir d’un missile balistique intermédiaire. Le décret présenté en septembre dernier par le président Vladimir Poutine a été signé le 19 novembre pour formaliser l’évolution de la doctrine qui datait de 2020. Il prévoit l’élargissement du recours aux armes atomiques en cas de « lancement de missiles balistiques contre la Russie » et en cas d’assaut aérien « massif » mené par un pays non nucléaire, mais soutenu par une puissance nucléaire. Des références claires à l’Ukraine et aux États-Unis. Auparavant, la doctrine nucléaire russe parlait d’un recours en cas d’attaque susceptible de remettre en cause l’existence de la Russie.

L’autre alerte est donc venue du tir d’un missile balistique « moyenne portée » le 21 novembre sur la ville ukrainienne de Dnipro lancé depuis l’oblast d’Astrakhan, en Russie, à près de 800 km de là. Avant la frappe, Moscou avait averti Washington par le biais de canaux de réduction des risques nucléaires. « La frappe semble être davantage destinée à envoyer un signal à l’Occident et à constituer une mesure dissuasive contre de nouveaux tirs d’ATACMS qu’à des fins opérationnelles. Rhétorique stratégique pure. estime le général Olivier Kempf. Si jamais les Occidentaux avaient des doutes sur ce message, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, l’a expliqué le 22 novembre : «Le message principal est que les décisions et les actions imprudentes des pays occidentaux qui produisent des missiles, les fournissent à l’Ukraine et participent ensuite à des frappes sur le territoire russe ne peuvent rester sans réaction de la part de la Russie. »

…et à Washington

La Russie n’est pas la seule à avoir réécrit sa doctrine nucléaire. Quelques jours avant que Vladimir Poutine ne signe le décret, le Département de la Défense des États-Unis a présenté au Congrès, le 15 novembre, un rapport actualisé sur la stratégie en matière d’armes nucléaires, connu sous le nom de Rapport 491. Cela implique de réexaminer les approches en matière de dissuasion nucléaire dans le contexte de l’essor nucléaire. capacités de la Chine et de la Russie.

« Ce rapport reflète les changements visant à contrer les menaces croissantes, notamment la croissance et la diversification des arsenaux nucléaires des adversaires potentiels », note le département. Il rappelle plusieurs dispositions de la nouvelle stratégie : dissuasion simultanée de plusieurs adversaires nucléaires ; l’intégration de capacités non nucléaires pour soutenir la dissuasion nucléaire ; gestion de l’escalade en réponse à des attaques nucléaires limitées ou à des attaques non nucléaires hautement conventionnelles ; des consultations accrues avec les alliés et les partenaires pour renforcer la sécurité collective.

Un entre-deux dangereux

La période qui s’est ouverte entre la fin du mandat de Joe Biden et le retour à la Maison Blanche de Donald Trump le 20 janvier, favorise ce contexte particulier. « L’élection de Donald Trump apparaît comme un véritable tournant. Cette période intérimaire a conduit à cette accélération des événements. Chacun des protagonistes cherche à accroître ses gains en prévision d’éventuelles négociations imposées par Donald Trump. analyse l’ancien ambassadeur Jean de Gliniasty.

Principale victime du conflit, l’Europe, qui pourrait s’affirmer comme une force diplomatique importante, reste divisée sur les négociations. Aucune initiative conjointe n’a été lancée pour parvenir à un résultat négocié. Pour Tatiana Stanovaya, chercheuse au Centre Carnegie de Moscou, «Poutine pourrait tenter de proposer à l’Occident deux choix radicaux : ‘Voulez-vous une guerre nucléaire ?’ Vous l’aurez » ou « Mettons fin à cette guerre selon les conditions de la Russie ».

Arrêtez le matériel

Une forme d’acceptabilité s’est développée ces trois dernières années. Malgré la dangereuse escalade, de nombreux dirigeants estiment que les lignes rouges peuvent être repoussées à chaque fois, sans risque. Ce pari paraît de plus en plus dangereux. « Les enjeux sont tout simplement trop élevés pour supposer que Poutine bluffe. Il existe un autre moyen, qui existe déjà. Il s’agit du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian). Si les États veulent réellement condamner les provocations nucléaires et éviter une catastrophe humanitaire, ils doivent les soutenir. » rappelle l’Ican, la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires.

En Ukraine, seul un tiers de l’opinion publique soutient la poursuite du conflit. Mais si le résultat négocié semble gagner de plus en plus en profondeur, des questions demeurent quant à l’attitude de la Russie. «Il est peu probable que le Kremlin accepte un simple gel du conflit en Ukraine accompagné d’un report de vingt ans de la candidature de Kiev à l’OTAN et du déploiement de soldats européens en Ukraine. Pour ces derniers, conserver les territoires conquis et fermer définitivement la perspective atlantiste de l’Ukraine est essentiel. Comme nous pouvons le constater, la guerre ukrainienne ne sera certainement pas résolue en 24 heures. Et le dialogue entre Trump et Poutine promet d’être tout sauf simple.» estime le chercheur Arnaud Dubien de la RTBF.

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