Mini-putt : un « exploit » que même Carl Carmoni n’avait pas vu depuis 33 ans

Il y a ces exploits extraordinaires qui transcendent le sport. Et il y a ceux qui passent inaperçus alors qu’ils sont tout aussi « incroyables, renversants, suuuuuuuperbes ». Celui réalisé par un pro du mini-putt au Québec le week-end dernier entre dans la deuxième catégorie.
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Dany Labarre a joué « la ronde de sa vie » le week-end dernier au Mini-putt Vanier pour enregistrer un score de 23, ce qui signifie qu’il a réussi 13 oiselets et joué cinq fois la normale.
Un tel score n’avait pas été vu dans une compétition provinciale depuis 1990, assure Carl Carmoni, véritable légende vivante de la discipline, même si certains joueurs se vantent « d’avoir joué des 21 à l’entraînement ». « Mais ça ne compte pas. Ce qui compte, ce sont les tournois», jure le vétéran.
Jocelyn Noël, autre grand champion du mini-putt, va encore plus loin dans le temps et affirme qu’un tel exploit n’avait pas été réalisé depuis près de 40 ans.
«C’est un exploit extraordinaire en compétition provinciale», affirme Noël, qui joue depuis 1986 et qui compile plusieurs statistiques sur le mini-putt. Si un tel score avait déjà été enregistré, il le saurait.
Plus difficile qu’avant
Ramener une carte 23 n’est pas une mince affaire. C’est un chemin aussi sinueux que de réaliser un birdie sur « le zig-zag » ou « le slalom », rappellent à juste titre Carmoni et Noël, qui ont brillé sur le petit écran dans les années 90 à Défi mini-putt.
Aujourd’hui, il est même « beaucoup plus difficile de bien marquer qu’avant. La réglementation a changé et cela valorise son exploit », juge Carmoni.
« Par exemple, aujourd’hui, on ne peut plus rester à l’écart. Il faut jouer le trou tel qu’il est fait. Et avant, les joueurs pouvaient changer de balle à chaque trou. Aujourd’hui, ce n’est plus possible», ajoute Jocelyn Noël, l’ancien détenteur du record, qui était aux côtés de Dany Labarre lorsqu’il a réalisé sa ronde de rêve.
« Il m’a juste dit : ‘mets-le dedans' », se souvient en riant Labarre, alors qu’il s’apprêtait à jouer « le set », le 18e trou composé d’une montée imposante. Agé de 41 ans, ce développeur en intelligence artificielle concourt sur les tapis verts de la province depuis 2020 seulement.
Photo Stevens Leblanc
Détenteur du record et champion
Et pour mémoire, l’exploit réalisé par Dany Labarre lui a également permis de mettre la main sur la Coupe du Président, un trophée décerné au joueur ayant accumulé le plus de points au classement au cours de la saison.
« De plus, je l’ai fait à un moment charnière de la saison. J’étais derrière le leader et je devais bien jouer si je voulais le rattraper. Cela le rend encore plus spécial. Cela me touche beaucoup», exprime le grand gaillard.
Une chose est sûre, il se souviendra longtemps de l’ambiance qui régnait à ce moment-là sur le parcours. « Personne ne parlait, se souvient-il, un peu comme lorsqu’un lanceur se dirige vers un match parfait au baseball. »
Passionné depuis mon plus jeune âge
Le nouveau monarque du mini-putt québécois affirme avoir attrapé le virus lorsqu’il était enfant et que les compétitions étaient télévisées.
« J’avais un bon bulletin et j’ai pu choisir un putter au magasin. J’étais gaucher, mais il ne restait plus que des droitiers. J’en ai quand même pris un parce que je l’aimais tellement. »
Aujourd’hui, près de 30 ans plus tard, ce choix de putter lui confère désormais un avantage sur ses concurrents, puisqu’il est ambidextre.
Le récent champion de la Coupe du Président et nouveau détenteur du record de la meilleure ronde de mini-putt joué lors d’un tournoi affrontait notre journaliste Simon Baillargeon lors d’un match amical. Le professionnel du putting n’a fait qu’une bouchée de l’auteur de ces lignes.
Photo Stevens Leblanc
Un championnat en poche, Dany Labarre ne compte pas s’arrêter là avec le sport qui le passionne, même s’il est conscient que certains méprisent ceux qui le pratiquent.
Il ne se soucie pas des commentaires et préfère inviter les sceptiques à disputer une partie d’un tournoi pour leur montrer le sérieux qu’ils appliquent à la discipline.
« On sait qu’on force notre visage et qu’on travaille dur pour réussir un tir et qu’on rate la coupe d’un cheveu. Et juste après, tu as un enfant à côté qui frappe fort sans trop chercher et qui fait un birdie. Nous sommes conscients du niveau d’ironie. Mais cela peut être vraiment compétitif », affirme-t-il.
Après un huitième de finale, qui osera le contredire ?
Le mini-putt renaît grâce à la pandémie et un retour à la télé n’est pas exclu
Le mini-putt connaît une « véritable résurgence » depuis la pandémie au Québec. De plus en plus de Québécois s’intéressent à l’art du putting, et un retour à la télévision n’est pas exclu.
C’est le constat que fait le professionnel de la discipline Jocelyn Noël, qui joue depuis 1986.
« Il y a eu une véritable recrudescence du nombre de joueurs depuis la pandémie. Le mini-putt permettait aux gens de jouer dehors et de socialiser et c’était abordable », raconte celui qui est toujours impliqué dans ce milieu.
Depuis, le sport semble surfer sur cette vague. « On a une ligue, un soir par semaine, à Vanier. Il y a jusqu’à 40 joueurs inscrits, ce que nous n’avions pas vu auparavant. »
Les meilleurs joueurs du Québec se réunissent une douzaine de fois par année pour des tournois organisés par « monsieur mini-putt » au Québec, Carl Carmoni. Quelques tournois satellites organisés à travers la province complètent le tableau.
Carl Carmoni, véritable légende du mini-putt au Québec, lors d’une rencontre avec Le Journal plus tôt cette année.
Photo d’archive, Agence QMI
Lors des tournois, nous avons introduit une formule pro-am pour tenter d’attirer les amateurs. La formule leur permet d’être jumelés à un joueur professionnel et de bénéficier de ses conseils.
« Les gens viennent et peuvent être confrontés à de grands noms, comme Carl Carmoni. Cela facilite l’intégration de nouvelles personnes et la construction d’une relève », note Dany Labarre.
Retour à la télé ?
Propulsé par le spectacle Défi mini-putt dans les années 90, le sport revient progressivement à l’anonymat jusqu’à son retour sur les ondes plutôt mitigé en 2021.
« Carl (Carmoni) travaille sur le projet », confirme Jocelyn Noël, ajoutant que cela demande de l’argent. L’argent reste le nœud du problème.
« Ce n’est pas comme dans les années 90 », où il y avait des sponsors qui avaient cinq ou six chiffres à proposer. Mais nous les recherchons ! » souligne Dany Labarre en riant.
Le message est lancé.
Régulier comme un métronome
Le journal s’est offert un 18 trous avec le nouveau recordman Dany Labarre et s’est vite rendu compte que si tout le monde peut jouer au mini-putt, tout le monde ne peut pas enchaîner les birdies à la suite. L’auteur de ces lignes a peut-être réalisé son meilleur match de tous les temps grâce aux bons conseils du récent champion de la Coupe du Président, mais il n’était même pas près de prendre le dessus. Labarre a ramené une carte de 29, alors que je terminais avec un score de 38. Ses putts se sont presque tous rapprochés de la coupe, quand ils ne s’y sont pas réfugiés du premier coup. Rien n’est laissé au hasard chez celui qui se veut aussi régulier qu’un métronome. Il connaît le terrain comme sa poche et le moindre changement peut affecter son approche. « Si nous sommes en juillet avec le soleil qui tape, c’est différent que s’il fait nuageux. La façon dont le ballon colle ou non au tapis va changer », explique-t-il. Nous le croyons sur parole !
Lors d’une compétition amicale de mini-putt, le champion de la Coupe du Président Dany Labarre n’a laissé aucune chance au journaliste Simon Baillargeon en l’emportant par 9 coups. Ce dernier a cependant réalisé son meilleur tour de mini-putt de tous les temps. Photo Simon Baillargeon
Photo Simon Baillargeon
Oui, c’est officiellement un sport !
À ceux qui aiment dire que le mini-putt n’est pas un sport, détrompez-vous. Et ce ne sont pas les pros du mini-putt qui en ont décidé, mais un juge. « Le mini-putt est officiellement reconnu comme un sport et c’est grâce à un entrepreneur de Laval qui voulait avoir un permis pour vendre de l’alcool », s’amuse Dany Labarre en racontant cette histoire.
L’anecdote fait sourire, mais elle est on ne peut plus vraie. En janvier 2009, le propriétaire de Putting Edge, à Laval, a vu le Tribunal administratif du Québec lui donner raison après un an et demi de bataille juridique menée contre la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), qui a refusé de lui délivrer un tel permis. L’organisation affirmait à l’époque que le mini-putt ne nécessitait aucun effort physique ni entraînement méthodique. « Il faut consacrer beaucoup de temps à l’entraînement pour faire partie de l’élite. Si vous ne vous entraînez pas, vous ne serez pas compétitif », affirme M. Labarre.
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